PARADIGME

PARADIGME. n.m. (gr. paradeigma «exemple», «modèle»). ♦ 1° Terme employé par Platon pour désigner l’idée, qui est le type-modèle auquel les choses sensibles tendent à ressembler plus ou moins bien. Le paradigme de la Justice, c'est l'idée de Justice absolue, ou en soi, que notre vertu de justice ou nos institutions de justice humaine s'efforcent d’imiter. ♦ 2° Linguistique. L'axe paradigmatique s'oppose à l'axe syntagmatique : ce dernier constitue la chaîne linéaire de l'énoncé dans son déroulement (par exemple, la phrase que vous lisez), alors qu'un axe paradigmatique part d'un terme de cette chaîne pour le relier à des termes semblables ou de même famille grammaticale ou sémantique (par exemple, à partir du mot «chaîne» : enchaîner, chaînage, déchaînement, etc. ; ou : lien, cable, barreaux, etc.). De proche en proche, les axes paradigmatiques peuvent aller vers un nombre immense de termes.

Modèle. L’Idée platonicienne est un paradigme de la réalité, c’est-à-dire un type exemplaire, immuable et parfait dont participe la chose sensible d’une manière imparfaite. Réciproquement, le paradigme constitue dans les Dialogues un exercice destiné à entraîner l’esprit à la méthode qu’il devra suivre pour l’analyse des concepts fondamentaux : il s’agit, à partir d’un objet assez simple, de découvrir une structure qui se retrouvera dans un objet plus élevé (ainsi, dans le Ménon, on doit par exemple comprendre l’existence d’une Vertu unique par-delà la diversité apparente des vertus en comprenant d’abord que, malgré leurs différences sensibles, toutes les abeilles appartiennent à une même espèce). En linguistique, ce terme désigne techniquement l’ensemble des unités entretenant entre elles un rapport virtuel de substituabilité.

1. Modèle . Synonyme d’archétype — (l'idée platonicienne est un paradigme de la réalité). 2. En linguistique , paradigme = ensemble de termes pouvant être associés par le sens (par exemple, éducation, enseignement, formation), par le son (enseigner, renseigner) ou par la forme (enseignement, armement, chargement).

PARADIGME, n. m. 1° Sens linguistique: mot-modèle, mot-type qui sert d’exemple. Le verbe finir est ainsi le paradigme de la conjugaison des verbes en -ir\ il en est l’exemple le plus représentatif. Par extension, le mot paradigme en vient à désigner, non plus le terme représentatif, mais l'ensemble représenté par ce terme. Ainsi, le paradigme de la haine contiendra l’éventail des mots susceptibles d’exprimer ce sentiment, substituables les uns aux autres, et entre lesquels devra choisir le locuteur qui s’exprime : antipathie, aversion, détestation, exécration, hostilité, inimitié, répulsion (notons que le locuteur peut remplacer ces mots par des verbes, utiliser des formes négatives : ne pas aimer, ne pas adorer, etc.). Ainsi, dans l’acte d’écrire ou de parler, celui qui s’exprime dispose d’une série paradigmatique (ou axe paradigmatique) de mots qui peuvent être substitués les uns aux autres et entre lesquels le locuteur devra, à chaque fois, faire un choix exclusif. À cet axe paradigmatique (série «verticale» en quelque sorte des choix possibles) fait pendant l’axe syntagmatique, celui de la combinaison syntaxique des mots choisis (axe «horizontal» de composition et d’agencement des termes d’une phrase). 2° Sens général : ensemble d’éléments susceptibles d’être recensés (ou éclairés) à partir d’une référence-type. Il s’agit ici d’une transposition dans le domaine des sciences humaines du sens linguistique, lequel peut osciller de l’acception stricte de « notion de référence » à l’acception large d’« ensemble-clef se rapportant à cette notion ». Un paradigme peut ainsi désigner un ensemble de problématiques qu’un même concept opératoire permet d’interpréter (le mot paradigme recouvrant à la fois le concept de base et l’éventail des problèmes ou situations dont ce concept détermine la parenté, par exemple, « le paradigme de la complexité » selon Edgar Morin). Le terme pouvant viser un simple ensemble de possibilités ou de réalités déclinables d’un certain point de vue, un regroupement de données ou d’éléments que seul l’emploi du mot « paradigme » rend « cohérent », il est trop souvent utilisé par ceux qui désirent conférer à leur discours un semblant de scientificité. Série-type, concept opératoire, ensemble-clef, éventail, classe sont souvent des synonymes préférables.

PARADIGME (n. m.) 1. — (Lato) Exemple, modèle : l’idée platonicienne est un paradigme du monde réel. 2. — Gram. : a) exemple d’une conjugaison, d’une déclinaison ; b) ensemble des désinences constituant un type de déclinaison, de conjugaison. 3. — (Ling.) Ensemble de termes définis soit comme tous ceux qui sont construits à partir d’une matrice unique (par ex., la désinence - ement ; cf. Saussure), soit comme tous ceux qui, pouvant être substitués à d’autres dans la chaîne parlée en donnant une phrase correcte, font, dans le déroulement de cette chaîne, l’objet d’un choix de la part du locuteur (cf. Jakobson) ; en ce dernier sens, on oppose dans le langage l’axe paradigmatique à l’axe syntagmatique . 4. — Notion introduite par Kuhn pour désigner l’ensemble des procédures, des valeurs, des croyances et des modèles qui donne sa cohérence à sa communauté scientifique ; dans ce sens sociologique, Kuhn parle aussi de « matrice disciplinaire ». On peut également concevoir le paradigme au sens plus méthodologique d’un ensemble de problèmes exemplaires et de leurs solutions (cf. les manuels scientifiques) dont l’apprentissage forme l’expertise d’un chercheur qu’il n’est guère possible de rendre totalement explicite. Un paradigme guide le développement de la « science normale », les révolutions scientifiques procèdent par changement de paradigme.