orphique / orphisme
orphique, se dit des dogmes, des mystères, des principes philosophiques attribués à Orphée (poète mystique de l'Antiquité grecque). — L'orphisme enseignait la divinité de l'âme et l'impureté du corps; la mort était une libération. Le centre de ses préoccupations était le problème de la vie future. Cette mystique suscita une abondante littérature, dont les poèmes orphiques; elle trouva un auxiliaire dans le pythagorisme et exerça jusqu'à la fin de l'Antiquité une profonde influence morale : on retrouve parfois, chez Platon, ce détachement à l'égard de la vie, cette nostalgie de la vie future, qui caractérisaient l'orphisme. « Peut-être, disait Socrate, la vie présente est-elle la mort, et la mort le commencement de la vie? »
orphisme, nom donné à un courant religieux qui pénétra en Grèce dès l’époque archaïque et dont on ne connaît pas l’origine. Ce qui est certain, c’est que, alors qu’Homère ignore l’existence de l’orphisme (mais peut-être n’a-t-il pas eu l’occasion de le mentionner ou d’y faire allusion), celui-ci est solidement établi en Grèce au vie s. av. J.-C. Ses adeptes le faisaient remonter à Orphée, le musicien mythique de la Thrace. L’orphisme possédait une théogonie et une cosmogonie qu’on a voulu rapprocher à tort de celle d’Hésiode. On y retrouve de nombreux dieux du panthéon hellénique, mais ils prennent un caractère cosmique et symbolique. L’orphisme révèle une tendance en faveur d’une notion de divinité unique et panthéistique, où Zeus devient le premier et le dernier (en d’autres termes l’alpha et l’oméga), la tête et la queue, le tout, la source de tout ce qui est et de toute vie. Le mythe central de l’orphisme est celui de Zagreus : fils de Zeus et de Déméter, il avait reçu de son père l’empire du monde ; les Titans, jaloux, se saisirent de lui alors qu’il s’était transformé en taureau, le déchirèrent et le dévorèrent. Athéna sauva l’âme (ou le cœur) de Zagreus, que Zeus ressuscita sous le nom de Dionysos ; quant aux Titans, il les foudroya, et de leurs cendres naquirent les hommes, formés de deux éléments, l’un provenant des Titans, terrestre et périssable, l’autre issu de Zagreus, qu’ils avaient ingéré, divin et éternel. L’autre aspect de la cosmogonie orphique réside dans le mythe de l’œuf d’argent né du Chaos; de la division de l’œuf seraient nés les êtres porteurs des germes de toute chose et, ensuite, le ciel et la terre. L’eschatologie de l’orphisme consistait dans la croyance que l’homme possédait une âme immortelle qui avait été déchue à la suite d’un péché originel et qui, par de successives incarnations, se purifiait en tendant vers le bien pour retourner au Zeus-Tout par des purifications et surtout par l’initiation ; c’est d’ailleurs celle-ci qui est la véritable voie du salut. À ce titre, plus encore que les mystères d’Éleusis, qui ont, sans nul doute, subi son influence, l’orphisme est une doctrine de salut. Les initiés orphiques étaient ensevelis avec des tablettes ou des lamelles d’or sur lesquelles étaient inscrites des phrases rituelles et des paroles d’espoir, où ils prétendaient appartenir à la race bienheureuse des immortels et que leur âme était fille du ciel étoilé. L’orphisme fut prêché dès l’époque archaïque par des prêtres ou des initiés qui pratiquaient les jeûnes, les macérations, et, comme les pythagoriciens, avec lesquels ils avaient d’étroits rapports, ils s’abstenaient de manger la chair animale. Les premiers orphiques connus se trouvent en Grèce d’Occident à la même époque que les pythagoriciens; ce sont Orphée de Camarina en Sicile, Orphée de Crotone, Zopyros d’Héracléia en Grande-Grèce. De nombreux écrits furent ensuite placés sous le nom d’Orphée ; le plus ancien serait dû à Onomacrite, chresmologue de la cour des Pisistratides à Athènes, qui recueillit les oracles de Musée, poète mythique, également d’origine thrace; il avait aussi été chargé de réunir les poèmes d’Orphée et fut chassé d’Athènes pour y avoir inséré quelques-uns de ses propres vers. L’orphisme a imprégné toutes les générations postérieures. Pindare reprend le dogme de la réincarnation, Eschyle et Sophocle en subissent l’influence, et l’idée qui domine tout le platonisme, celle du corps tombeau de l’âme, de la chute de l’âme, immortelle et préexistante dans le monde de la génération, est d’inspiration orphique. On ne sait comment s’accomplissait l’initiation orphique. Les orphéotélestes, qui apportèrent à la Grèce archaïque la bonne nouvelle, n’apparaissent plus à l’époque hellénique que comme des charlatans et marchands d’orviétan; Platon les peint comme des imposteurs qui se prévalent d’Orphée et de ses écrits, et qui, par la magie, purifient des souillures et apportent l’immortalité; comme les métragyrtes, ils vont de cité en cité, mendient, vendent leurs purifications et leurs tablettes d’immortalité. De la littérature orphique, dont nous connaissons beaucoup de titres, il ne nous reste que des fragments ou des ouvrages de basse époque.