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Ornements

Dans le cadre de l’élocution, deux qualités se partagent l’exigence fondamentale du praticien : la clarté et l’ornement. En un sens, ces qualités sont contradictoires entre elles, et à tout prendre, c’est la clarté qui est souveraine. Mais l’ornement est de fait ce qui produit souvent la différence : le style ne saurait donc lui échapper. Il faut ainsi des ornements. Le discours doit avoir de la beauté, de l’élégance. Ce qui est difficile, c’est d’harmoniser le besoin d’efficacité et de sérieux avec le moyen du charme et de l’agrément. Quintilien s’exprime à se sujet par une belle allégorie. N’est-il point permis d’orner un verger, quoi qu’il soit seulement destiné à donner du fruit? Qui en doute? Aussi planterai-je mes arbres avec ordre, et à une certaine distance les uns des autres. Et qu’y a-t-il de plus agréable qu’un beau quinconce, qui, de quelque côté qu’on le regarde, est droit et aligné?Mais cela même sert à la nourriture des arbres, et fait qu’ils tirent le suc de la terre tous également, j’élaguerai mes oliviers, et je les empêcherai de monter trop haut. Ils en auront une tête plus arrondie et plus belle; mais ils en porteront aussi plus de fruit. Un cheval qui n’a point trop de flanc, a certainement plus de grâce; mais il en est aussi par là même plus rapide, plus léger. Un athlète qui, à force d’exercice, s’est délié les membres, et dont tous les muscles sont bien marqués, fait plaisir à voir; mais il en est aussi plus propre au combat. La justification étant entendue, le plus délicat est peut-être d’adapter la nature et la quantité d’ornements aux différents genres, vu que c’est dans le démonstratif que l’on doit se montrer le plus pompeux. Les ornements se trouvent dans le choix des mots, à varier, selon le niveau de la matière, entre les anciens et les relativement nouveaux, tout en sélectionnant toujours massivement les plus courants et les plus bienséants ; la même modération concerne l’emploi des figures.

S’il semble nécessaire et suffisant de bien concevoir les choses, puis de les exprimer comme on les conçoit, selon la traditionnelle naïveté linguistique des anciens rhétoriciens (ce qui englobe tous les théoriciens et les écrivains classiques et modernes), on admet aussi généralement que ces deux conditions sont inséparables d’une troisième, qui leur est curieusement consubstantielle : il faut sur l’expression répandre un certain éclat. Cet éclat, qui a un aspect un peu magique, vient souvent de l’usage talentueux fait des descriptions, hypotyposes, métaphores, images, comparaisons. Ce talent s’accompagne du goût de la variété et du judicieux équilibre entre la simplicité et la véhémence. Il convient évidemment aussi de fuir tous les vices. Comme on le voit, la gestion des ornements est l’antichambre du passage entre le rhétorique et le littéraire.

=> Éloquence, oratoire, partie, élocution; genre, démonstratif, niveau, style; bienséances, élégance, clarté, véhémence, variété; qualités, vices; figure, comparaison, description, métaphore, hypotypose, image.

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