OLFACTION
Les psychologues du début du siècle ont décrit la mémoire affective comme l’installation subite d’un état affectif intense, ressenti comme « déjà vécu » et dont l’élément inducteur ne peut pas être immédiatement identifié. Ils ont constamment signalé la fréquence avec laquelle une odeur pouvait déclencher le processus de la mémoire affective. Ils ont noté, enfin, que le plus souvent, les représentations associées aux états affectifs remémorés étaient liées à des souvenirs de jeunesse ou d’enfance. L’enquête de M. Louis Peyron sur la mémoire olfactive nous apprend enfin que cette dernière varie moins qu’on ne l’aurait cru en fonction de l’âge. L’emploi d’odeurs inductrices est donc un procédé qui conserve toute sa valeur, quel que soit l’âge du sujet. On peut se demander pourquoi les odeurs évoquent le plus souvent des états affectifs anciens. C’est que l’enregistrement des souvenirs olfactifs s’opèrent au maximum avant l’âge où le système rhinencéphalique et les sensations primaires subissent la concurrence des sensibilités complexes et de la visualisation. C’est avant cet âge également que la spécificité et l’identité des odeurs sont les mieux ressenties. Autrement dit, la plus grande partie de notre stock d’images olfactives, et la partie qui contient vraisemblablement les images les plus intenses et les plus différenciées, a été constituée avant notre puberté et souvent bien antérieurement. Il est donc normal qu’une odeur déclenche chez un sujet n’ayant aucun entraînement spécial du sens olfactif et quel que soit son âge, la remémoration d’un état affectif de l’enfance — et secondairement des images visuelles ou autres, qui s’y rattachent. L’emploi d’odeurs inductrices en cours d’imagerie mentale a l’avantage de ne faire appel à aucune idée, à aucune notion, et même d’éviter l’identification du stimulus. Il présente en outre l’intérêt d’évoquer électivement des états émotionnels anciens, ce qui est le but des psychothérapies profondes. Les inductions olfactives expérimentées sur des sujets préalablement soumis à la décentration semblent prouver que les techniques d’imagerie mentale utilisées en onirothérapie constituent un mode privilégié d’expérimentation pour la recherche des effets des odeurs sur l’imaginaire individuel et pour la détermination de leurs zones de résonance. D’une première série d’essais (Virel, 1969), il semble en tout cas possible de tirer quelques conclusions provisoires, à savoir d’une part, qu’un grand nombre d’odeurs ont le pouvoir d’induire des images et des états affectifs se rattachant au passé ; que d’autre part, chaque substance semble déclencher les processus de mémoire affective selon des modalités spécifiques — atteignant notamment des territoires différents de la mythologie personnelle des sujets en expérience. Il faut bien souligner qu’il s’agit d’une actualisation au sens d’un pouvoir de recorporalisation dont seraient dotées certaines odeurs comme certaines représentations imagées.