NORMAL / NORMATIF / NORME
- NORMAL, adj. (lat. normalis, de norma « équerre »). Ce qui est rectiligne, sans déviance. D'où un sens rigoureux, et un autre plus discutable mais usuel. ♦ 1° Sens rigoureux. Ce qui est conforme à sa règle, à son modèle reconnu, à son essence, aux lois établies, aux lois de la nature ; ce qui est tel qu'il doit être. Le contraire, « anormal », signifie alors déréglé, pathologique, regrettable ou blâmable. ♦ 2° Sens usuel, discutable. Ce qui est conforme à la moyenne, ce qui est courant : « Tout le monde le fait. » Le contraire est alors l'exceptionnel, si c'est remarquable et appréciable ; l'anormal est ce qui n'est pas accepté, ce qui est jugé intolérable. Le passage de l'un à l'autre sens entraîne des équivoques. Le sens rigoureux implique que l'on prend pour référence soit un fait scientifique établi (c'est ainsi que la médecine distingue le normal du pathologique), soit une loi reconnue, soit une essence conçue. Prendre pour « normal » le courant, ou le fréquent entraîne à beaucoup d'erreurs.
- NORMATIF, adj. (lat. norma « équerre »). Qui définit des règles (un jugement normatif). Les sciences normatives énoncent des règles : la logique donne les règles du raisonnement valide, l'éthique étudie les principes directeurs de l'action, l'esthétique donne des règles à suivre dans la réalisation des différentes œuvres d'art (règles de la prosodie, de la tragédie, de la statuaire, de l'architecture). Il ne faut pas confondre normatif et impératif. Une règle n'est pas un commandement. Une science normative n'est pas impérative, ou elle n'est plus une science. Mais elle propose un idéal. Quiconque a choisi l'idéal se doit d'accepter les règles qui permettent de l'atteindre : qui veut raisonner juste se doit d'accepter les règles de la logique. En art, par exemple, la contestation ou le dépassement des règles sont plus facilement envisageables.
- normatif, qui a un caractère d'exemple ou de loi. — Une conduite normative est une conduite exemplaire. Les « sciences normatives » (nom donné par Wundt à l'esthétique, à la logique et à la morale) dégagent des lois et des principes permettant de « juger » de la beauté d'une œuvre, de la valeur d'une connaissance, de la moralité d'une action. Elles s'opposent aux sciences « descriptives », comme les sciences de l'« idéal » aux sciences du « réel ». (Syn. canonique.)
- NORME, n.f. (lat. norma « équerre »). Idéal, règle, modèle. Ce terme est fréquemment utilisé dans différents domaines. ♦ 1° Biologie. Normes de poids, de taille, de proportions du corps humain. Normes de rations alimentaires. ♦ 2° Economie. Définition de ce qu'il est possible et désirable de produire pour le bon fonctionnement d'une entreprise ou de l'économie. ♦ 3° Sociologie. Modèle culturel de conduite. Comportement approprié et bien admis. ♦ 4° Ethique. On se réfère alors aux données de toute conscience : Fais le bien ; évite le mal ; sois juste, fraternel, secourable.
- normal, conforme à une règle. La normalité est une notion relative, variable avec les milieux socioculturels et les temps : c'est ce qui s'observe le plus souvent, dans une société et à une époque données. Dans un ensemble statistique dont la dispersion est normale (courbe en cloche), les notes qui se rapprochent de la moyenne arithmétique caractérisent la normalité ; au contraire, celles qui se situent aux extrémités de la courbe sont anormales. En médecine, on a tendance à assimiler l'homme normal à l’individu parfaitement sain, qui, en toute rigueur, n'existe pas.
- normal, conforme à la règle. — La notion d'« individu normal » a en général un sens social. C'est celui dont la taille et le type correspondent aux statistiques de son pays (un Américain de taille normale sera anormalement grand en Italie), dont l'esprit reflète, de plus, tous les préjugés sociaux et les habitudes psychologiques de son groupe. En ce sens, l'éducation anglo-saxonne se soucie moins d'enseigner des connaissances que d'éduquer socialement des individus pour en faire de « bons Anglais » ou de « bons Américains », bref des individus socialement « normaux ». Cette recherche de l'individu normal, au sens du « type moyen dégagé par recensement statistique », s'oppose à celle du normal au sens d'idéal, de norme, de prototype, de forme parfaite : « l'ordre normal des choses requiert la paix entre les sociétés; la justice entre les citoyens ». La notion de « normal » est donc fondamentalement ambiguë : elle oscille entre le concept statistique de « type moyen » et le concept normatif de «type idéal»; en médecine, par exemple, l'homme « normal » serait l'individu parfaitement sain; mais cet individu n'existe pas en toute rigueur, et « normalement » tous les individus rencontrent des difficultés biologiques d'adaptation dans le cours de leur vie. (V. la Connaissance de la vie, de M. Canguilhem.) [V. pathologique.]
anormal, contraire à l'ordre habituel des choses. — La notion d'anormal est une notion éminemment sociale et psychologiquement mal définie. L'individu anormal n'est pas un individu inférieur, maïs différent des autres. La notion disparaît d'ailleurs de la psychologie moderne, qui s'ouvre sur la diversité des formes d'esprits et d'intelligences. Du point de vue clinique, « anormal » ne signifie donc pas automatiquement « pathologique », c'est-à-dire « malade » ; l'anormal, c'est simplement ce qui est particulier, ce qui n'est pas la règle générale : il existe, en Afrique, des tribus dont tous les individus possèdent six doigts à chaque main et qui, pour être « anormaux », n'en sont pas moins parfaitement adaptés.