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Nietzsche: La pensée s'enracine dans la vie

La pensée et la conscience sont des fonctions fragiles chez l'homme. De fait, l'éducation a longtemps dû passer par le dressage, le châtiment corporel. Par ce constat, Nietzsche insiste sur l'ancrage de la pensée humaine dans le vivant, limitant ainsi ses prétentions à l'autonomie.

Problématique

La conscience est le résultat récent d'une longue évolution. La mémoire s'enracine dans des fonctions biologiques archaïques. La pensée et la mémoire étant fragiles, la conscience des exigences sociales doit être imprimée dans le corps, par la cruauté. La religion est ainsi un système de domination par le dressage.

Enjeux

La réflexion de Nietzsche porte sur l'origine des valeurs. Ce n'est pas, comme on pourrait naïvement le croire, la générosité et la bonté qui sont à l'origine de la vie sociale, mais la méchanceté et la cruauté des hommes. La conscience surgit dans l'histoire humaine après bien des tragédies.

La pensée s'enracine dans la vie

Sa conscience ?... On peut deviner à l'avance que le concept de "conscience” dont nous rencontrons ici la forme la plus haute, presque déconcertante, a déjà une longue histoire, une longue suite de métamorphoses derrière lui. Pouvoir se porter garant de soi, et avec fierté, donc pouvoir dire oui à soi-même, c'est, comme je l'ai dit, un fruit mûr mais aussi un fruit tardif : - combien longtemps ce fruit a dû rester sur l'arbre, âpre et acide ! Et pendant un temps encore plus long, on ne voyait rien de ce fruit, - personne n'aurait pu le promettre, bien que manifestement tout fût déjà préparé dans l'arbre et crût en vue de ce fruit ! - "Comment former dans l'animal-homme une mémoire ? Comment imprimer quelque chose d'ineffaçable à cet entendement du moment présent, à la fois étourdi et obtus, à cet oubli incarné ?"... Comme on se l'imagine aisément, ce problème très ancien n'a pas été résolu avec une grande délicatesse : peut-être même n'y a-t-il rien de plus effrayant et de plus sinistre dans toute la préhistoire de l'homme que sa mnémotechnique. "Ongrave quelque chose au fer rouge pour le fixer dans la mémoire : seul ce qui ne cesse de faire mal est conservé par la mémoire" - Voilà une loi fondamentale de la plus ancienne psychologie sur terre (et de la plus tenace aussi, malheureusement). On pourrait même dire que partout où il y a encore sur terre solennité, gravité, secret, couleurs sombres dans la vie d'un homme ou d'un peuple, il survit quelque chose de la terreur dont s'accompagna jadis partout dans le monde le fait de promettre, de donner sa parole, de prêter serment : c'est le passé, le passé le plus lointain, le plus profond, le plus cruel qui nous atteint et s'agite en nous, lorsque nous devenons "graves". Quand l'homme jugeait nécessaire de se fabriquer une mémoire, cela n'allait jamais sans supplices, martyres et sacrifices ; les sacrifices et les voeux les plus horribles (par exemple le sacrifice du premier-né), les mutilations les plus repoussantes (par exemple les castrations), les rituels les plus cruels de tous les cultes religieux (et toutes les religions sont au plus profond d'elles-mêmes des systèmes de cruauté) - tout cela dérive de l'instinct qui découvrit dans la douleur l'adjuvant le plus puissant de la mnémonique.

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