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Nietzsche: La guerre indispensable

Pour Nietzsche, la volonté de puissance est dans un premier sens le moteur de l'histoire. Elle s'incarne dans l'esprit de conquête. Mais elle est aussi créatrice de valeurs et de vie.

Problématique

Sans la guerre, la civilisation européenne n'aurait pas progressé. Si l'on s'élève au niveau de l'histoire, les passions humaines, les conflits, les destructions sont l'expression directe de la volonté de puissance qui conduit les peuples.

Enjeux

Nietzsche remet en cause l'idée selon laquelle la civilisation humaine se développerait en suivant un ordre dicté par la raison. Même si le texte présente quelque accent hégélien, il n'en est pas moins vrai que pour Nietzsche, il est vain de vouloir trouver une rationalité dans le devenir de l'humanité. La force et la brutalité sont le matériau de l'histoire que l'art seul est capable de saisir.

La guerre indispensable

C'est un songe creux de belles âmes utopiques que d'attendre encore beaucoup de l'humanité dès lors qu'elle aura désappris à faire la guerre (voire même de mettre tout son espoir en ce moment-là). Pour l'instant, nous ne connaissons pas d'autre moyen qui puisse communiquer aux peuples progressivement épuisés cette rude énergie du champ de bataille, cette haine profonde et impersonnelle, ce sang-froid de meurtrier à la bonne conscience, cette ardeur cristallisant une communauté dans la destruction de l'ennemi, cette superbe indifférence aux grandes pertes, à sa propre vie comme à celle de ses amis, cet ébranlement sourd, ce séisme de l'âme, les leur communiquer aussi fortement et sûrement que le fait n'importe quelle grande guerre. [...]. La civilisation ne saurait du tout se passer des passions, des vices et des cruautés. - Le jour où les Romains parvenus à l'Empire commencèrent à se fatiguer quelque peu de leurs guerres, ils tentèrent de puiser de nouvelles forces dans les chasses aux fauves, les combats de gladiateurs et les persécutions contre les chrétiens. Les Anglais d'aujourd'hui, qui semblent en somme avoir aussi renoncé à la guerre, recourent à un autre moyen de ranimer ces énergies mourantes : ce sont ces dangereux voyages de découverte, ces navigations, ces ascensions, que l'on dit entrepris à des fins scientifiques, mais qui le sont en réalité pour rentrer chez soi avec un surcroît de forces puisé dans des aventures et des dangers de toute sorte. On arrivera encore à découvrir quantité de ces succédanés de la guerre, mais peut-être, grâce à eux, se rendra-t-on de mieux en mieux compte qu'une humanité aussi supérieurement civilisée, et par suite aussi fatalement exténuée que celle des Européens d'aujourd'hui, a besoin, non seulement de guerres, mais des plus grandes et des plus terribles qui soient (a besoin, donc, de rechutes momentanées dans la barbarie) pour éviter de se voir frustrée par les moyens de la civilisation de sa civilisation et de son existence mêmes.

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