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NIETZSCHE : EST-CE BIEN “JE” QUI PENSE ?

NIETZSCHE : EST-CE BIEN “JE” QUI PENSE ? ■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■ Réalité spirituelle pour Descartes, unité transcendantale selon Kant, la conscience (“je”) est le sujet qui rend possible la pensée et la connaissance. Nietzsche discute cette idée d'un “je” qui serait ainsi “cause de la pensée”. Le concept de sujet ne serait-il d'ailleurs pas lui-même une illusion ? « Si l’on parle de la superstition des logiciens, je ne me lasserai jamais de souligner un petit fait très bref que les gens atteints de cette superstition n’aiment guère avouer ; c’est à savoir qu'une pensée vient quand “elle” veut et non quand “je” veux, en telle sorte que c'est falsifier les faits que de dire que le sujet “je” est la détermination du verbe “pense”. Quelque chose pense, mais que ce soit justement ce vieil et illustre “je”, ce n’est là, pour le dire en termes modérés, qu'une hypothèse, une allégation ; surtout ce n'est pas une “certitude immédiate”. Enfin, c'est déjà trop dire que d'affirmer que quelque chose pense, ce “quelque chose” contient déjà une interprétation du processus lui-même. On raisonne selon la routine grammaticale : “Penser est une action, toute action suppose un sujet actif, donc...” C'est par un raisonnement analogue que l'atomisme ancien plaçait à l'origine de la “force agissante” la parcelle de matière où réside cette force et à partir de laquelle elle agit, l'atome ; des esprits plus rigoureux ont fini par apprendre à se passer de ce dernier “résidu terrestre”, et peut-être arrivera-t-on un jour, même chez les logiciens, à se passer de ce petit “quelque chose”, résidu qu'a laissé en s'évaporant le brave vieux “moi”. »

Nietzsche (Antilles - Guyane, C, D, E, 83)

ordre des idées

1) Exposé d'un fait : des pensées peuvent m'apparaître sans que je les aie voulues.

2) Première analyse de ce fait : celui-ci constitue une objection à la croyance selon laquelle les pensées résultent de l'activité du sujet conscient.Cette croyance nous trompe parce que, si “quelque chose pense”, il n'est pas du tout évident que ce quelque chose soit “je”.

3) Approfondissement de l'analyse de l'acte de penser : — Critique de la thèse : “quelque chose pense”. Cette idée ne décrit pas le mouvement réel de la pensée, elle en est déjà une interprétation particulière. — Origine de cette thèse : la grammaire. On passe abusivement du sujet grammatical à l'idée d'un sujet réel : la conscience (“je”) ou, plus généralement “quelque chose”. — Une comparaison, enfin, montre comment l'étude de la pensée pourrait faire l'économie d'une “réalité” dont elle dépendrait : l'étude scientifique des forces ne suppose plus aujourd'hui l'existence d'une substance qui en serait le support (par opposition à ce que pensait le matérialisme antique).

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