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narration

La narration est l’une des parties obligées du discours, notamment dans le genre judiciaire. Elle fait l’objet de nombreuses prescriptions dans les traités, aussi diverses qu’en sont les pratiques concrètes. On propose parfois qu’il n’y en ait pas : c’est possible pour les causes très simples, où l’on peut se contenter d’une proposition ; c’est d’ailleurs une vraie question pour les cas où les juges sont déjà au courant : alors, on a toujours intérêt à en faire une malgré tout, ne serait-ce que relativement courte, et fortement sélective par rapport à son propre intérêt. Une fois reconnue la nécessité générale de la narration, se pose la question de sa place. Elle est communément mise après l’exorde ; mais il peut arriver que, pour des raisons de stratégie de variété et de division dans la disposition, on la place plus loin. En gros, on en distingue de deux sortes : soit sur le fond de l’affaire, soit sur l’ensemble des circonstances. Cette seconde sorte peut se développer assez lointainement à l’égard du fond même : on peut fournir aux juges des explications globales sur les gens, les actions, les catégories, recourir à des fictions, s’étendre sur tout ce qui a précédé ou suivi l’affaire, concernant les personnes et la situation. L’essentiel est d’entrer en matière comme si de rien n’était, pour donner l’impression que le choix du narré n’obéit à aucune orientation argumentative. La narration est donc, comme le dit Quintilien, l’exposition d’une chose faite, ou supposée faite, et une exposition propre à persuader; un discours instructif qui apprend à l’auditeur le point débattu d’une cause. La plupart des rhéteurs veulent que la narration soit claire, brève et vraisemblable. On décidera de raconter des faits en fonction de ce que la narration totale en serait ou toute pour nous, ou toute pour notre adversaire, ou partie favorable et partie contraire à l’un et à l’autre. Il faut prendre garde à être tout particulièrement vraisemblable, lorsque l’on détaille tout au long un ensemble favorable. On usera à ce dessein des termes les plus simples et les plus convenables, les plus universellement acceptables, et surtout, on opérera les plus vives distinctions possibles touchant les choses, les personnes, les temps, les lieux, les motifs. Il convient de s’exprimer avec calme. La narration aura la brièveté qui convient, premièrement, si on la commence par ce qu ’il importe de faire connaître aux juges; deuxièmement, si on se renferme dans ce qui fait la matière du procès; troisièmement, si l’on en retranche tout ce qui s’en peut retrancher, sans rien ôter de ce qui est utile, soit pour la connaissance des faits, soit en général pour le bien de la cause. Il y a ainsi une appropriation de la nature de la narration au type de la cause, selon que celle-ci porte sur le fait ou sur la forme. Tout cela ne doit pas empêcher d’essayer de lui donner de la grâce, par des moyens figurés divers, toujours justement modérés. On peut y recourir aux images, et ne pas y négliger le ressort des passions. Il faut surtout éviter de se contredire, et aussi d’avancer des faits évidemment opposés à ce qu’il y a de plus incontestable dans la cause. On ajoutera que c’est le traitement de la narration qui a préparé peu à peu l’émancipation du littéraire.

=> Éloquence, oratoire, partie; disposition; exorde, proposition; cause, genre, judiciaire ; passions, figure, image.


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