Databac

MYTHE

Mot, parole, fable (grec). Récit des religions antiques rapportant sur un mode tantôt poétique, tantôt fantastique l'histoire du monde (cosmogonie), des dieux et des hommes, tentant de donner une signification, une explication aux phénomènes célestes et terrestres incompréhensibles. Pour la Bible, où toute création est voulue et organisée par Dieu, il n'y a pas de mythes au sens strict bien que de nombreux événements puissent être considérés comme tels: Création, Paradis terrestre, Déluge, Caïn et Abel, Abraham et Isaac, etc. Dans le Nouveau Testament, l'apôtre Paul est totalement opposé au principe même du mythe.

Mythe

Du grec muthos, « légende », « fable ».

- Récit fabuleux qui met en scène des êtres surnaturels (dieux ou héros) incarnant des forces ou des phénomènes naturels. - Chez Platon, allégorie destinée à présenter sous une forme concrète et imagée une idée abstraite, une doctrine philosophique.

• Pour expliquer la double nature de l'âme humaine, Platon, dans le Phèdre, recourt au mythe de l'attelage ailé. Notre âme est comparable à un char ailé dont le cocher conduirait deux chevaux, l'un d'une excellente nature, l'autre indocile et brutal. Or, seuls quelques cochers parviennent à élever leur attelage vers la céleste région des essences ; les autres, se laissant entraîner par le mauvais cheval, finissent par perdre leurs ailes et par choir dans le bourbier du sensible.

MYTHE, n. m. (du grec muthos, «récit, fable»).

1° Récit imaginaire, d’origine populaire ou littéraire, qui met en scène des personnages extraordinaires, surhumains ou divins, dont les événements fabuleux ou légendaires tantôt retracent «l’histoire» d’une communauté, tantôt symbolisent des aspects de la condition humaine, tantôt traduisent les croyances, les aspirations ou les angoisses de la collectivité pour laquelle ce mythe a un sens. L’ensemble des mythes d’une civilisation forme une mythologie, la mythologie grecque par exemple. Le récit légendaire qu’est un mythe peut venir d’auteurs inconnus, faire partie d’une tradition orale, ou être forgé ou développé par des auteurs précis, dans des œuvres littéraires (poétiques ou théâtrales). Mais dans l’un et l’autre cas, le mythe représente une vision du monde, une interrogation, une nostalgie de dimension collective. Le mythe de Prométhée dérobant le feu, le mythe d’Œdipe tuant aveuglément son père et épousant sa mère, le mythe de Faust vendant son âme au diable, sont des histoires symboliques dans lesquelles des sociétés reconnaissent des vérités profondes de leur histoire, de leur philosophie, ou de l’humanité même. L’étude des mythes constitue une branche importante de l’anthropologie.

2° Au sens philosophique, le mythe est un récit poétique, une sorte d’allégorie qu’emploie un auteur pour traduire sa pensée de façon expressive. C’est le cas du mythe de la caverne, élaboré par Platon pour expliquer que notre monde «réel» n’est qu’un reflet du monde des Idées.

3° On peut intégrer à ce sens le mythe comme rêverie utopique, comme représentation idéalisée que se font certains écrivains des différents âges de l’Humanité. C’est le cas du mythe de l’Âge d’or ou du mythe du Paradis perdu, qui ne sont pas donnés comme des récits d’une histoire authentique, mais comme des Images idéales d’un monde qu’il faudrait reconstruire ou retrouver.

4° Au sens actuel, le mythe désigne une représentation simplifiée et amplifiée de la réalité, qu’il s’agisse de la réalité d’un personnage historique (le mythe napoléonien), d’un événement dont on grossit l’importance (le mythe de la Résistance française), d’un phénomène technique ou social (le mythe du progrès). Le mythe, faisant partie des croyances et de l’idéologie d’une société, peut alors agir sur le comportement des individus. Un homme politique voudra par exemple fonder une campagne électorale sur le mythe de l’Homme providentiel qu’il est censé incarner pour sauver le pays. Dans son ouvrage, Mythologies, Roland Barthes a montré que les mythes ne sont pas des produits du hasard, issus de la nature des choses. Ils représentent souvent un moyen de mystifier l’imaginaire collectif, en présentant comme naturelles des conceptions ou des visions du monde qui sont le produit de l’histoire. Le moindre discours social est empreint d’une mythologie qui n’est souvent que de l’idéologie, et qu’il faut «démythifier».

5° Le mot mythe s’emploie enfin, péjorativement, pour évoquer une pure construction de l’esprit, une idée totalement irréelle, par laquelle on a pu être provisoirement séduit. Ce n'est qu'un mythe !

MYTHE (n m.) 1. — (Socio., ethnologie) Récit fabuleux rattachant l’origine d’une activité humaine à l’invention d’un Dieu ou d’un héros, et possédant souv., dans les sociétés archaïques ou primitives, une fonction de cohésion sociale. 2. — Récit construit sur le modèle du précédent et ayant pour but de concrétiser un enseignement abstrait : les mythes platoniciens, le mythe de la caverne. 3. — Représentation symbolique stéréotypée ayant un rôle dans la pratique sociale d’un groupe : le mythe de la femme. 4. — Par ext., toute représentation correspondant à un événement ou un personnage imaginaire.

« Qu’est-ce qu’un mythe aujourd’hui ? Je donnerai tout de suite une première réponse très simple, qui s’accorde parfaitement avec l’étymologie : le mythe est une parole. »1

On se souvient de ces quelques mots qui ouvrent la seconde partie - théorique - de Mythologies en 1957. Roland Barthes y rappelait l’étymologie du mot : mythos, « la parole », en concurrence avec le mot logos que l’on traduit aussi par « la vérité ». Dès lors, par « mythe », on pouvait entendre la parole trompeuse, falsificatrice, voire mensongère. Dans tous les cas, c’était une parole séductrice, parole de poète, ou pire encore, parole de sophiste. De fait, le discours du mythe est un discours de fiction, mais qui n’est pas faux, au sens communément admis. Le mythe, dira Barthes, est détenteur d’une vérité qui s’exprime de façon indirecte, selon les modalités d’un système sémiologique second qui repose le plus souvent sur l’analogie et la métaphore. C’est donc une parole qui réclame l’interprétation. Mais quand et pourquoi recourir au mythe, dont le sens peut bouger avec les lectures ? Si le logos s’impose au philosophe et à l’historien, le mythos fera l’affaire de l’artiste, de l’orateur, du prêtre, du politique - bref, de tous ceux qui n’ont pas le besoin, l’intérêt ou le loisir du recours à la raison. Le mythe, en effet, parce qu’il touche l’imagination, joue sur la sensibilité et gagne ainsi en immédiateté, en efficacité et en simplicité. L’impression que suscite un mythe est puissante, profonde : elle rend sensible un message avant - ou au lieu - de le rendre intelligible. Là où la raison réclame du temps, de l’attention, une éducation, voire une méthode, le mythe ne demande rien. Il est donc indispensable à la transmission de ce que l’on juge universel, mais il est aussi une arme redoutable aux mains des démagogues. Le mythe se révèle ambivalent. Le recours à l’image rend la représentation qu’opère le mythe « évidente » ; voilà pourquoi le mythe simplifie le réel en même temps qu’il en « naturalise » l’expression. Il endosse ainsi un rôle idéologique, donnant le plus souvent l’illusion d’une « nature » nécessaire et immuable, intangible et parfaite, là où l’histoire a façonné une réalité complexe, mouvante et irréversible. Au fond, le mythe dédramatise, il retire du tragique à l’existence, il ajoute de la certitude à nos vies incertaines, il apporte la confiance que donne la croyance en un temps cyclique. Dès lors, le mythe, qui investit toutes les cultures, de la plus proche de la nature à la plus rationnelle, sacralise notre rapport aux choses. C’est cette dimension anthropologique et ethnologique que Mircea Eliade explore : « Étant réel et sacré, le mythe devient exemplaire et par conséquent répétable, car il sert de modèle et conjointement de justification à tous les actes humains. En d’autres termes, un mythe est une histoire vraie qui s’est passée au commencement du Temps et qui sert de modèle au comportement des humains »2.

Le mythe est d’abord fondateur, il renvoie à une origine sacrée, à une forme de parole imagée car première. De fait, le mythe est archaïque au double sens grec du mot : il commence et il commande. Sa puissance se nourrit du prestige des commencements.

1. Roland Barthes, Mythologies, Paris, Le Seuil, 1957.

2. Mircea Eliade, Mythes, rêves et mystères, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1989.

Liens utiles