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Münzer, Thomas (Stolberg, Harz, 1489/ 1490 ? - Mühlhausen, Thuringe, 1525); théologien et révolutionnaire allemand.

Münzer, Thomas (Stolberg, Harz, 1489/ 1490 ? - Mühlhausen, Thuringe, 1525); théologien et révolutionnaire allemand. C'est pendant trois ans seulement, de 1523 à 1525, que M. occupe le devant de la scène historique ; les années qui ont précédé ne furent qu'un prélude ou se perdent dans l'incertitude. M. naît vraisemblablement en 1489 à Stolberg. C'est le fils d'un maître artisan aisé. On sait qu'il fut moine augus-tin, qu'il étudia à Leipzig et Francfort-sur-l'Oder. Il semble qu'il ait occupé différentes fonctions ecclésiastiques, et mené une vie instable, toujours itinérante. Sa rencontre avec Luther date probablement de la Dispute de Leipzig (1519). Toujours est-il que Luther recommande l'année suivante son nouveau disciple pour la fonction de prédicateur à Zwickau. Là, il subit l'influence du taborite illuminé Nicolas Storch, qui lui enseigne la doctrine mystique de la « parole intérieure ». C'est désormais l'illumination intérieure qui compte pour M., la révélation constante de Dieu ; chez lui, l'expérience mystique de la foi supplante la justification par la foi de Luther, elle rend superflue la lecture de la Bible, elle conduit tous ceux qui la partagent, laïcs ou ecclésiastiques, riches ou pauvres, à la certitude d'être élus. Animé du sentiment qu'il lui incombe la mission d'instaurer dès ici-bas le royaume de Dieu, M. entreprend de combattre à la fois papistes et luthériens. Il ne peut dans ces conditions rester à Zwickau. Il se tourne d'abord vers Prague, rédigeant un Manifeste à ses frères de Bohême qui reste sans succès, en sorte qu'il doit continuer ses pérégrinations jusqu'à ce que la petite bourgade saxonne d'Allstedt le choisisse comme pré- dicateur (1523). Il allait enfin pouvoir mettre en pratique ses idées de réforme radicale, et ne projette rien moins que de faire d'Allstedt un « contre-Wittenberg ». Il commence par abolir l'usage du latin dans le culte, et procède à une révision de la liturgie et de la messe, ceci dès 1523, donc avant que Luther adopte des mesures semblables. La « ligue des Elus » d'Allstedt, qui ignore les barrières sociales ou culturelles, constitue le noyau des troupes révolutionnaires qui vont soutenir son action. Il croit au début pouvoir rallier à son mouvement la maison princière de Saxe. Tandis que Luther met les princes en garde contre « l'esprit de rébellion » d'Allstedt, M. les appelle audacieusement en juillet 1524 à adhérer à sa ligue et à prendre la tête de la révolution. Lorsque les princes refusent de s'engager, il proclame le droit de résistance du peuple contre « l'indécente tyrannie » de l'Autorité. M. s'engage désormais définitivement sur la voie de la révolution. Il s'enfuit secrètement d'Allstedt en août 1524, entre en relation avec les anabaptistes suisses. Après être passé par Nuremberg, où il fait imprimer clandestinement un pamphlet contre Luther, il se dirige vers l'Allemagne du Sud-Ouest, c'est-à-dire le coeur des territoires où se déclare justement la guerre des Paysans, puis revient dans la ville impériale de Mühlhausen, en Thuringe, où il a déjà participé à une tentative avortée de soulèvement populaire. Avec Heinrich Pfeiffer, il y introduit en mars 1525 une Constitution démocratique radicale qui accorde une influence décisive aux prédicateurs. De son bastion de Mühlhausen, il attise par ses paroles et ses écrits le soulèvement de la Thuringe, où ses partisans détruisent cloîtres et châteaux sans rencontrer de véritable résistance de la part des seigneurs et des villes. Il faut attendre qu'une coalition de princes rassemble des troupes pour que l'armée paysanne de quelque 6 000 hommes qu'il galvanise subisse une défaite sanglante à Frankenhau-sen (15 mai 1525). M. a d'abord la vie sauve, mais est ensuite fait prisonnier, torturé et exécuté. Il ne meurt pas comme un martyr, mais comme un homme brisé qui doit renier sa doctrine. On peut dire sans exagération que sans M., il n'y aurait pas eu de guerre de Paysans en Allemagne centrale. Mais il est clair que M. n'a pas réussi à élaborer un programme social et politique concret, en dehors de vagues injonctions communistes qu'il a formulées et qui rappellent manifestement la doctrine chiliastique des premiers chrétiens. En ce sens, il est faux de le présenter comme un précurseur du socialisme, voire du communisme modernes. Bibliographie : C. Hinrichs, Luther et Münzer. Leur débat au sujet du droit de résistance, Berlin, 1952 ; M. Schaub, Münzer contre Luther : le droit divin contre l'absolutisme princier, 1984 ; M. Pianzola, Thomas Münzer ou la Guerre des Paysans, 1958.

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