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monnaie primitive

Bien des objets précieux circulant dans des transactions particulièrement spectaculaires ou faisant l'objet d'une thésaurisation intense ont été considérés comme signes monétaires par les observateurs des sociétés où ils étaient en usage. Tel est le cas notamment des objets nommés fä trouvés en Micronésie et de ceux dont Armstrong a donné une description devenue classique pour l'île Rossel en Mélanésie. En face de cette réalité l'attitude des ethnologues consiste soit à dénier tout caractère monétaire aux objets en question, soit à s'efforcer de leur découvrir tous les traits et fonctions que les économistes professionnels attribuent à la monnaie moderne. Dans les deux cas l'institution indigène et le rôle qu'elle joue dans la vie sociale sont analysés et définis par référence exclusive à une seule période de l'histoire monétaire de l'Occident, un phénomène purement local et étroitement limité dans le temps (la monnaie européenne de l'époque libérale) étant utilisé comme pierre de touche universelle. C'est oublier que notre propre monnaie n'a pas toujours possédé les caractères (anonymat, liberté, interchangeabilité) ni les fonctions (paiement, échange, mesure et réserve de valeur) que l'on continue de lui reconnaître aujourd'hui, bien que leur conjonction soit déjà une chose du passé. Ainsi la monnaie occidentale de l'époque actuelle n'est plus totalement libre ; l'inflation permanente et les dévaluations périodiques l'empêchent d'autre part de jouer son rôle de réserve de valeur, et pourtant elle est toujours considérée comme une monnaie authentique. De même, la monnaie de la Grèce antique, si éloignée de remplir les conditions posées par les économistes pour mériter le nom de monnaie, est néanmoins traitée comme telle par tous les spécialistes moyennant la mise en garde de ne pas lui attribuer un sens qui serait anachronique. Il n’est pas de phénomène économique concevable en dehors du cadre institutionnel d’une culture particulière et d’une époque déterminée et ce n’est que par référence à ce contexte sui generis qu’il est possible de parler de monnaie. Ici, revient au premier plan, une fois de plus, l’exigence de totalité qui inspire les meilleurs travaux ethnologiques. Et cela n’empêche pas de reconnaître, parmi les centaines de combinaisons institutionnelles réalisées à travers le temps et l’espace, que le tambu des Tolai de Nouvelle-Bretagne (Nouvelle-Guinée australienne) possède toutes les caractéristiques de la monnaie occidentale dans sa définition classique.

Armstrong (1928), Dalton, G. (1965), Einzig (1949), Polanyi (1968), Will (1954).

(Angl. : primitive money.)

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