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Michel Déon

Michel Déon est né à Paris le 4 août 1919. Etudes à Janson-de-Sailly, aux lycées de Monaco et de Nice, puis à la Faculté de Droit de Paris. Présenté à Charles Maurras par François Daudet, Michel Déon devient secrétaire de rédaction à l’Action française en 1942. Il conserve ce poste pendant deux ans. Après la guerre, il voyage beaucoup en Europe, publie son premier roman, Je ne veux jamais l’oublier, en 1950. En fait, c’est la thèse accréditée par Michel Déon, qui a dès cette date renié, pour les faire oublier, trois romans « roses » antérieurs à Je ne veux jamais l’oublier : Adieux à Sheila (1944), Amours perdues (1946) et la Princesse Manfred (1949). Il gagne les Etats-Unis en 1951, muni d’une bourse de la Fondation Rockfeller. Il y reste un an, revient à Paris où il sera conseiller littéraire dans une maison d’édition jusqu’en 1958. Entretemps, il a obtenu le Prix des Neuf pour son roman le Dieu pâle. Après trois nouvelles années de voyages, il collabore à la direction littéraire des éditions de la Table ronde jusqu ’en 1964. Il obtient le prix Interallié en 1970 pour les Poneys sauvages et le Grand Prix du Roman de l'Académie française en 1973 pour Un taxi mauve — roman dont Yves Boisset a tiré un film en 1977. Après avoir repris un moment la direction des services étrangers de la Table ronde, Michel Déon s’est installé en Irlande, dans le Country Galway, qu’il ne quitte guère plus que pour des séjours d’été dans l’île grecque de Spetsaï. Le fait est si indiscutable qu’il écrase tous les commentaires qu’on fait de son œuvre : Michel Déon, qui débuta dans le journalisme à l’Action française, fit son apprentissage littéraire dans « l’école de la désinvolture » et devint l’un des représentants les plus finement stendhaliens et les plus lus du groupes des « Hussards », n’est pas un écrivain « de son temps ». Toute sa vie, comblée de voyages et de séjours aristocratiques dans des paysages choisis, est une recherche désespérée du bonheur solitaire; toute son œuvre, remplie de nostalgie, exprime un refus glacé du monde contemporain. Et pourtant... Certes, des Hussards il a le dilettantisme sportif et le goût de la provocation, le pessimisme sec et l’onctuosité florentine. Et l’on croit avoir tout dit, lorsqu’on a posé ce mélange de scepticisme moral et d’hédonisme paresseux qui caractérise en principe l’extrême-droite littéraire. Sur le fond, les romans de Michel Déon n’échappent sans doute pas à cette famille où l’on écrit des livres comme on jetterait son gant à l’univers entier, en se détournant juste un peu pour ne pas se donner l’air de vouloir juger de l’effet. Mais cette arrogance pincée est plutôt de Jacques Chardon-ne que de Michel Déon. Il y a quelque part un humaniste chaleureux sous le désenchantement, quelque part un Swift dans les pages les plus sauvages de cet éternel exilé, observateur d’autant plus aigu et d’autant plus inventif qu’il n’est chez lui nulle part et n’attend rien de personne. Il aime passer, rencontrer. Et puis partir. Disponible et désintéressé comme devant. Mais il ne glisse qu’en apparence et s’écorche toujours un peu plus : le monde pour lui n’est pas seulement plein de belles occasions de désespérer, il est surtout gorgé de signes de catastrophes toujours plus vastes. Plus que du bonheur individuel, comme on l’a trop souvent prétendu, plus que de la désillusion, Michel Déon est un romancier du pressentiment. Ses personnages ont comme lui ce don de l’affût silencieux, qui fait naître l’étrange et la démesure aux moments les plus inattendus ou les plus sereins du récit. Dans ses romans survient toujours l’instant où l’atmosphère la plus pastorale vire à l’orage sec : quelque chose soudain gonfle et craque entre les lignes de l’action, sans que l’auteur ait semblé intervenir ni « poussé » son récit. « Pour des êtres murés dans leur pudeur, paralysés par un étouffant secret (...), ce qui ne se dit pas est plus important que ce qui se dit » a dit Michel Déon de certains de ses personnages, qui lui ressemblent. Voilà sans doute pourquoi l’auteur d’Un taxi mauve demeure un maître de ce qu’on appelle parfois le « roman romanesque », la surenchère dans les termes voulant désigner l’école narrative classique, où l’on aime suggérer l’indicible sous la banalité noire des apparences.

► Bibliographie
Romans : Je ne veux jamais l'oublier, Plon, 1950; la Corrida, Plon, 1952, le Dieu pâle, Plon, 1954 ; les Trompeuses Espérances, Plon, 1956 ; les Gens de la nuit, Plon, 1958 ; la Carotte et le bâton, Plon, 1960 ; les Poneys sauvages, Gallimard, 1970 ; Un taxi mauve, Gallimard, 1973 ; le Jeune Homme vert, Gallimard, 1975 ; Thomas et l'infini, Gallimard, 1977. Récits : tout l'amour du monde (I, Plon 1955; II, Plon, 1960) ; Fleur de colchique, Fasquelle, 1957 ; le Balcon de Spetsaï, Gallimard, 1961, le Rendez-vous de Patmos, Plon, 1965 et la Table ronde, 1971 , Un parfum de jasmin, Gallimard, 1967. Libelles : Lettres à un jeune Rastignac, Fasquelle, 1956 .Mégalonose, la Table ronde, 1967. Essais : l'Armée d'Algérie et la pacification, Plon, 1959; Louis XIV par lui-même, Perrin.


Romancier, né à Paris. D’abord - aux premières années de l’après-guerre - accueilli avec joie dans le groupe des écrivains dits de la « désinvolture », dits aussi les « Hussards » (Je ne veux jamais l’oublier, 1950 ; Le Dieu pâle, 1954), il choisit bientôt de s’« expatrier » de son propre chef : alternativement dans l'île grecque de Spetsaï et dans le Country Gulway, en Irlande. Ce dernier « exil » lui inspire ses deux grands succès, Les Poneys sauvages (1970) et Un taxi mauve (1973), dont Yves Boisset tirera un film peu après. Tenu pour le chantre du bonheur individuel et aristocratique, Déon prouvera très vite qu’il ne pense (et avec une inquiète et sincère commisération) qu’à l’avenir des hommes, dans un monde à brève échéance condamné à mort. « Après nous », semble-t-il dire, « le déluge » (ou plutôt, comme dans l’opéra célèbre de Rameau, « Songe que sous les fleurs où le plaisir t’entraîne, des gouffres profonds sont ouverts »). Que ce choix d’un si précoce refuge n’ait été en vérité qu’un refus, il l’avoue dans ce curieux mélange de fiction et d’autobiographie qu’est La Montée du soir (1987).

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