Mémoires d'une jeune fille rangée Simone de BEAUVOIR, 1958, Folio
Dans ce premier volume de mémoires, Simone de Beauvoir conte sa vie jusqu'à son agrégation de philosophie. Son enfance n'a pas manqué de charme dans un univers bourgeois protégé. Mais bientôt la jeune fille rangée qu'on la préparait à être est entrée en rébellion contre son milieu. Le conformisme de ses parents, les contraintes morales et intellectuelles du cours religieux qu'elle fréquente, développent chez elle une volonté résolue de liberté : M'affranchir des adultes, voir clair avec mes propres yeux. Ainsi naît sa vocation philosophique, vocation dont s'effarouchent ses professeurs pour qui la philosophie corrodait mortellement les âmes. Refusant de s'insérer banalement dans l'ordre social, elle est désormais tout entière tendue vers l'affirmation d'une liberté raisonnée dans laquelle, très tôt, seul le dessein d'écrire lui paraît donner un sens à l'existence. Des amitiés chaleureuses ont leur place dans ces années de formation. C'est d'abord celle de Zaza, la condisciple de toujours, l'amie extraordinaire, qui vit dramatiquement les mêmes refus. Déchirée entre un amour qui n'est pas payé de retour et les obstacles familiaux, Zaza meurt d'une étrange fièvre. Son image reste comme un avertissement : Ensemble nous avions lutté contre le destin fangeux qui nous guettait et j'ai longtemps pensé que j'avais payé ma liberté de sa mort. Et puis un jour, à l'époque de l'agrégation (1929), c'est la rencontre de Sartre, qui s'impose par sa force intellectuelle et qui, lui-même, ne vit plus déjà que pour écrire. La qualité de l'héroïne, les dons de l'écrivain qu'elle est devenue, qui ose et sait tout dire, rendent le livre passionnant. Aux Mémoires d'une jeune fille rangée font suite deux volumes ainsi justifiés : Inutile d'avoir raconté l'histoire de ma vocation d'écrivain si je n'essaie pas de dire comment elle s'est incarnée. La Force de l'âge (1960), qui couvre les années 1929 à 1944, est un témoignage capital sur toute une génération d'écrivains, celle de Simone de Beauvoir et de Sartre, et sur l'époque où ils sont entrés dans l'action littéraire et politique, avec la montée des fascismes, les épreuves de la guerre et enfin la Libération. La Force des choses (1963) permet de suivre l'action des écrivains liés à la revue Les Temps modernes fondée par Sartre en 1945 (cf. Situations), depuis la Libération, riche de tant d'espoirs bientôt déçus, jusqu'à la fin de la guerre d'Algérie. La vie personnelle de l'auteur tient encore une place importante dans ces volumes. Le bilan qu'elle en dresse dans l'épilogue du dernier est amer et émouvant. Analysant sa situation d'intellectuelle révoltée contre sa classe d'origine, elle constate qu'elle est prisonnière de contradictions car elle reste une privilégiée. Puis elle clôt l'évocation d'une vie aussi active que la sienne par cette boutade : Ce qui m'est arrivé de plus important et de plus irréparable depuis 1944, c'est que - comme Zazie - j'ai vieilli. Le dernier mot, lorsqu'elle revient sur ses espoirs d'adolescente crédule, apparaît plus désabusé encore : J'ai été flouée.
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