Databac

MATÉRIALISME

Matérialisme
Du latin materialis, « constitué de matière ».
- Toute doctrine qui affirme que la seule réalité fondamentale est la matière, par opposition à l’idéalisme ou au spiritualisme. - Matérialisme historique : doctrine de Marx, selon laquelle les processus économiques (ou matériels) constituent le moteur de l’évolution des sociétés humaines.
• Pour les matérialistes, il n'est guère besoin de recourir à une âme ou à un être immatériel pour rendre compte de la pensée et de la vie.
• Le matérialisme mécaniste réduit ainsi le vivant aux propriétés physico-chimiques de la matière.
• Pour Marx, ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur condition matérielle, mais au contraire leur condition matérielle qui détermine leurs idées et leur vie intellectuelle.
• Dans tout matérialisme, Alain voit « une disposition à expliquer toujours le supérieur par l'inférieur ».

MATÉRIALISME, n .m. Thèse selon laquelle la matière est la seule réalité, l'esprit n'existant pas. Elle prend des formes différentes, qui se ramènent toutes, comme l’a dit Auguste Comte, «à expliquer le supérieur par l'inférieur», c'est-à-dire à réduire les réalités riches et complexes à d'autres qui manquent de certaines propriétés n'existant que dans les premières, autrement dit, à tirer l'être du néant, ce qui est absurde. En psychologie, behaviorisme, psychanalyse ; en morale : négation du bien, du devoir, de la justice, etc. ; en ontologie, négation de la complexité des êtres ; en sociologie, réduction de tous les phénomènes (art, culture, etc.) à des rapports de production matérielle (marxisme). Matérialisme dialectique, matérialisme historique : v. «Marxisme». En biologie : évolutionnisme.
matérialisme dialectique, théorie qui explique la genèse de l'esprit à partir des phénomènes matériels. — Le matérialisme dialectique ne considère point l'esprit comme un simple reflet de la nature, comme le fait le matérialisme dogmatique ; il est « dialectique » en ce sens que l'esprit et la nature s'expliquent l'un par l'autre, constituent une totalité originaire, dont les formes concrètes vont de l'impression sensorielle à la conscience la plus haute, en passant par la sensation kinesthésique (sensation organique de mouvement), le réflexe, l'intelligence animale; puis par la réaction réprimée, dont naissent la conscience, le langage, enfin l'intelligence et la pensée par concepts. C'est en ce sens que Lénine écrivait que « les concepts sont les produits les plus élevés du cerveau, qui est lui-même le produit le plus élevé de la matière ». Le matérialisme dialectique est donc une vaste théorie de l'évolution, qui explique l'homme et les phénomènes spirituels (comme la connaissance, la religion) à partir du mouvement matériel qui est à l'origine de la sensation. En d'autres termes, la dialectique se présente comme une méthode scientifique pour connaître comment la vie naît de la matière et comment l'esprit jaillit de la vie : c'est ainsi que l'interprètent les marxistes soviétiques comme Kammari, ou le Dictionnaire philosophique de loudine et Rosenthal.
Cette théorie possède cependant certaines limites : entre chaque moment du développement, qui va de la sensation à la pensée, il existe des « bonds qualitatifs », c'est-à-dire, simplement, qu'entre la sensation et le réflexe, le réflexe et la pensée, il existe une différence de nature que le matérialisme se trouve impuissant à expliquer et qu'il ne peut que constater. En d'autres termes, le matérialisme dialectique reconnaît le fait d'une différence de nature entre la matière et la vie d'une part, la vie et l'esprit d'autre part (quand il parle de « bonds qualitatifs »), mais il suppose hypothétiquement une continuité de développement. Il exprime moins une loi scientifique qu'une hypothèse philosophique. Cette hypothèse philosophique n'a aucune utilité en elle-même; elle exprime plutôt un idéal de la science. La dialectique matérialiste ne prouve pas le matérialisme; elle exprime plutôt une foi préalable dans la vérité du matérialisme.
matérialisme
Attitude marquée par un attachement au réel et au bien-être matériel, au mépris des valeurs spirituelles.
Commentaire Terme scientifique qui désigne à l'origine la doctrine de ceux qui ne croient qu'en la matière par opposition à ceux qui voient derrière le monde la main de Dieu, le matérialisme s'oppose à l'idéalisme. Repris sous la forme de « matérialisme historique » par Engels, il signifie alors que l'histoire est conduite non par des idéologies, mais par les réalités économiques. Sorti de ce contexte scientifique puis sociologique, ce mot s'accompagne aujourd'hui d'une connotation péjorative, car il souligne indirectement que la recherche du plaisir et des richesses se fait au détriment de la pensée, de l'imagination et de l'art.
Citation Ce mot de matérialisme, les auteurs révolutionnaires Font manié avec une ostentation provocante, comme un défi à l'hypocrisie de l'idéalisme bourgeois. Ce qui a permis aux défenseurs de l'ordre établi, et même à bon nombre d'apôtres tout à fait désintéressés de l'idée pure et des valeurs supérieures, de crier au scandale et à la bestialité. Pouvait-on, sans offenser la dignité même de l'homme, prétendre que l'histoire n'était faite que par les intérêts matériels, la recherche du profit, la quête du bien-être et des jouissances ? Et nos idéalistes, honnêtement scandalisés, de vanter les grandes choses accomplies au cours des siècles parla foi, l'héroïsme, le désintéressement, d'opposer victorieusement la pensée à la matière, de proclamer que l'histoire est esprit. (Thierry Maulnier, Violence et conscience.).
Marx, marxisme
Économiste et philosophe allemand, Karl Marx (1818-1883) est né à Trêves d'un père rabbin. Après ses études universitaires, il épouse en 1843 Jenny de Westphalen - d'une illustre famille aristocratique. La lutte du gouvernement prussien contre les hégéliens « de gauche » dont il fait partie (avec Bruno Bauer, qu'il taxera plus tard de pseudo-révolutionnaire de la bourgeoisie) le dissuade d'entrer dans la carrière universitaire; il se tourne vers le journalisme : d'abord à la Gazette rhénane (en 1842) avant de fonder en France les Annales franco-allemandes (1844). Ses démêlés avec les autorités politiques tant françaises que prussiennes l'obligent finalement à se réfugier en Angleterre, où se trouve déjà son ami et collaborateur Engels. Il meurt à Londres après avoir contribué de façon décisive à la fondation de la Première Internationale. Au carrefour de la philosophie allemande, du socialisme français et de l'économie politique anglaise, Marx va fonder ce qu'il est convenu d’appeler le socialisme scientifique, en s'inspirant notamment de la dialectique de Hegel et du matérialisme de Feuerbach.
♦ Il s'agit, comme pour Hegel, d'établir des contradictions et de les surmonter, mais en repoussant l'idéalisme, car la nature a existé avant la pensée et c'est elle qui est d'abord à l'œuvre : la nature procède dialectiquement. Le matérialisme dialectique de Marx s'oppose au matérialisme simple et mécaniste (Feuerbach) - qui présente un monde perpétuellement soumis aux mêmes combinaisons mécaniques - et il tente d'expliquer les transformations successives de la nature par le dépassement des éléments contraires en lutte jusqu’à ce qu'apparaisse une réalité supérieure, selon le principe du changement qualitatif et du progrès par bonds. Au sein de l’évolution naturelle, l'apparition de la pensée a une importance décisive. Certes, les idées produites par le cerveau et soumises à certaines conditions matérielles d’apparition ne mènent pas le monde ; cependant, Marx admet une loi d'action réciproque selon laquelle l'homme, s’il est produit de la nature, est réciproquement à même d’agir sur la matière - ce qui semble concilier les deux assertions suivantes : 1) « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, mais c'est leur existence sociale qui détermine leur conscience » ; 2) « Jusqu'ici, les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, il s'agit désormais de le transformer » (onzième Thèse sur Feuerbach).
♦ Ces principes généraux servent de toile de fond au matérialisme historique, qui apparaît comme l'application, aux sociétés humaines, du matérialisme dialectique. Philosophie de l'histoire (parmi d'autres) ou base du socialisme scientifique - selon le point de vue adopté - le matérialisme historique part d'une définition concrète de l'homme (« On peut définir l’homme par la conscience, par les sentiments et par tout ce que l'on voudra, lui-même se définit dans la pratique à partir du moment où il produit ses propres moyens d'existence ») et de sa vie réelle, donc de la nécessité pour toute société de produire des biens répondant aux besoins matériels. Marx considère en conséquence le développement des forces productives comme la clé de voûte de l'évolution historique. Ce sont les processus économiques qui, d’une part, déterminent à toutes les époques l'existence de classes sociales antagonistes (lutte des classes*) et qui, d'autre part - sous la forme de forces productives et de rapports de production - constituent l'infrastructure de la société, cause ou substrat de la superstructure idéologique (croyances religieuses, morales, esthétiques, juridiques, etc.), laquelle peut en retour exercer une certaine causalité sur les forces économiques. L'idéologie exprime la conscience que la société a d'elle-même à une époque donnée, mais traduit aussi - en les dissimulant - les conflits de classe en se présentant comme une transposition inversée des rapports réels, due à la classe dominante qui impose sa vision des choses à ceux-là mêmes qui ne devraient pas la partager : l'aliénation religieuse serait ainsi entretenue par les « exploiteurs », qui suggéreraient aux pauvres de se résigner en espérant dans l'au-delà des joies qu'ils ne peuvent trouver ici-bas ; autre exemple : les « droits naturels » proclamés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (égalité, liberté, sûreté, propriété) ne concerneraient qu'un homme bourgeois, étroitement défini par sa classe ; enfin, l'« illusion naturaliste » qui nie le mouvement de l'histoire (économique et sociale) constitue une croyance idéologique au profit des intérêts de classe de la bourgeoisie capitaliste.
♦ Marx étudie les contradictions du système capitaliste qui, s’appuyant sur la loi de la concurrence, rend le travail de l'ouvrier de moins en moins rémunérateur et de plus en plus inhumain. Ces contradictions, sources de conflits de plus en plus vifs entre classes sociales antagonistes, conduisent à la disparition du capitalisme et à son remplacement, après la révolution prolétarienne, par le socialisme, puis le communisme universel. Ainsi le sens de l'histoire est-il déterminé par l'effort des hommes pour surmonter les difficultés de l'existence, et il se traduit par une marche inéluctable du processus historique, à travers les modes de production successifs, dont l'aboutissement coïncide avec la libération et la réalisation finale de l'homme grâce à l'instauration d'une société sans classes.
♦ Le Capital. Critique de l'économie politique. De cette œuvre majeure, seul le premier Livre parut du vivant de Marx, en 1867. Il analyse « Le développement de la production capitaliste ». Les Livres II (« Le procès de la circulation du capital ») et III (« Procès d'ensemble de la production capitaliste ») furent rédigés par Engels, d'après les notes laissées par Marx, et publiés en 1885 et 1894. La quatrième partie de l’ouvrage (« Les théories de la plus-value ») fut l’œuvre (1904-1910) de Kautsky, d’après la documentation également fournie par Marx ; elle fut connue en français sous le titre Histoire des doctrines économiques. À l’occasion de la première publication française (1873) de son travail personnel, Marx avertit ainsi son lecteur : « Il n’y a pas de route royale pour la science et ceux-là seulement ont chance d’arriver à ses sommets lumineux qui ne craignent pas de se fatiguer à gravir ses sentiers escarpés. » L’analyse - qui s’affirme en effet scientifique et s’appuie sur une masse impressionnante de données chiffrées - a pour objet d’étudier les lois de développement et finalement les contradictions du système capitaliste. L’auteur dénonce l'immoralité d’un échange capitaliste au terme duquel l'argent doit toujours rapporter davantage : le patron n’achète pas le produit du travail, mais la « capacité de travail » de ses ouvriers, ce qui entraîne une forme nouvelle d’esclavage, l'exploitation de l’homme par l’homme. Payé au plus juste, l’ouvrier produit cependant par son travail une valeur supérieure à sa propre valeur de marchandise : le bénéfice ainsi réalisé par le capitaliste, c’est la plus-value. Or cette recherche du profit au détriment des prolétaires, qui trouve parallèlement des ressources toujours nouvelles dans la multiplication des inventions techniques, est précisément le péché originel du système. La réduction des salaires au strict minimum entraîne la réduction de la capacité d’achat - d'où mévente et chômage ; la concurrence exige l’accroissement des investissements (capital constant) et diminue le taux de profit ; des concentrations s'opèrent par disparition des petits patrons rejetés dans le prolétariat (prolétarisation). Le capitalisme devra ainsi mourir de ses contradictions internes, car le monopole du capital est incompatible avec les exigences de la production, et laisser la place à une économie collectiviste. L'influence du Capital demeure grande sur les économistes contemporains, y compris sur les adversaires du marxisme.
AUTRES œuvres : Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et chez Épicure (1841) ; Critique de la philosophie du droit de Hegel (1844) ; Misère de la philosophie (1847) ; Travail salarié et capital (1849) ; Contribution à la critique de l'économie politique (1859) ; Les Luttes de classes en France (1849-1850) ; Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852) ; La Guerre civile en France (1871). En collaboration avec Engels : La Sainte Famille (1845) ; L'Idéologie allemande (1846) ; Le Manifeste du parti communiste (1848) ; Critique des programmes de Gotha et d’Erfurt (1875-1891).
♦ La doctrine marxiste, fondée sur le matérialisme dialectique et le matérialisme historique, se présente comme une doctrine ouverte dont l'importance n'est plus à démontrer dans la pensée révolutionnaire du XXe siècle. À la suite de Marx et de Engels, qui conçoivent (dans le Manifeste...) un parti révolutionnaire et qui exercent une activité de militants au sein de la Première Internationale, Lénine fonde ce parti par la fusion du mouvement ouvrier et de la théorie scientifique ; de plus, le thème de la solidarité des prolétaires de tous les pays (Manifeste) est repris par cet auteur, qui en fait l'idée de base de la IIIe Internationale (1919) : en chaque pays, les ouvriers doivent lutter contre la domination de la bourgeoisie, mais sans modèle révolutionnaire préétabli. Finalement, l’homme nouveau, produit de la société sans classes, sera délivré de la loi du profit et pourra jouir d'un épanouissement total. Affirmant que l'impérialisme est le stade suprême du capitalisme, Lénine s'oppose au réformisme de Kautsky (18541938), qui prétend que l'internationalisation des monopoles a pour conséquence de stabiliser le capitalisme et qu'une évolution progressive vers le socialisme rend superflue la révolution. Parmi les nombreux auteurs marxistes du XXe siècle, qui ont essayé soit de résoudre les difficultés théoriques du système, soit d’en actualiser les analyses afin d'en assurer la prise sur le réel et l'efficacité politique, citons encore l'Italien Gramsci (18911937) qui, à l'instar du Hongrois G. Lukàcs - lequel met en lumière l'importance de l'idée de totalité -, forge une théorie de la praxis par l'unification de la théorie et de la pratique, par la synthèse de la politique et de la philosophie comme base de sa théorie révolutionnaire .
♦ L'échec des organisations politiques (URSS, démocraties populaires, Chine, ex-Allemagne de l’Est) prétendant appliquer un programme « communiste » pose d'autant plus le problème de la caducité de la théorie marxiste que Marx lui-même considère que le critère de vérité d'un système philosophique réside dans son application pratique. Cela ne signifie sans doute pas, cependant, que la pensée de Marx ait disparu en 1988 en même temps que le mur de Berlin. Outre que la pertinence de ses analyses politiques (entre autres sur l'échec de la Commune de Paris) paraît peu contestable, c'est plus généralement, comme le suggère Derrida (Spectres de Marx, 1993), un certain « esprit de Marx » qui peut être affirmé d'actualité, même si les effets critiques de la théorie semblent émoussés, ou trop marqués par leur réduction stalinienne. Cet « esprit » résiderait dans la capacité, indépendante de tout dogmatisme, à dénoncer le « déshonneur » d'une époque, ou d'un monde, dont les tenants du néo-libéralisme économique, qui se réjouissent de la « fin de l'Histoire » par la mondialisation du capitalisme, ne peuvent parvenir à masquer les inégalités. Même si Marx n'est plus qu'un « fantôme », il continue à hanter la pensée, et l'insistance avec laquelle on proclame périodiquement sa « mort » révèle que celle-ci est loin d'être totalement accomplie.
MATÉRIALISME, MATÉRIALISME DIALECTIQUE, MATÉRIALISME HISTORIQUE
♦ Toute doctrine n’admettant d’autre substance ou réalité que la matière, la pensée n’étant qu’une qualité de cette dernière, est appelée matérialisme. Dans l’Antiquité, c’est sans doute l’épicurisme qui constitue le premier système cohérent de ce point de vue - avec l’impact scandaleux qu’implique son indifférence au religieux et au spirituel. Dans les siècles qui suivent, l’installation du christianisme va rendre dangereuse toute affirmation évacuant de la sorte le sens du divin : ce n’est qu’à partir du XVIIIe siècle qu’écrivains et penseurs osent de nouveau affirmer un matérialisme cohérent (Helvétius, d’Holbach, La Mettrie) - à vocation fréquemment antireligieuse. De telles théories ont été qualifiées de mécanistes, comme plus tard la pensée de Feuerbach, par opposition au système dialectique marxiste, dans la mesure où elles ignorent la réciprocité des actions et n’admettent que des changements quantitatifs dans la matière. Depuis le XIXe siècle, le matérialisme - condamné par A. Comte comme réduisant le supérieur à l’inférieur - a pris corps dans différents secteurs scientifiques : en biologie, il rejette toute finalité et ramène le vital à du physico-chimique ; en psychologie, il considère la conscience comme un épiphénomène ou réduit le psychique au physiquement observable (psychologie du comportement).
♦ Le matérialisme dialectique désigne le système philosophique de Marx et de ses successeurs. Considérant l’univers comme un tout rigoureusement matériel et dynamique, il affirme la réciprocité des actions entre phénomènes (tout effet devient cause et inversement), l’apparition de modifications qualitatives consécutives à l’accumulation de changements quantitatifs et l’existence, dans le réel ainsi conçu, de contradictions internes dont la résolution progressive constitue le fondement de l’histoire.
♦ Le matérialisme historique est la conception marxiste de l’histoire, qui constitue un aspect particulier du matérialisme dialectique. Insistant sur l’importance du facteur économique dans l’existence humaine (parce que l’homme se définit pratiquement comme producteur de ses moyens d’existence), le matérialisme historique affirme que l’histoire est traversée par la lutte des classes, qui elles-mêmes résultent des relations économiques entre les hommes. Toutefois, cette infrastructure économique ne détermine pas mécaniquement l’évolution des superstructures : il faut au contraire penser leurs actions comme réciproques, la base économique restant malgré tout déterminante « en dernière instance ».
MATERIALISME (n. m.) 1. — Toute doctrine selon laquelle la matière au sens 2 constitue la seule réalité, et pour laquelle, par conséquent l’explication de la vie, le comportement intelligent, etc., ne nécessite pas le recours à quelque chose comme une âme ou un esprit immatériel. 2. — (Sens vulg.) Toute attitude ou doctrine morales faisant des biens tangibles (santé, plaisir, bien-être, richesse) la fin principale de la vie. 3. — Matérialisme historique : théorie de Marx et Engels, selon laquelle la production de la vie matérielle de l’homme (c.-à-d. l’organisation de la production et des rapports de production, notamment la lutte des classes) permet seule d’« expliquer [...] toute la superstructure des institutions juridiques et politiques, ainsi que des conceptions religieuses, philosophiques et autres de toute période historique » (Marx). 4. — Matérialisme dialectique : théorie, plus spécialement due à Engels, selon laquelle la réalité n’est que le développement dialectique de la matière.
MATERIALISME nom masc. - Philosophie. 1. Doctrine philosophique selon laquelle la réalité est matière. 2. Désir exclusif des biens matériels. Il est essentiel de bien distinguer les deux sens du mot, car, comme c’est le cas pour l’idéalisme, on procède souvent à l’amalgame en confondant volontairement le sens philosophique (premier sens) avec le sens courant (second sens) qui n’en est que la caricature. Dans Matérialisme et empiriocriticisme, Lénine, s’inspirant de Engels, définit ainsi le matérialisme en l’opposant à l’idéalisme : « Engels déclare dans son Ludwig Feuerbach que le matérialisme et Vidé alisme sont les courants philosophiques fondamentaux. Le matérialisme tient la nature pour ce qui est premier et l’esprit pour ce qui est second ; il met l’être à la première place et la pensée à la seconde. L'idéalisme fait le contraire. Engels met l’accent sur cette distinction radicale entre les “deux grands camps” qui divisent les philosophes des “différentes écoles” de l’idéalisme et du matérialisme, et accuse carrément de “confusionnisme” ceux qui emploient ces termes dans un autre sens. » Le matérialisme, même s’il s’oppose clairement à l’idéalisme, est loin d’être une doctrine homogène. On distingue les matérialistes antiques comme Lucrèce ou Épicure des représentants du matérialisme classique, tel Diderot. Ces derniers défendaient souvent une conception mécaniste du matérialisme en affirmant que la pensée était déterminée par la matière. A l’inverse, les représentants du matérialisme dialectique - Marx, Engels, Lénine, Mao - affirment que l’esprit et la matière constituent un couple d’opposés dans lequel le second terme est la base déterminante.
—► Idéalisme


MATÉRIALISME 1. En morale et dans l’usage courant le matérialisme est une attitude ou une doctrine qui vise à obtenir des biens matériels (fortune, bien-être, plaisir). S’emploie surtout sous forme adjective (cet individu est bassement matérialiste). 2. Philosophiquement le matérialisme désigne toute doctrine pour laquelle il n’y a pas d’autre réalité que la matière — voir ce mot, sens 3 — ; la pensée est conçue comme un produit ou une qualité de la matière. Le matérialisme explique la vie et l’intelligence sans recourir à des principes supérieurs, tels Dieu ou l’âme. 3. Le matérialisme historique est la théorie de Marx et Engels selon laquelle c’est la vie matérielle des hommes (la production, la lutte des classes) qui fonde et explique toutes les autres activités humaines : «Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie sociale, politique et intellectuelle en général», et selon une formule célèbre : «C’est la vie qui détermine la conscience non la conscience qui détermine la vie. » 4. Le matérialisme dialectique, autre nom de la doctrine de Marx et Engels, souligne que la réalité est un processus historique et contradictoire. Voir le mot Dialectique. ============================================================================================================== 1. Préface à la Contribution à la critique de l'économie politique, éd. Sociales, Paris, 1966, p. 4. 2. L'idéologie allemande, éd. Sociales, Paris, 1974, p. 51. 3. E. Kant (1724-1804) : par exemple, Fondements de la métaphysique des mœurs, éd. Delagrave, Paris, 1re section. 4. R. Descartes (1596-1650) : Méditations métaphysiques, IIe Méditation, coll. 10-18.