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Marx et le travail forcé de l'ouvrier

« Or, en quoi consiste la dépossession du travail ? D’abord, dans le fait que le travail est extérieur à l’ouvrier, c’est-à-dire qu’il n’appartient pas à son être ; que, dans son travail, l’ouvrier ne s’affirme pas, mais se nie ; qu’il ne s’y sent pas satisfait, mais malheureux ; qu’il n’y déploie pas une libre énergie physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit. C’est pourquoi l’ouvrier n’a le sentiment d’être à soi qu’en dehors du travail ; dans le travail, il se sent extérieur à soi-même. Il est lui quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il n’est pas lui. Son travail n’est pas volontaire, mais contraint. Travail forcé, il n’est pas la satisfaction d’un besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail. La nature aliénée du travail apparaît nettement dans le fait que, dès qu’il n’existe pas de contrainte physique ou autre, on fuit le travail comme la peste. Le travail aliéné, le travail dans lequel l’homme se dépossède, est sacrifice de soi, mortification. Enfin, l’ouvrier ressent la nature extérieure du travail par le fait qu’il n’est pas son bien propre, mais celui d’un autre, qu’il ne lui appartient pas, que dans le travail l’ouvrier ne s’appartient pas à lui-même, mais à un autre (...). On en vient donc à ce résultat que l’homme (l’ouvrier) n’a de spontanéité que dans ses fonctions animales : le manger, le boire et la procréation, peut-être encore dans l’habitat, la parure, etc. ; et que, dans ses fonctions humaines, il ne sent plus qu’animalité : ce qui est animal devient humain, et ce qui est humain devient animal ».

MARX, Ebauche d’une critique de l’économie politique.

QUESTIONNEMENT INDICATIF

• En quoi le travail est-il « extérieur à l’ouvrier »? • Que serait déployer « une libre énergie physique et intellectuelle »? • Pourquoi « l’ouvrier n’a le sentiment d’être à soi qu’en dehors du travail » ? • En quoi le travail pourrait-il être « la satisfaction d’un besoin » et non « seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail » ? • Qu’est-ce qu’« un travail aliéné » ? • Pouvez-vous expliquer pourquoi (et en quoi) le travail de l’ouvrier « n’est pas son bien propre mais celui d’un autre » ? • Pouvez-vous expliquer pourquoi (et en quoi) l’ouvrier, « dans le travail ne s’appartient pas à lui-même mais à un autre »? • Quelle(s) différence(s) faites-vous entre « spontané » et naturel, entre nature et spontanéité ? • En quoi, pour Marx, l’ouvrier n’a de spontanéité que dans ses fonctions animales ? Quelles sont ces fonctions ? En quoi peuvent-elles être dites « animales » ? • En quoi, pour Marx, l’ouvrier ne sent plus qu’ « animalité» dans ses fonctions humaines ? Quelles sont ces fonctions ? En quoi peuvent-elles être dites « humaines » ? Que signifie ici « animalité » ? Quelles raisons peuvent justifier ici l’emploi de ce terme ? • Est-ce que, pour Marx, tout travail est aliéné ? C’est le travail de qui qui est « aliéné »? A quelles « conditions »? • Pourquoi Marx termine-t-il par une formule qui marque une inversion radicale : « ce qui est animal devient humain, et ce qui est humain devient animal » ? • Quel est ici le but de Marx ? Que veut-il faire apparaître fondamentalement ? — Que l’ouvrier est malheureux ? — Qu’il est exploité ? — Qu’il est aliéné ? — Qu’il y a une « dénaturation » de l’homme dans une certaine organisation de la société et du travail ? • A partir de ce questionnement, établir clairement (en montrant quelle est l’argumentation et en quoi les différentes notations de Marx sont subordonnées à l’établissement d’une affirmation fondamentale riche d’implications philosophiques) quel est l’intérêt philosophique de ce texte.

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