Marcel CONCHE: Il faut philosopher au présent
Marcel CONCHE: Orientation philosophique
Marcel Conche s’est interrogé tout au long de son œuvre sur la signification de la philosophie. Au premier chef des préoccupations du philosophe se détache toute une réflexion sur la morale qu’il ne sépare pas de ce qu’est en dernier ressort la philosophie. La philosophie est un cheminement qui ne peut avoir valeur de vérité que si chacun peut en faire l’expérience. C’est le dialogue avec soi-même qui rend possible le passage à l’universel. Sans cette expérience de ]a pensée la raison est un simple instrument. Pour Marcel Conche, la philosophie n’est pas une leçon qu’il faudrait apprendre et si la condition humaine est invariable, l’effort de penser est toujours singulier et s’inscrit à la fois dans une tradition et dans l’actualité la plus immédiate. Les problèmes philosophiques comme la question de la souffrance, de la mort, du sens de la vie ne peuvent recevoir une réponse définitive. Chaque philosophe trouve à sa manière une voie et c’est dans le dialogue que se trouve fondée la possibilité de penser.
- réaction : rien à voir avec le ressentiment qui suppose une affectivité négative. Au contraire, ici il s'agit d'une libre décision.
- invariable : qui ne change pas. L'homme se pose depuis les temps historiques les mêmes questions mais la manière d'y répondre est variable. Autrement dit, il faut philosopher à partir du monde tel qu'il est à une époque donnée tout en sachant que l'exercice de la philosophie suppose la possibilité de la vérité, de l'universel.
Il faut philosopher au présent
Qu’est-ce que philosopher ? C’est réagir. La philosophie est la réaction (mais motivée, réfléchie, parlée, justifiée, bref raisonnée et raisonnable) de l’être humain à la condition humaine comme telle. Ou : c’est la réaction totale, mais exprimée dans le langage de la raison, de l’être humain à la non-clarté qui environne l’homme. La condition humaine est, d’une certaine façon, invariable : s’il y a quelque chose à faire contre telle insatisfaction, telle angoisse, telle forme de douleur, de malheur ou de mort, il n’y a rien à faire contre le fait même du perpétuel retour, avec l’homme, de l’insatisfaction, de la douleur, du malheur, de la mort. Mais l’être humain, lui, est variable ; il est le produit d’un certain type de société, d’un milieu, d’une époque. Dès lors la mort, par exemple, fait toujours partie de la condition humaine, mais elle ne signifie pas la même chose. C’est pourquoi les réactions (rationalisées) des hommes d’un autre temps aux aspects fondamentaux de leur condition d’homme (leurs philosophies) ne pourraient paraître pleinement justes et valables à l’homme d’aujourd’hui qu’à la condition (si du moins il n’y a pas, entre leur temps et le sien, des analogies telles qu’elles équivalent à une sorte de contemporanéité) de se faire leur contemporain, de s’abstraire de son monde et de son “aujourd’hui”. La philosophie ne peut donc rester vivante qu’en se renouvelant comme le monde humain lui-même. Chaque philosophe a à philosopher non avec les yeux de Descartes, Kant, Hegel, ou Engels, mais avec ses propres yeux. Simplement en étant lui-même, il est de son temps, et simplement en étant de son temps, il est conduit à une philosophie différente des philosophies historiques, et, sinon originale (car l’époque où il vit peut, répétons-le, n’être pas sans profondes analogies avec telle époque antérieure), en tout cas renouvelée.
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