Databac

MALHERBE François de

MALHERBE François de 1555-1628
Enfin Malherbe vint... Tout le monde se souvient de ce commentaire de Boileau. Ce qui est sûr, c’est qu’il vint sur le tard: à l’âge de 50 ans ce Caennais d’origine, juriste de profession, écrit une ode qui plaît à Henri IV. Pendant les vingt-quatre ans qui lui restent à vivre, il sera poète de cour (cour du roi, puis de la régente, Marie de Médicis), d’autant qu’il saura, le moment venu, flairer le vent et s’attacher à Richelieu. On a fait de lui le père du classicisme et de la poésie moderne. De fait, il a pris une grande part dans la rupture qui s’est produite avec la Renaissance, dont les poètes furent alors considérés comme des anciens et dépassés. Moderne il l’a aussi été, en préparant la centralisation esthétique autour du pouvoir royal et absolu qui fut la caractéristique du Grand Siècle. Son goût pour l’équilibre des formes, la netteté du style et son souci d’épuration de la langue (au profit de celle qui se parlait dans les salons) l’écartèrent aussi du baroque, dont pourtant certains de ses poèmes, les meilleurs, semblaient devoir le rapprocher.
MALHERBE François de. Poète français. Né à Caen ou dans les environs de cette ville, en 1555; mort le 16 octobre 1628, à Paris. Fils aîné d’un conseiller au présidial de Caen, d’inclination protestante, destiné à suivre la carrière paternelle, Malherbe reçut une excellente éducation qu’il parfit dans les Universités de Bâle et d’Heidelberg. Bien que quatre de ses frères et sœurs aient été baptisés dans la religion réformée, il semble qu’il soit resté catholique. De toute manière, en 1576, n’ayant de penchant ni pour la magistrature ni pour le protestantisme, il quitte sa famille et tente de se faire une position dans le monde. Ses débuts furent extrêmement difficiles. Attaché tout d’abord à la personne d’Henri d’Angoulême, bâtard d’Henri II, qui gouvernait la Provence, Malherbe, en tant que secrétaire, le suivit dans son gouvernement. A la petite cour d’Aix, le jeune poète, qui avait déjà composé en 1575 les Larmes sur la mort de Geneviève Rouxel qu’il ne publia jamais, se livra aux exercices poétiques qui ranimaient. De cette époque datent probablement les Ombres de Damon et quelques poèmes amoureux. Mais Henri d’Angoulême meurt assassiné en 1586. L’année suivante, Malherbe donna avec ses Larmes de saint Pierre — Poésies — une œuvre puissante et austère qui, bien qu’imitée de Tansillo, laisse entrevoir son mâle génie. L’œuvre était dédiée au roi Henri III; malheureusement, deux ans plus tard, le souverain périssait assassiné à son tour. Et Malherbe reste sans protecteur. Entre-temps, il avait épousé, en 1581, Madeleine de Coriolis, fille d’un président au Parlement de Provence, déjà deux fois veuve, et dont il devait avoir quatre enfants dont aucun ne lui survécut. Malherbe, alors, regagna Caen. Il semble que les subsides familiaux dont il avait dorénavant besoin pour vivre lui furent assez chichement mesurés. Cependant le poète ne quitte plus sa ville natale jusqu’en 1595. Lié avec des poètes locaux, Malherbe, qui compose la Consolation à Cléophon, laquelle deviendra modifiée la Consolation à M. du Perrier (1598-99) — Poésies —, semble avoir joui d’un grand prestige à Caen, même auprès des profanes puisqu’il est élu échevin en 1594. L’année suivante, Malherbe retourne en Provence où il séjourne trois ans. Là, l’expérience qu’il avait acquise des guerres civiles lui dicte ses premiers poèmes « nationaux », deux Odes sur la prise de Marseille par les troupes royales. En 1598, nouveau retour à Caen où Malherbe se lie étroitement avec Montchrétien, et il semble prouvé que les modifications considérables que subit le texte de la tragédie de ce dernier, Sophonisbe , aient été en grande partie le fait de l’influence exercée par Malherbe sur le jeune Montchrétien. En 1599, à la suite de la mort de sa fille enlevée par la peste, le poète regagne Aix, il y restera de nouveau six ans. C’est de cette période que datent ses relations suivies avec Du Vair, président du Parlement de Provence et c’est probablement sur les conseils de ce dernier que Malherbe entreprend la traduction des Epîtres à Lucilius et du traité Des bienfaits de Sénèque.
Enfin, grâce à ses poèmes français, le nom de Malherbe commence à être connu. Il publie des recueils collectifs, à Rouen (1597) et à Paris (1598, 1599, 1603). Lors du passage de la future reine de France, Marie de Médicis, Malherbe lui avait présenté une Ode de bienvenue (1600) qui eut l’heur de plaire en haut lieu, surtout au cardinal Du Perron, qui fit au roi l’éloge de son compatriote. Aussi, lorsqu'en 1605 Malherbe décide de faire le voyage de Paris, il est déjà précédé d’une renommée flatteuse. Il arrive dans la capitale en compagnie de deux grands parlementaires et humanistes, Du Vair et Peiresc. Peu après, il est présenté au roi par Vauquelin des Yveteaux et confié au grand écuyer, M. de Bellegarde, qui lui donne une charge d’écuyer du roi. Il devient ensuite gentilhomme de la chambre. Désormais, Malherbe est en place. Poète de cour, il entend régner seul. Et d’abord par le talent, dont témoigne sa noble Prière pour le Roi, et l’obséquiosité parfois un peu ridicule, le soin de magnifier les plus petits événements de la cour, les moindres incidents survenus dans la santé des souverains. Accomplissant avec un zèle obstiné sa mission, il ne manque aucune occasion de faire entendre sa voix à propos d’une naissance, d’un mariage, d’une victoire militaire ou d’un succès diplomatique. Il est de toutes les fêtes et en organise plusieurs. On le voit partout où il faut se montrer et d’abord dans les cabinets du roi et de la reine, dans les hôtels de la reine Marguerite, de Condé, de Guise. Son assiduité n’est pas moindre pour solliciter pensions et prébendes. Mais, pour régner seul, il lui faut écarter tous ses rivaux, et Malherbe le fait systématiquement, sans scrupules, ne reculant même pas devant la grossièreté. C’est ainsi qu’il s’attaque de front à la renommée de Desportes, écrivant un commentaire injurieux aux poésies profanes — v. Poésies de Desportes — et menaçant de le publier. Desportes sera vengé par son neveu, Mathurin Régnier, dans sa fameuse satire à Rapin. — Satires. Mais Malherbe parvient à ses fins. C’est comme un maître que les jeunes poètes le considèrent. Dans son logement de la rue Croix-des-Petits-Champs, ils viennent en nombre se placer sous sa férule. Les disciples favoris, ceux qui ont aussi le plus de talent, sont Racan et Maynard. Les œuvres du maître sont publiées dans les recueils collectifs de 1607, 1609, 1615. En 1610, Déimier publie une Académie de Part poétique où se trouvent exposés les principes poétiques que prône Malherbe. C’est sous la régence de Marie de Médicis que le poète officiel connut ses heures de plus grande gloire. La reine a pour lui de la sympathie et le poète lui prodigue les louanges, notamment dans une Ode sur les heureux succès de la Régence qui lui vaut une grosse pension, et dans les poèmes dont Rubens s’inspirera. Mais les débuts du règne personnel de Louis XIII marquent une chute brutale de sa production poétique. Incontestablement, les événements y sont pour quelque chose, et, entre autres, l’éloignement de la reine-mère, mais surtout l’évolution personnelle de Malherbe, prisonnier en quelque manière du système poétique qu’il a lui-même institué. Si le roi lui accorde cinq cents écus pour un sonnet, si Richelieu le nomme trésorier de France, il semble qu’on soit un peu fatigué à la cour de ce vieillard bougon qui sollicite sans cesse. Ses démarches, les continuelles demandes d’argent auxquelles l’oblige une situation financière fort embrouillée, ses procès lassent les grands, à qui il prodigue cependant encore le fruit de son talent. C’est ainsi qu’il publie en 1614 une longue et emphatique épître de consolation à la princesse de Conti. Parallèlement, il se livre à des travaux érudits, donne, en 1616 et 1621, une traduction d’un fragment de Tite-Live, entreprend de traduire Rodan-thé et Dosiclès de Théodore Prodromos et Argenis de Barclay, ouvrages qu’il n’achèvera pas. Ses dernières années sont assombries par les incartades de son fils Marc-Antoine qui, ayant tué en duel son adversaire en 1624, est condamné à mort. Ayant obtenu sa grâce, Marc-Antoine de Malherbe est tué cinq mois plus tard dans un nouveau duel. Son père fait poursuivre le meurtrier, obtient sa condamnation mais ne parvient pas à faire exécuter la sentence. Le roi, malgré ses supplications, s’y oppose et le vieux poète le lui reproche amèrement dans la Paraphrase du psaume CXLV. Dans son désir de venger son fila, Malherbe était allé jusqu’à provoquer en duel le meurtrier. Il meurt en octobre 1628, épuisé de fatigues et de chagrins. Il venait de donner son Ode à Louis XIII allant châtier la rébellion des Rochellois. En son temps, Malherbe fit figure d’original, il sut peu a peu imposer une allure nouvelle à la poésie, le plus souvent en prenant le contre-pied d’un courant qui déjà de lui-même s’épuisait. Epris de rigueur, de simplicité, et même de sécheresse, il est parvenu à marquer durablement de son tempérament personnel, raisonneur, austère, la poésie de tout le XVIIe siècle. Initiateur du classicisme, jusque dans ses défauts, il a réduit l’élégante anarchie dans les lignes un peu étroites, un peu bornées d’une forme solide, exactement proportionnée et solidement équilibrée. Humaniste fervent, Malherbe a donné, et pour longtemps, le pas à l’éloquence sur le lyrisme, à la raison sur le sentiment. Il a surtout créé un style de poésie noble et officielle qui sera repris et imité pendant deux siècles. Ses Odes, ses Stances ont été avant tout des leçons, l’illustration de sa théorie personnelle qui constituera pour les générations suivantes, et grâce en particulier à Boileau, presque un art poétique.


Poète français né à Caen en 1555, mort à Paris en 1628, François de Malherbe, après des études de droit, quitte la robe pour l'épée et s'attache à la personne d'Henri d'Angoulême, gouverneur de Provence. Il s'installe à Aix où il épouse la fille du président du parlement de Provence, avec laquelle il aura quatre enfants. Il trompe son ennui d'obscur officier en faisant des vers. Henni IV, qui a entendu parler de lui, demande à rencontrer ce soldat poète et le fait venir à Paris. Bien qu'ayant eu des sympathies pour la Ligue, Malherbe, qui a 50 ans, devient poète de la Cour. Il écrit de nombreuses pièces officielles odes, stances, sonnets et chansons (Prière pour le roi Henri le Grand allant en Limousin, Sur l'attentat du Pont-Neuf, Ode à Marie de Médicis pour sa bienvenue en France), et va passer une vingtaine d'années à épurer la langue, à combattre l'italianisme et l'envahissement des dialectes, à confier la versification et lui donner sa cadence classique. (« Enfin Malherbe vint ! », s'exclamera. Boileau...) Une rigueur qui vaudra à Malherbe, sévère jusqu'au ridicule, notamment avec ses précurseurs de la Renaissance, les surnoms de « vieux pédagogue » et de « tyran des mots et des syllabes ». Toutefois, par ses règles rythmiques et son art raisonnable, il prépare l'éloquence impersonnelle du classicisme. Poète officiel de la régente Catherine de Médicis, il meurt en 1628, sortant, paraît-il, de son agonie pour corriger une erreur de langage commise par l'un des veilleurs à son chevet. Il ne s'est pas remis d'un voyage fait à La Rochelle auprès de Louis XIII afin d'obtenir, en vain, le châtiment du meurtrier de son fils : ce dernier, gracié après avoir tué un adversaire lors d'un duel, a été tué à son tour.

MALHERBE, François de (Caen, 1555-Paris, 1628). Poète français. Poète de cour sous Henri IV puis Louis XIII, il fut le père de toute notre littérature classique. D'abord inspiré par la poésie savante de la Pléiade, il créa un style de poésie claire et rigoureuse qui influença le XVIIe siècle (Consolation à Dupérier, 1599).