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Maine de Biran: Mathématique

Mathématique

• L'objet mathématique et le sujet métaphysique sont des analogues. Le toucher actif réduit à sa plus simple expression, (fiction d’une main réduite à un ongle pointu que la volonté déplace sur un plan solide) nous ferait appréhender simultanément, par la succession d’une même action appliquée à une même résistance externe, une unité se reproduisant égale à elle-même « dans le sujet réfléchi et dans le terme objectif de l’effort » (D, 205). Se découvrirait alors le fondement de l’unité métaphysique (sujet interne) et de l’unité mathématique (point externe).

•• Le « toucher actif établit seul une communication directe entre l’être moteur et les autres existences » note Biran (D, 203). Il inclut ainsi un rapport simultané de la volonté au «corps propre et étranger». Si l’on reprend la fiction de l’ongle, la succession de points résistants forme ainsi une ligne géométrique, base d’une « géométrie linéaire » sans épaisseur, sans profondeur, sans sensation autre que celle de notre effort accompagné d’une résistance invincible externe. Le fondement des mathématiques n’est donc autre que le sujet : « L’être intelligent réduit au sens que nous venons de supposer tirerait en quelque sorte de lui-mème toute la géométrie et il se trouverait bien plus rapproché que nous le sommes [...] du véritable objet mathématique. Cet objet qui n’existe pour nous qu’en abstraction [...] serait pour lui la seule réalité existante analogue à son moi, aussi fixe, aussi permanent aussi invariable que lui » (E, 386). Quelque soit alors le degré de complexité mathématique, on pourra ainsi affirmer que « les propositions qui se généralisent ne sont que des rapports identiques qui se compliquent » (E, 564). Le rapport simple (sujet-objet) est enveloppé dans tout rapport plus complexe, « la double unité » est inhérente à tout « ce que percevons, sentons, concevons en nous et hors de nous ». Sur ce rapport simple se fondent les propriétés essentielles que le physicien attribue aux corps comme la résistance, l’impénétrabilité, l’inertie : « Ce qui constitue relativement à nous l’essence propre de corps extérieur ou de matière, n’est pas autre chose que cette force de résistance directement opposée à l’action que notre volonté détermine » (D, 207).

••• La mathématique n’est pas empirique, elle n’est pas idéale. Seule la psychologie met en évidence son fondement. On peut certes schématiser les propositions mathématiques par signes et par figures. Mais ces schémas, pour être compris, ne doivent pas renvoyer aux sens ou à l’imagination mais aux actes du sujet. La mathématique n’est pas affaire de sens ou d’imagination : elle se conçoit sans se figurer en tant qu’elle est une synthèse d’actes portant sur un terme résistant externe, à savoir l’établissement de rapports et de proportions d’où résultent des relations « constantes universelles, nécessaires » (E, 568) : « Ce n’est pas aux sens que s’adressent la ligne, les points mathématiques et leurs divers modes de coordination » (E, 79).

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