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Maine de Biran: Idée de force

Idée de force

• L’idée de force (idée simple de réflexion) dérive du sentiment interne propre à la conscience d’être cause productive et libre. Nous ne pouvons par suite concevoir aucune force d’impulsion, y compris dans le monde matériel, indépendamment du sentiment de notre force. « L’idée de force ne peut être prise originellement que dans la conscience du sujet qui fait l’effort, et lors même qu’elle est tout à fait abstraite du fait de conscience, transportée au dehors et tout à fait déplacée de sa base naturelle, elle conserve toujours l’empreinte de son origine » (E, 220). Biran dit ainsi de cette idée qu’elle est une « donnée primitive au-dedans de nous-mêmes » (DEA, 219).

•• Dans la conscience, le sujet sent et aperçoit qu’il est une « force agissante ». En effet, « le sujet sentant et moteur [...] se sent et s’aperçoit immédiatement, dès qu’il existe pour lui-même à titre de personne moi, comme une force ou cause productive » (DEA, 106). C’est cette idée qui sert ensuite de type à toutes nos idées de force : « Il y a aperception interne immédiate ou conscience d’une force qui est moi et qui sert de type exemplaire à toutes les notions générales et universelles de causes, de forces, dont nous admettons l’existence réelle dans la nature ». (DEA, 212) Lorsqu’on abstrait cette force de la conscience et qu’on la sépare de la conscience, nous avons l’idée de force absolue : « Si l’on abstrait de la conscience de notre propre force ou de notre sentiment de moi qui fait l’effort, l’exercice un et pour ainsi dire matériel de cette force agissante, on aura l’idée ou la notion de force absolue ou possible » (E, 222). La force absolue désigne une réalité posée en soi hors de la conscience. En transportant hors de nous la force que nous apercevons clairement en nous, nous en obscurcissons la signification. La métaphysique inverse en général l’ordre de la connaissance en partant de l’absolu (ici la force inconditionnelle) au lieu de partir du « relatif individuel », à savoir de la conscience. Elle ne peut alors comprendre la genèse des notions qu’elle utilise. Et elle ne peut non plus comprendre leur champ de validité.

••• C’est ainsi que Leibniz « a construit la nature avec des éléments pris dans l’activité du moi »= en faisant de la force le principe de la physique alors que l’idée de force reçoit son sens de l’élément actif de la dualité et ne peut servir de principe qu’à la psychologie. Leibniz psychologise toute la nature lorsqu’il la comprend à l’image de notre activité. Il rend sa science physique abstraite, irréelle (E, 223).

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