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Maine de Biran: Habitude

Habitude

• Les deux premiers mémoires de Biran sont consacrés à l'influence de l'habitude sur la faculté de penser. Y sont analysés les effets de l’habitude sur les sensations d’une part et les opérations de l’entendement d’autre part. Biran constate que, par répétition et exercice, les sensations s’émoussent alors que les opérations de l’entendement se précisent. Les premières sont liées à « un stimulus intérieur » organique qui monte l’organe à la hauteur de l’excitation répétée et la rend insensible. Les secondes sont liées à un mouvement volontaire qui est facilité par la répétition et devient automatique.

•• L’habitude est la pierre de touche de la compréhension de la génération des facultés. Elle est l’élément génétique de l’analyse des facultés, « l’épreuve » majeure à partir de quoi on peut faire le partage entre passivité et activité, entre ce qui revient au principe vital et ce qui revient à la volonté. D’une part, il y a évanouissement et dégradation des impressions sensorielles à proportion de leur, passivité (le principe vital se monte à la hauteur de l'excitation qui finit par ne plus être sentie), d’autre part facilité et promptitude des perceptions à proportion de leur lien avec la motricité volontaire (le pouvoir moteur est facilité). L’habitude dégrade ce qui n’est pas en notre pouvoir et elle renforce par ailleurs ce qui est en notre pouvoir. C’est pourquoi Biran distingue habitudes passives et habitudes actives. Comme il n’y a que notre faculté motrice qui soit en notre pouvoir, toutes nos opérations intellectuelles résultent d’un exercice de la volonté devenu habituel par répétition motrice ; Biran cite Bonnet : « Que sont les opérations de l’âme, sinon des mouvements et des répétitions de mouvements » (I, 126) ?

••• L’habitude a deux aspects. Positif : principe d’altération, d’engourdissement et « pour ainsi dire de mort » dans la sensibilité, elle ouvre cependant le chemin à l’intelligence en rendant toutes ses opérations plus promptes et plus faciles. Négatif : à mesure qu’elle rend les opérations de l’intelligence plus faciles, elle efface la démarcation entre volontaire et involontaire. Ainsi dans la perception visuelle par exemple, là où un effort moteur joue sur l’organe sensoriel, l’habitude rend les mouvements moteurs si faciles et associe si bien une multitude de mouvements que toutes les impressions se confondent en une « sensation indivisible » de distance, de couleur, de figure, de forme qui semble revenir de l’objet externe. Tel est l’effet négatif de l’habitude sur les facultés actives : elle ramène quasiment la perception à la passivité de la sensation en dépouillant le sujet de son action volontaire, en lui ôtant la conscience de son activité. Ne subsistent que les résultats perceptifs coupés de l’activité volontaire. Il revient à la réflexion de lutter contre cette érosion de l’activité propre du sujet. « L’habitude tend sans cesse et dans toutes les natures à agrandir le domaine de cette spontanéité qui caractérise ses produits. Elle domine à la fois sur l’instinct animal qu’elle continue et sur la volonté humaine qu’elle obscurcit et limite. En rendant spontanés et aveugles dans leurs déterminations les mouvements ou actes volontaires éclairés par la conscience, l’habitude les ferait dégénérer en un pur automatisme si l’activité du vouloir, qui leur imprime d’abord son caractère ne luttait constamment contre cette force aveugle qui lui dispute l' empire» (DEA, 163-164).

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