Maine de Biran: Dualité primitive
Dualité primitive
• La conscience n’est ni forme, ni matière mais « l’indissolubilité réelle » de deux éléments « distincts mais non séparés » : la volonté et le corps. La notion de « dualité primitive » implique une distinction réelle entre les deux éléments de la conscience et en même temps une unité réelle de ces deux éléments.
• Les deux éléments en jeu dans la conscience sont hétérogènes et inséparables, distincts et unis. L’unité duelle de la conscience n’est pas décomposable en deux réalités absolues (matière et esprit). Voilà pourquoi « le sujet est indécomposable », et c’est pourquoi encore ce que la dualité recouvre est « inexplicable ». En recourant à ce concept, Maine de Biran cherche à éviter les faux problèmes de la métaphysique. La métaphysique achoppe sur « l’union mystérieuse du sujet et de l’objet » et tente par tous les moyens, après avoir brisé cette unité réelle en deux termes absolument distincts, de les unir à nouveau. La métaphysique a inventé le problème du rapport de l’âme et du corps. Elle a fait de la distinction réelle une distinction substantielle comme si chaque terme de la dualité était une substance séparée et absolue. Elle a ensuite essayé de réduire la fracture en dépliant chaque terme sur l’autre terme. Mais on ne peut séparer dans le moi la volonté et le corps. Le moi n’est ni corporel ni spirituel. «La dualité primitive [...] constitue l’existence même du moi » (DEA, 197). Il est impossible d’expliquer cette union à partir de l’un des deux termes pris séparément. Séparer (dualisme) puis tenter de ramener l’un des éléments à l’autre (monisme) a été la source de toutes les erreurs de la métaphysique : tantôt on spiritualise le moi, tantôt on le matérialise. Pourquoi faire du duel une unité absolue (principe matériel ou principe spirituel) alors que l’unité de conscience est une relation ? « Voilà précisément ce qui fait la difficulté du premier problème de philosophie : on voudrait savoir ce qu’est en soi dans l’absolu cette cause moi qui n’existe et ne peut se sentir que comme cause, on voudrait savoir aussi ce qu’est en soi cet effet qui ne peut exister qu’au même tire d’effet, ou dans son rapport à sa cause moi [...] » (DEA, 244)
••• Biran soutient pour ce motif que la dualité primitive ne s’explique pas, que la raison n’a rien à démontrer à son sujet. Elle est un fait : « Il ne s’agit point de prouver ce fait » (E, introduction). Le désir de traduire un élément de la dualité en l’autre élément de la dualité trahit en fin de compte la volonté de se représenter objectivement ou absolument la conscience et scelle un certain destin de la philosophie moderne. Dans ses Nouvelles considérations sur les rapports du physique et du moral de l'homme (101), Biran rappelle que l’union est la base indépassable de la psychologie : « L’union est un fait primitif : aller au delà est impossible ». La conscience inclut une hétérogénéité irréductible et c’est de l’intérieur de cette relation entre éléments hétérogènes que nos facultés actives se forment, que notre pensée s’appréhende.
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