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Maine de Biran: Analyse

Analyse

• L’analyse est une méthode d’investigation des facultés de l’homme en vue d’aboutir à leur division. « L’analyse ou la division naturelle des facultés de l’homme comme être organisé, vivant, sensible et intelligent sera toujours un des problèmes les plus importants et les plus difficiles dont la philosophie ait à s’occuper » (Dis, 48)

•• Deux principales sortes d’analyse sont envisageables lorsqu’on traite de la science de l’homme. L’homme est « un être mixte, infiniment composé » qui se définit par une multitude de facultés différentes comprises en quatre ordres différents (ordre physique, ordre physiologique, ordre psychologique, ordre des facultés pratiques et d’application à la base de l’économie, de la morale etc.) Chacun de ces ordres, où la variété des points de vue sur l’homme est pourtant extrême, est une science. Malgré cette grande complexité en chaque ordre, la division des sciences de l’homme se calque sur la « nature mixte » de l’homme. C’est pourquoi « la science unique qui a l’homme pour objet » se diffracte finalement en deux points de vue essentiels, en deux analyses principales et très différentes : l’analyse physico-physiologique, l’analyse psychologique pure et pratique (moi, morale, culture). Ces deux types d’analyse ou de méthode sont sous la jurisprudence de deux facultés qui travaillent en un sens opposé, ce qui explique leurs résultats irréconciliables : « L’imagination, qui se représentant ce qui est hors de nous, s’attache exclusivement, dans la formation de ses tableaux, à ce qui peut se voir, se toucher, se décrire, et la réflexion qui se concentrant sur ce qui est en nous, s’attache tout entière à ces modes les plus intimes, qui n’ont point, hors de la conscience, de signe de manifestation, ni d’objet ou d’image qui les mette dans un relief sensible. De là donc, deux analyses ou deux méthodes de division essentiellement distinctes : la première représentative et descriptive, c’est celle qui est propre aux sciences anatomique et physiologique ; la seconde purement réflexive, qui doit être exclusivement employée dans la science propre des idées et des facultés du sujet pensant » (Dis, 50).

••• La concentration psychologique s’oppose à l’extériorisation physicophysiologique. Ce sera la conviction essentielle de Biran, une idée qu’il n’abandonnera jamais et par laquelle il préservera continûment le sens la pensée de la menace de l’image. Alors que l’analyse psychologique tend à individualiser en ramenant au sujet simple et un, « force tout en dedans », l’analyse physiologique tend à diviser en renvoyant vers l’objectivité composée ; cette dernière s’offre aux sens externes semblablement à « une machine dont on peut percevoir séparément les pièces, les ressorts ou imaginer les mouvements ». Lorsque l’analyse physiologique s’applique alors à la pensée, elle cherche à la traduire en symboles physiologiques, à la décomposer. Pour elle analyser veut dire ex-pliquer et expliquer consiste à traduire en images, par conséquent à décomposer en figures, en espace, en lieux, « comme si un fait primitif avait besoin d’être expliquée et pouvait se représenter ou se transformer en images sans changer de nature ou sans perdre sa nature de fait intérieur » (DEA, 34). Biran oppose donc radicalement les deux types d’analyse : « L’analyse physiologique tend toujours [...] à décomposer des fonctions considérées comme mouvements, et à les localiser dans les sièges ou organes particuliers, en qui et par qui seuls, elles peuvent être conçues ; l’analyse idéologique ou intellectuelle ne décompose jamais à proprement parler : les phénomènes intérieurs à qui elle s’applique n’ont aucune analogie avec des mouvements conçus dans l’espace. Avec elle tout tend essentiellement à se simplifier, à s’individualiser ; et l’idée de siège, de lieu se trouve nécessairement exclue de toutes les notions sur qui elle peut s’exercer, comme de tous les résultats auxquels elle peut atteindre » (Dis, 50).

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