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Maine de Biran: Absolu

Absolu

• Ce terme désigne ce que les « êtres sont en eux-mêmes dans l’absolu », hors de la conscience (RSP, 53).

•• La philosophie biranienne naît du partage entre relatif et absolu qui est aussi bien l’opposition entre sujet et objet. La conscience n’est autre en effet que le rapport entre volonté et corps propre et c’est pourquoi elle est essentiellement relation entre deux termes hétérogènes. Ce qui est irrécusable, évident par soi, c’est cette vie de relation en quoi consiste le sujet pensant, libre, existant. Par contre, ce qui n’est jamais donné en quelque manière que ce soit, c’est l’existence absolue, sans faille, sans fêlure, objective. Toute la subjectivité s’enracine dans cette relation primordiale et on ne trouvera aucun concept portant sur la subjectivité qui ne plonge dans l’immanence de cette relation pour en livrer le sens intime : effort, dualité primitive, aperception, existence, conscience, personne, idées, facultés actives etc. Chacun de ces concepts dit cette immanence à la fois une et hétérogène, la même et pourtant distincte, cette différence en acte de la volonté et du corps dont dérive toute notre vie intellectuelle et morale. En revanche, l’absolu désigne toute réalité en soi, hors de la conscience. Les problèmes de la métaphysique sont nés de ce qu’elle a cru pouvoir partir d’existences absolues hors du moi. En particulier de cet « être absolu de l’âme substance » (RSP, 85). La métaphysique n’a pas pris garde à l’ordre de la connaissance parce qu’elle n’a pas fait attention non plus à ce qui sépare l’absolu du relatif : « Ces métaphysiciens confondent perpétuellement l’âme, chose en soi, objet absolu de croyance, avec le moi sujet relatif de la connaissance » (RSP, 85). Or, la seule voie pour penser est de partir du donné, c’est-à-dire « du témoignage du sens intime, seul critérium que nous ayons de la vérité métaphysique » (RSP, 79). Force est de constater que l’absolu n’est jamais donné. Nous ne faisons jamais l’expérience de l’absolu, nous ne nous connaissons pas absolument comme si nous étions des choses, nous ne connaissons rien absolument. Dès que nous connaissons, le sujet est déjà là et l’absolu est déjà relatif. Penser l’absolu implique contradiction : « Ce qu’on appelle absolu cesse d’être tel pour nous dès que nous y pensons » (RSP, 91). C’est la philosophie cartésienne qui aura le plus fortement contribué à nous faire confondre l’absolu et le relatif, « la vérité de fait : je pense et la vérité absolue : je suis une chose pensante », l’existence individuelle et le sujet-chose (absolu, logique et abstrait). Ainsi s’est ouverte la possibilité de parler de la pensée et du sujet comme d’une chose-substance qu’on peut représenter objectivement et dont la vérité est hors de l’expérience subjective : objet matériel (physique) ou objet invisible (métaphysique et théologie). Un pas de plus et on se dira que la substance est toujours sous « raison de matière » ; alors le matérialisme dont le cartésianisme « était gros » absorbera la métaphysique (DEA, 81).

••• La force de la philosophie biranienne est de refuser d’ancrer la pensée dans l’absolu et le substantiel. Il y a un commencement assignable de la pensée : il consiste dans la relation d’effort. Jamais Biran ne changera sur ce point : le relatif est avant l’absolu. Savoir pourquoi nous croyons à des choses absolues est certes une question philosophique majeure (voir Croyance) mais qui ne modifie en rien l’ordre de la connaissance : toute connaissance part du moi (et donc du relatif) et toute notion absolue ne peut être qu’une croyance qui en dérive. A ce double titre la philosophie de Biran opère une critique puissante de la notion de substance en même temps qu’elle fait tomber de son piédestal la notion centrale du champ métaphysique et théologique : l’absolu.

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