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Madame Bovary (Moeurs de province)Gustave FLAUBERT, 1856, Le Livre de poche

• Condamnant le lyrisme de La Tentation de saint Antoine ses amis Bouilhet et Du Camp conseillent à Flaubert, en 1849, de traiter sur un ton naturel, presque familier, un sujet terre à terre, l'histoire de Delaunay. Ils désignaient ainsi Eugène Delamare, un officier de santé marié en secondes noces à une certaine Delphine Couturier, plus jeune que lui, qui le trompa, fit des dettes, et mourut à vingt-sept ans, en 1848, lui laissant une petite fille; Delamare mourut l'année suivante. Cette histoire a effectivement fourni à Flaubert les données essentielles de son roman ; mais le fameux Madame Bovary, c'est moi, par lequel Flaubert coupe court à l'enquête sur ses sources, rappelle utilement la part de l'écrivain dans sa création. Le double titre : Madame Bovary, Moeurs de province, a son importance. Le livre contient en effet une sévère peinture des moeurs provinciales dont l'étouffante médiocrité contribue à expliquer la destinée de l'héroïne. • Emma Rouault est une fille de paysans qui a été élevée au couvent et s'y est grisée de rêves romantiques. Pour s'affranchir de ses origines, elle épouse un officier de santé, Charles Bovary, mais cet homme médiocre la déçoit, sans que la naissance d'une fille réussisse à meubler sa vie. Une invitation au château de la Vaubyessard lui fait entrevoir un autre monde ; son insatisfaction, dès lors accrue, la portera à l'adultère. À Yonville où son mari vient s'installer pour lui plaire, elle noue une première intrigue avec un jeune clerc de notaire, Léon Dupuis; l'aventure est encore platonique, et d'ailleurs Léon se dérobe et s'en va. Emma fait alors la connaissance d'un riche propriétaire du voisinage, Rodolphe Boulanger, qui habite un château et se pique d'être un séducteur. Elle s'abandonne bientôt à lui, mais c'est encore un médiocre : il rompt quand elle exige de partir avec lui pour l'Italie, et, dans une crise de désespoir, elle est tentée de se suicider. Pour la distraire, son mari la conduit à Rouen, au théâtre. Ils y retrouvent Léon. Elle cherche à le revoir, se livre à lui rapidement et s'abandonne à la griserie de ses voyages hebdomadaires au chef-lieu. Elle fait des dettes, et ce sera le drame. Menacée de saisie, elle sollicite vainement Léon et même Rodolphe, si bien qu'elle finit par s'empoisonner avec de l'arsenic dérobé chez le pharmacien Homais. Le malheureux Charles Bovary découvre la vie secrète de sa femme qu'il n'a jamais cessé d'idolâtrer. Ruiné et désemparé, il ne tarde pas à mourir de chagrin. • Le procès intenté à Flaubert pour immoralité a surtout précipité le succès du roman. Mme Bovary a rapidement pris place parmi les types littéraires célèbres et donné son nom à un comportement moral, le bovarysme. La peinture d'Yonville, du pharmacien Homais, superbe spécimen de pseudo-savant de chef-lieu de canton, la description des comices agricoles, sont également bien connues pour la dérision jetée par Flaubert sur la société de son temps et la bêtise humaine. Quant à sa technique qui consiste à proposer un constat impersonnel de la réalité, elle fait date dans le genre romanesque et a fortement influencé les écrivains naturalistes (Zola, Maupassant).