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MACHIAVEL : EN QUEL SENS LA CRUAUTÉ EST NÉCESSAIRE

MACHIAVEL : EN QUEL SENS LA CRUAUTÉ EST NÉCESSAIRE

Sur un plan moral, on ne peut que condamner la violence. Sur un plan politique, la question n'est pas si simple. Machiavel n'est pas un moraliste. Il s'interroge sur les conduites qui font que certains hommes conquièrent et conservent le pouvoir, donc instaurent des Etats stables dans l'Italie déchirée du XVIe siècle, Etats à l'intérieur desquels la question de la morale peut enfin être posée. Un Prince enclin à la pitié est sympathique ; mais s'il laisse se développer des violences qui détruisent la société, n'est-il pas finalement plus condamnable que celui qui use de violence et cruauté pour que règne réellement la paix civile ?

« Je dis que tout Prince doit grandement souhaiter d’être estimé pitoyable et non pas cruel ; néanmoins il doit bien prendre garde de n’appliquer mal cette miséricorde. César Borgia fut estimé cruel : toutefois sa cruauté a réformé toute la Romagne, la unie et réduite à la paix et fidélité. Ce que bien considéré, il se trouvera avoir été beaucoup plus pitoyable que le peuple florentin qui, pour éviter le nom de cruauté, laissa détruire Pistoïa. Le Prince, donc, ne se doit point soucier d’avoir le mauvais renom de cruauté pour tenir tous ses sujets en union et obéissance ; car, faisant bien peu d’exemples, il sera plus pitoyable que ceux qui, par être trop miséricordieux, laissent se poursuivre les désordres, desquels naissent meurtres et rapines ; car ceci nuit ordinairement à la généralité mais les exécutions qui viennent du Prince ne nuisent qu’à un particulier. [...] Toutefois, il ne doit pas croire ni agir à la légère, ni se donner peur soi-même, mais procéder d’une manière modérée, avec sagesse et humanité, de peur que trop de confiance ne le fasse imprudent et trop de défiance ne le rende insupportable. » MachiavelLe Prince, Livre de Poche p. 86

ordre des idées

1) Un idéal apparent en politique : paraître “pitoyable”, c’est-à-dire capable d'avoir pitié, d'être sensible à la souffrance des autres, donc non cruel.

2) Critique de cet idéal par un exemple : César Borgia, qui fut réellement cruel, a réussi à donner la paix à son pays. La fin politique par excellence, une paix sociale sûre, exige donc parfois des moyens tels que la cruauté.

3) Confirmation de cette critique par un exemple inverse : la “bonté” des Florentins entraîna non la paix, mais un désastre pour la Cité de Pistoïa.

4) Conclusions générales sur la conduite réellement idéale du Prince :

— Sa fin doit être toujours l'union civile, la paix pour le plus grand nombre. —Les moyens adaptés à cette fin peuvent être une réputation de cruauté, voire une réelle cruauté, sans laquelle le plus grand nombre serait finalement sacrifié par la faiblesse du Prince. — Précision : cette cruauté est nécessaire, réfléchie, limitée, prudente : elle reste un mal, mais, parfois, un mal provisoirement nécessaire.

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