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MAC ORLAN Pierre Dumarchey dit Pierre

MAC ORLAN Pierre Dumarchey dit Pierre
1882-1970
C’est dans le Nord où il est né (à Péronne), qu’il se familiarise avec les bouges et les ports et qu’il développe un goût pour l’exotisme, thèmes qui hanteront son abondante œuvre romanesque (Le Chant de l'Equipage, Le Quai des Brumes, La Bandera, Quartier réservé, L’Ancre de Miséricorde). Réunies en 1954 ses Chansons de Charme pour Faux Nez et ses Poésies documentaires participent du même imaginaire. Dans ses chansons (Chansons pour Accordéon, 1961, et Mémoires en Chansons, 1965), créées par Germaine Montera, se retrouvent les mêmes thèmes: les ports, les filles fardées, la pluie, les marins tatoués et le vent du Nord. Mais, dépouillées de l’action nécessaire au roman, elles apparaissent comme un concentré de la poésie qui sous-tend l’œuvre entière de Mac Orlan.
MAC ORLAN Pierre (pseud. de Pierre Dumarchey). Ecrivain français. Né à Péronne le 26 février 1883, mort le 27 juin 1970 à Saint-Cyr-sur-Morin. Mac Orlan a tissé une toile de secrets sur l’histoire de sa famille et de sa jeunesse : améliorant un peu la première — suivant son préjugé — par l’attribution d’une grand-mère écossaise, et, dans le même esprit, par le choix, pour lui, d’un pseudonyme invraisemblable; n’évoquant d’autre part ses jeunes années que dans le flou d’un pittoresque assez tragique. Nous voici donc devant une vie imaginaire, en cela conforme au vœu de Marcel Schwob, un écrivain que Mac Orlan admira beaucoup. Des éléments de sa vie réelle subsistent cependant et certains ont été assez récemment mis au jour. Le père était officier dans l’armée française et mourut après la Première Guerre mondiale. La mère mit au monde deux garçons et ne leur survécut pas longtemps. L’autre garçon, Jean, devint légionnaire. Les frères étaient liés d’affection, et toute une part, sans doute, de l’œuvre de l’écrivain — plusieurs romans d’aventure et certains aspects d’un décor qu’autrefois on disait exotique : l’Afrique du Nord, etc. — doit quelque chose aux souvenirs de ce légionnaire. Pierre Dumarchey fut élevé à Orléans par un oncle maternel. Il fit de bonnes études classiques et acquit le goût du sport — surtout du rugby, mais aussi du cyclisme (une photo du quotidien rouennais Paris-Normandie le montre au départ d’une course). En 1899 (semble-t-il), il vit à Paris; maintes fois ses visiteurs l’ont entendu déclarer qu’il y connut, non pas la vie de bohème mais la misère. On sait pourtant qu’il publia ses premiers articles dans des feuilles anarchistes et fréquentait alors un cabaretier original à l’esprit vif, Frédé, celui-là même qui fonda le « Lapin Agile ». D’ailleurs, il épousera plus tard la fille de Frédé, mais seulement au terme d’amours enfantines un peu différées puisqu’il la connut alors qu’elle avait (semble-t-il) quatorze à quinze ans. Mais il lui fallait « vivre »... On pourrait trouver bizarre que cet amoureux ait écrit d’abord des livres érotiques et que, plus bizarre encore, il les ait signés de son nom. Il est clair qu’il n’y attacha aucune importance. Les deux premiers romans signés Pierre Mac Orlan : La Maison du retour écœurant (1912) et Le Rive Jaune (1913) ne dissipent pas les mystères de sa biographie. Le premier se présente comme une suite d’aventures burlesques, le rire jaune du second se comprenant comme une épidémie en forme de cataclysme ultime. Sans doute rien d’aussi alerte, d’aussi drôle et d’aussi désespéré à la fois, ni d’aussi librement étranger à l’art ne fut publié à l’époque. Puis suivit le vrai cataclysme : la guerre de 1914. Pierre Dumarchey y vit d’abord — ce qui est compréhensif pour l’égoïsme si légitime d’un miséreux — comme un long sursis, presque une délivrance de sa condition; car enfin il allait être habillé gratis, et de plus nourri aux frais de l’Etat. L’armée française enverra donc le fantassin Dumarchey en Lorraine, en Artois, à Verdun et dans la Somme. Il en rapportera des descriptions extraordinaires et un goût bouleversant pour la camaraderie des tranchées. Après-guerre, Mac Orlan deviendra correspondant auprès des armées d’occupation, puis vivra de longues années dans la maison villageoise et briarde où il devait finir ses jours. C’est là que, coiffé d’un béret écossais à pompon et fumant une de ses pipes, il composera son œuvre lucide et hallucinée. Ses écrits mêlent à sa vie antérieure (celle d’avant la guerre de 1914-18) le souvenir de ses auteurs de prédilection : Villon, Schwob et Nerval, ainsi que Kipling et Stevenson (surtout le Stevenson du Docteur Jekyll et Mr Hyde. Ce sont les étapes d’une songerie sous forme de poèmes, romans et essais. Toujours reprise, elle finira par composer le documentaire allusif des temps vécus par l’auteur : Le Chant de l’équipage (1918), La Clique du café Brebis (1918-22), Petit Manuel du parfait aventurier (1920) — celui qui ne quitte pas ses pantoufles —, La Cavalière Elsa (1921), Le Nègre Léonard et maître Jean Mullin (1921) — récit bref ayant pour thème des messes noires dans la Brie —, La Vénus internationale (1923), Le Quai des brumes (1927), Les Dés pipés (1929) — paraphrase bien venue de Fanny Hill, le roman de John Cleland —, La Tradition de minuit (1930), La Bandera (1931), Filles, ports d’Europe et Père Brabançon (1932), Quartier réservé (1932), Masques sur mesure (1937), Filles et ports d’Europe (1945); Chansons pour accordéon (1953), La Lanterne sourde (1953), Poésies documentaires complètes (1954), Le Mémorial du petit jour (1955), La Petite Cloche de Sorbonne (1957), Sous la lumière froide (trois nouvelles de 1961), Mémoires en chaussons (1965). C’est à chaque lecteur de Mac Orlan de rechercher quel sens il doit accorder à sa « Ballade de la protection » : « Souvenez-vous, Seigneur, ô Lord du temps passé/... Vous conduisiez mes mains pour que je les bénisse / Ces pauvres innocents des bienfaits judiciaires/Ces gibiers de prison, ces pauvres orphelins/ Ces minables crétins aux visages éphémères. »