LUMIÈRE
La conscience couvre trois champs : celui de l’imaginaire, celui de la connaissance du monde extérieur et celui du monde des abstractions. En fait, la conscience a encore d’autres voies. Elle peut s’introduire, par des gymnastiques peu accessibles aux Occidentaux, dans les dédales de la vie biologique, et saisir dans leurs profondeurs nos mécanismes vitaux. Mais elle peut aussi, échappant cette fois totalement au monde formulé, s’engager vers un monde sans image — rompant tout lien avec l’imaginaire et ses métamorphoses. Cette sortie de l’imaginaire n’est ni habituelle ni communément accessible, mais les ascèses orientales aussi bien que les mystiques chrétiens nous ont familiarisés avec elle (monde de lumière sur lequel débouche l’extase). Pour être complet, il faudrait dire que la lumière est un premier aspect du monde informel. En s’engageant vers elle, on s’engage dans un chemin qui semble pouvoir mener au-delà de la lumière, c’est-à-dire non seulement au-delà de toute forme, mais encore au-delà de toute sensation et de toute notion. Grâce aux techniques, aujourd’hui courantes, de certaines psychothérapies, la sortie de l’imaginaire et l’expérience de la lumière, sans être comparables peut-être à celles que décrivent les mystiques, sont cependant accessibles à une pluralité d’individus simplement épris de découverte. Par contre, à notre connaissance ou dans l’état actuel des connaissances, les sorties au-delà de la lumière semblent réservées aux mystiques occidentaux ou orientaux — et nous devons nous borner à les connaître à travers les méditations de Bouddha ou les nuits de Jean de la Croix. On sait que cette apparition d’un état-lumière est l’une des bases de la psychothérapie par le rêve éveillé dirigé. On sait aussi que les premiers travaux fixant cette méthode, comme ceux qui les avaient provoqués, accordent une grande importance à cette remarque que la sortie hors de l’imaginaire vers une lumière est constamment liée à la rêverie ascensionnelle. L’importante expérimentation accumulée à ce jour confirme, dans l’ensemble, ce principe, en y apportant toutefois un correctif auquel nous croyons utile d’accorder quelques développements. Pour nous en tenir sur le plan des faits, disons tout d’abord qu’il arrive à un sujet, mis en condition d’imagerie mentale, de déboucher sur un état de lumière, sans avoir effectué au préalable la moindre ascension. D’autre part, s’il arrive au < rêveur éveillé » d’entrer en état-lumière, fût-ce à l’occasion d’une image abyssale, il se trouve alors aussitôt entraîné vers « les sommets ». Nous voulons dire qu’il ressent aussitôt l’allègement, l’euphorie, et toutes autres caractéristiques accompagnant habituellement l’ascension achevée et que son rêve se poursuit à partir de ce moment, comme se poursuivrait le rêve d’un sujet ayant préalablement effectué l’ascension. Remarquons la liaison qui existe effectivement entre état-lumière et rêverie ascensionnelle, mais soulignons que le premier terme n’est pas nécessairement la conséquence du second. Il serait même probablement très important de faire justice de cette hypothèse selon laquelle l’édifice de l’imaginaire s’ouvre sur l’état-lumière, quel que soit l’étage auquel on s’en échappe. Certains faits relatifs aux civilisations archaïques permettraient de penser qu’un être vivant dans un univers bidimensionnel et dans un temps non orienté puisse accéder brusquement à cette lumière inondante, à la sensation adimensionnelle qui l’accompagne, en un mot à cet état dont les mystiques des civilisations achevées n’ont peut-être pas le monopole.
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