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Luis BUNUEL

Bunuel est né avec le siècle. En 1970, ce vieux monsieur peut donc s’offrir le luxe de travailler en liberté et sans trop de restrictions financières. Reconnu tardivement (avec Viridiana) comme un grand maître du cinéma, il finit sa carrière en France (où elle avait commencé), sans cesser pour autant de vivre au Mexique. Cette dernière étape semble marquée par une calme élaboration, qui contraste avec la hâte avec laquelle, au Mexique, il était obligé de travailler. En France, Bunuel s’entoure de collaborateurs et de partenaires fixes, qu’il s’agisse du producteur (Serge Silberman), du scénariste (Jean-Claude Carrière), de l’assistant réalisateur (Pierre Lary) ou d’une actrice mascotte (Muni). La collaboration entre Bunuel et Carrière a été diversement jugée. Pour certains, grâce à Carrière et aux conditions de travail qu’on lui offrait en France, Bunuel a pu parvenir à un cinéma épuré tout en restant un merveilleux conteur. Pour d’autres, Carrière a mis de façon trop systématique dans les films qu il a écrits avec Bunuel ce qui faisait le sel des films mexicains du réalisateur: des gags ou des surprises qui pervertissent irrémédiablement ’histoire narrée. Pour ceux-là, es trois derniers films du réalisateur sont quelque chose comme des anthologies de bunuelismes. Cette remarque pourrait s’appliquer, peut-être, au Fantôme de la liberté (où la narration fragmentaire est pourtant ouvertement affichée), mais nullement aux deux autres chefs-d’œuvre de cette période. Le Charme discret de la bourgeoisie et Cet obscur objet du désirant en effet les mêmes vertus : la narration se limite aux moments fondamentaux («Ford et Renoir filmaient sans coutures; Bunuel ne filme que les coutures», a écrit Philippe Carcassonne), dans lesquels se glissent les obsessions du réalisateur: la provocation et la frustration sexuelles, l’anticléricalisme, l’arbitraire du rêve. Dans Le Charme discret de la bourgeoisie, Bunuel renoue avec sa jeunesse, relance un «passionné appel au meurtre» et parvient à faire un film basé sur le rêve sans être «digressif». Dans Cet obscur objet du désir, dont l’histoire est moins hachée, plus fluide, il réussit un autre tour de force: obligé de renoncer à la collaboration de Maria Schneider, Bunuel décide de confier le rôle principal à deux comédiennes ( Angela Molina et Carole Bouquet) qui ne se ressemblent en rien. Mais sa maîtrise est telle que de nombreux spectateurs ne s en sont même pas aperçus.

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