Lucrèce: Existe-t-il une contradiction entre l’affirmation de la liberté humaine et le déterminisme scientifique ?
Lucrèce - De la nature (Ier s. av. J.-C.), livre II, trad. Clouard, © Éditions Garnier-Flammarion, 1964, pp. 58-59.
Existe-t-il une contradiction entre l’affirmation de la liberté humaine et le déterminisme scientifique ?
Voici encore [...] ce que je veux te faire connaître. Les atomes descendent bien en droite ligne dans le vide, entraînés par leur pesanteur ; mais il leur arrive, on ne saurait dire où ni quand, de s'écarter un peu de la verticale, si peu qu'à peine peut-on parler de déclinaison. Sans cet écart, tous, comme des gouttes de pluie, ne cesseraient de tomber à travers le vide immense ; il n'y aurait point lieu à rencontres, à chocs, et jamais la nature n'eût pu rien créer [...]. Il faut que les atomes s'écartent un peu de la verticale, mais à peine et le moins possible. N'ayons pas l'air de leur prêter des mouvements obliques, que démentirait la réalité. C'est en effet une chose manifeste et dont l'œil nous instruit, que les corps pesants ne peuvent d'eux-mêmes se diriger obliquement lorsqu'ils tombent, cela est visible à chacun [...]. Enfin, si tous les mouvements sont enchaînés dans la nature, si toujours d'un premier naît un second suivant un ordre rigoureux ; si, par leur déclinaison, les atomes ne provoquent pas un mouvement qui rompe les lois de la fatalité et qui empêche que les causes ne se succèdent à l'infini ; d'où vient donc cette liberté accordée sur terre aux êtres vivants, d'où vient, dis-je, cette libre faculté arrachée au destin, qui nous fait aller partout où la volonté nous mène ? Nos mouvements peuvent changer de direction sans être déterminés par le temps ni par le lieu, mais selon que nous inspire notre esprit lui-même. Car, sans aucun doute, de tels actes ont leur principe dans notre volonté et c'est de là que le mouvement se répand dans les membres. Ne vois-tu pas qu'au moment où s'ouvre la barrière, les chevaux ne peuvent s'élancer aussi vite que le voudrait leur esprit lui-même ? Il faut que de tout leur corps s'anime la masse de la matière, qui, impétueusement portée dans tout l'organisme, s'unisse au désir et en suive l'élan. Tu le vois donc, c'est dans le cœur que le mouvement a son principe ; c'est de la volonté de l'esprit qu'il procède d'abord, pour se communiquer de là à tout l'ensemble du corps et des membres.
Avez-vous compris l’essentiel ?
1 Qu'est-ce que la « déclinaison des atomes » pour Lucrèce ? 2 Pourquoi cette déclinaison est-elle essentielle ? 3 D'où proviennent la volonté et la liberté pour Lucrèce ?
1 - C'est un petit mouvement de déviation des atomes, qui s'écartent de leur trajectoire en ligne droite dans le vide, sans aucune règle de temps et de lieu. 2 - Parce que ce mécanisme est à l'origine de la création des choses et des mouvements : sans lui, « la nature n’eût pu rien créer ». 3 - De cette déclinaison, grâce à laquelle l'homme échappe au destin.Liens utiles
- « Un texte dramatique est un texte littéraire conçu en vue d'être représenté : sa nature est double ; il n'existe pas sans un style, appréciable à la lecture, et pourtant ses valeurs propres ne peuvent pleinement jaillir que par le jeu du théâtre, par la représentation. » Commentez cette affirmation de Pierre-Henri Simon.
- Enseignement scientifique terminale: L’évolution humaine, grille de lecture du monde
- La liberté humaine est-elle limitée par la condition du travail ?
- Liberté et déterminisme
- Sartre (1905-1980): LA LIBERTÉ HUMAINE