LOUŸS Pierre
LOUŸS Pierre
1870-1925
Poète et romancier, né à Gand, Belgique. À vingt-quatre ans, il donne son chef-d’œuvre poétique, Les Chansons de Bilitis (1894), étonnante suite de strophes en prose ; comme Mérimée naguère avec ses « chansons illyriennes », l’auteur se donnait pour le simple traducteur d’une poétesse grecque, « contemporaine de Sappho ». Son roman Aphrodite (1896) était aussi, à l’origine, un poème et en vers cette fois ; mais, Dieu sait pourquoi, l’auteur s’avisa de transformer ce poème en roman de « mœurs antiques », comme dit le sous-titre (ce qui lui valut, tout au moins, cet honneur d’être salué par un retentissant article de François Coppée, alors le plus célèbre poète français). Pierre Louÿs va connaître un nouveau triomphe en 1898 avec La Femme et le pantin, son meilleur roman (bien qu’un peu réminiscent de Mérimée, dans le thème et dans la manière) ; puis, peu après, au sommet de la gloire, il cesse d’écrire : malade, à demi aveugle, il s’enfouit dans un travail érudit, qui n’aboutit d’ailleurs à rien. Restent deux chefs-d’œuvre ; aussi bien l’absence de toute étude consacrée à cet auteur ne s’explique-t-elle pas.
LOUŸS Pierre dit (Pierre-Félix Louis). Poète, romancier et conteur français, né à Gand (Belgique) le 10 décembre 1870, mort à Paris le 6 juin 1925. Son père, Pierre-Philippe Louis (1812-1888), avocat à Dizy, près d’Epernay, était le petit-fils du baron Louis, haut fonctionnaire de l’Empire, puis pair de France; d’un premier mariage, avec une demoiselle Blanchin, il avait eu un fils, Georges, le futur ambassadeur à Saint-Pétersbourg (1847-1917); sa seconde femme, Claire-Céline Maldan, morte en 1879, lui donna deux fils : Paul, mort en 1884, et Pierre, dont l’éducation fut confiée à son demi-frère, aîné de vingt-trois ans; la mère de Pierre Louÿs était la petite-fille de Louise Junot, sœur du duc d’Abrantès, et du docteur Sabatier, médecin de Napoléon et l’un des fondateurs de l’institut. Après avoir suivi jusqu’à la rhétorique les cours de l’École Alsacienne, Pierre entra en philosophie au Lycée Janson-de-Sailly, où il eut pour condisciples Maurice Legrand (le futur Franc-Nohain) et Marcel Drouin (qui deviendra le beau-frère d’André Gide), et se lia de grande amitié avec Gide, alors élève à Henri-IV. Il couvrait alors des cahiers d’écolier ou de minces carnets de strophes chargées d’un très naïf romantisme, Puis son originalité commença à se manifester; il venait de faire la connaissance de Paul Valéry, à Palavas, aux fêtes du sixième centenaire de l’Université de Montpellier; on sait qu’il fit beaucoup pour les débuts de cet autre poète, resté son ami le plus cher et le plus fidèle. La Conque, revue de luxe, sera en grande partie fondée pour le plaisir et l’honneur d’imprimer les premiers poèmes de celui-ci, à côté des siens qu’il devait grouper deux ans plus tard sous le titre d’Astarté. Au cours de 1890, Louÿs avait été présenté à Mallarmé, puis à Heredia, et ses premiers vers valables composés en mai, L’Effloraison, avaient paru dans La Revue d’aujourd’hui, que dirigeait Rodolphe Darzens. Au retour d’un voyage à Bayreuth et d’un pèlerinage à la Grande-Chartreuse, Louÿs se mêla vraiment au milieu symboliste, tant belge que français, collabora à La Wallonie fondée par Albert Mockel, à La Revue blanche , au Mercure de France et au Centaure, la belle publication d’Henri Albert, qui insérera ses magnifiques sonnets des Hamadryades à côte de La Soirée avec M. Teste (1890-1896). Depuis 1892, Louÿs avait commencé d’écrire en prose, avec une traduction des Poésies de Méléagre, les récits lyriques de Léda, d’Ariane, de La Maison sur le Nil, enfin les extraordinaires Chansons de Bilitis. , un de ses chefs-d’œuvre et l’un des plus heureux spécimens de poèmes en prose jamais conçus dans notre langue. Lors d’un séjour à Londres, en compagnie d’Oscar Wilde dont il devait revoir la Salomé , écrite directement en français, il traça la première ébauche, en vers, d’Aphrodite , le roman qui devait consacrer sa réputation, et dont le premier chapitre fit, l’année suivante, l’objet d’une plaquette intitulée Chrysis ou la cérémonie matinale. Achevé à Lapras, chez A.-Ferdinand Hérold, l’œuvre parut d’abord dans le Mercure de France, sous le titre L Esclavage. Puis Alfred Vallette accepta de l’éditer à compte d’auteur. Mais un article dithyrambique du Journal, signé de François Coppée (à qui Georges Louis, inquiet des audaces de son frère, l’avait signalé) fit soudain la fortune de ce roman de « mœurs antiques », d’apparence frivole et libidineuse, et qui en réalité peignait le tourment, le drame sans remède d’une adolescence passée à la recherche de l’amour vrai. Cet amour, Pierre Louÿs en faisait alors, depuis trois ans, l’expérience jusque-là triomphale et nourrie d’espoir. Cette passion très haute et longtemps partagée s’acheva, en 1898, sur les stances de L’Apogée, qui furent plus tard incorporées au Pervigüium Mortis, puis au roman posthume de Psyché . Cette même année vit encore paraître un second récit, La Femme et le Pantin (1898), plus puissant et plus direct qu’Aphrodite, mais qui ne fait qu’en confirmer le pessimisme : une nouvelle Carmen , moins amère et dépourvue de sécheresse. Faut-il attribuer à la fois à l’explosion imprévue d’Aphrodite et à la faillite du seul amour de sa vie la brusque stérilité dont fut frappé, avant la trente-cinquième année, un créateur aussi précoce ? Ce n’est point que les quelques autres ouvrages qui se succédèrent de 1899 à 1906 soient du tout négligeables : ainsi les pages savoureuses ou profondes des Aventures du roi Pausole , de Byblis, de L’Homme de Pourpre, de Sanguines et d’Archipel. Le fait est qu’à partir de cette dernière date, l’un des plus vastes et féconds cerveaux de son temps ne se manifesta guère que par des travaux d’érudition et d’exégèse, dont il ne mit au jour que des fragments, et par des échanges de correspondance avec Georges Louis et quelques amis demeurés sûrs et généreux : Paul Valéry — qui écrivait alors La Jeune Parque —, André Lebey, Gilbert de Voisins, Claude Debussy — qui avait jadis exécuté l’acte I de Pelléas chez lui, Claude Farrère, Fernand Gregh... Retiré depuis 1914 dans la solitude du hameau de Boulainvilliers (il s’était depuis peu séparé de sa femme, Louise de Heredia, épousée en 1899), il y vécut dix ans dans la méditation. Une certaine nuit de novembre 1916, il retrouva, dans un tiroir resté clos depuis 1899, une ébauche oubliée du Pervigilium Mortis. Ce fut alors qu'il mit au point son grand poème, en même temps qu’il composait Isthi et Poétique. Mais bientôt sa santé, qui avait déjà subi les assauts d’une mauvaise hygiène, de l’insomnie, d’excès de lectures, déclina jusqu’à la paralysie et à une demi-cécité. ♦ « Le style de M. Pierre Louÿs est ductile et si souple et simple, comme celui des purs et parfaits écrivains. » É. Verhaeren. ♦ « La plupart ne lisaient dans ces beaux livres que des apologies de la chair et de ses plaisirs. Ni les peines que demande un langage si admirable, ni les connaissances que supposent ces peintures, ni l’amertume et la désespérance qui s’y mêlent, n’éclairaient à leurs yeux le vrai visage de l’auteur... Quand on a mis tant d’énergie et de désir, tant de patience et tant de réflexions dans la préparation de son œuvre, on peut exiger après soi d’être longuement et studieusement regardé. L’heure viendra de ce regard pieux. » Paul Valéry.