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LOUIS XV LE BIEN-AIMÉ

LOUIS XV LE BIEN-AIMÉ

Né à Versailles en 1710, il était l’arrière-petit-fils de Louis XIV et le fils du duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie. C’est Philippe d’Orléans qui assura la régence pendant la minorité du roi. Après sa mort (1723), le duc de Bourbon lui succéda et arrangea le mariage (1725) du jeune Louis avec Marie Leszczinska, fille de Stanislas, roi de Pologne. C’est à ce moment qu’il décida de gouverner lui-même. Cependant, d’une nature velléitaire, il se laissa influencer par ses maîtresses (Mme de Châteauroux, la marquise de Pompadour, Mme Du Barry). Son règne entier fut plongé dans des difficultés financières. Elles commencèrent par l’échec désastreux du système bancaire de Law. En partie résolues par Fleury, elles redoublèrent après la guerre de Succession de Pologne, au terme de laquelle la France dut céder à ce pays la Lorraine ; puis après la guerre de Succession d’Autriche qui, malgré les victoires de Fontenoy, de Raucoux et de Lawfeld, priva le royaume de ses conquêtes faites aux Pays-Bas (traité d’Aix-la-Chapelle, 1748). Après quoi débuta la guerre de Sept Ans (1756) qui ruina le pays malgré les efforts du duc de Choiseul, le nouveau ministre. Par le traité de Paris (1763), Louis XV abandonnait à l’Angleterre le Canada, les Indes, les Petites Antilles, le Sénégal, et consacrait ainsi l’hégémonie britannique. L’année suivante fut marquée par le renvoi des Jésuites et, en 1771, le « triumvirat » Maupeou-Terray-d’Aiguillon abolit les parlements. Tout au long de son règne, le monarque ne prit guère part aux affaires du royaume, cédant à l’attrait des plaisirs qui l’entraînèrent parfois jusque dans la débauche la plus scandaleuse. En 1757, il avait été victime d’un attentat, témoignage d’une impopularité grandissante. Son agresseur, Damiens, fut écartelé. S’il accumula les orages qui devaient éclater sur son successeur, son époque n’en fut pas moins celle des « lumières » mais elle dut ce nom aux hommes de lettres ou de sciences qui l’illustrérent. Elle vit s’élever le Panthéon, l’École militaire, et naître la manufacture de Sèvres. Louis XV mourut à Versailles de la petite vérole en 1774. De son mariage avec Marie Leszczinska, il avait eu deux fils (qui ne lui survécurent pas) et sept filles.

Louis XV (Versailles 1710-id. 1774); roi de France [1715-1774].

Le long règne de L. (cinquante-neuf années) présente deux aspects, contradictoires en apparence seulement : d’un côté, une croissance économique, progressive et satisfaisante malgré les inégalités régionales et sociales ; de l’autre un pouvoir de plus en plus isolé, incapable de répondre à l’attente d’une opinion publique qui s’appuie sur la philosophie des Lumières, alors triomphante et combative. La crise, qui bientôt mettra fin à l’Ancien Régime, est déjà en place. Surnommé, fort mal à propos, le Bien-Aimé, L. est l’arrière-petit-fils de Louis XIV et fils du duc de Bourgogne. Il a cinq ans lorsqu’il monte sur le trône. Il est élevé par Mme de Ventadour, le marquis de Villeroy et par le futur cardinal Fleury. Pendant la Régence, conduite par Philippe d’Orléans, sa santé, qui est médiocre, laisse craindre une mort précoce. Il résiste. Sacré à Reims en octobre 1722, il est déclaré majeur en février 1723 mais il ne désire pas pour autant prendre en main les rênes du pouvoir : après la mort du Régent en décembre 1723, il confie le ministère au duc de Bourbon (1723-1726), qui s’empresse de le marier, non à l’infante espagnole primitivement choisie, mais à une princesse sage, effacée, pieuse et de sept ans son aînée, Marie Leczinska, fille du roi de Pologne détrôné Stanislas Ier. L’avenir de la couronne est assuré : Marie donne au monarque un fils et six filles, qu’il aime tendrement. Bourbon est disgracié en 1726. L. ne se résolvant toujours pas à endosser l’entière responsabilité de l’État, commence dès lors le long ministériat du cardinal-ministre Fleury, qui assume la conduite des affaires jusqu’en 1743. Le cardinal a de l’expérience, de l’âge (il a soixante-treize ans), des manières insinuantes et doucereuses. Sans être Richelieu ou Mazarin, il gouverne avec modération et efficacité entouré par une bonne équipe gouvernementale où se remarquent Chauvelin, Orry et de bons intendants de province (Trudaine en Auvergne, Tourny à Limoges et Bertin à Lyon...). Il a des soucis de bon gestionnaire. Il s’occupe d’abord des finances et gère le paradoxe d’un Etat pauvre dans une France riche. Il épargne, stabilise la monnaie et profite, en bon mercantiliste, de l’essor du commerce extérieur. Mais il butte sur deux écueils, qui ne vont pas cesser de compliquer la vie de la monarchie tout au long du XVIIIe siècle : l’agitation religieuse et l’agitation parlementaire, l’une et l’autre liées ensemble, souvent à des fins tactiques. Fleury veut en effet imposer au clergé la bulle Unigenitus, qui avait condamné le jansénisme. Une petit nombre d’ecclésiastiques refuse avec fermeté de se soumettre. L’affaire des convulsionnaires du cimetière parisien de Saint-Médard montre leur audience populaire : sur la tombe, réputée miraculeuse, du diacre janséniste François Pâris se succèdent des scènes d’hystérie collective. Il faut fermer le cimetière en janvier 1732. Fleury est sur le point d’obtenir l’apaisement, quand le Parlement relève le gant. Ayant retrouvé son droit de remontrance après avoir cassé le testament de Louis XIV, il passe dans une opposition insidieuse, refuse la plupart des mesures fiscales et en 1732, à l’apogée du conflit religieux, prend la défense des jansénistes. Le roi et Fleury sont obligés d’exiler 139 magistrats récalcitrants. Le Parlement est devenu, en l’absence d’états généraux ou d’institutions représentatives, la seule force d’opposition dans le royaume. Bien que pacifique, Fleury doit engager la France aux côtés de la Sardaigne et de l’Espagne dans la guerre de Succession de Pologne (1733-1738). A la mort d’Auguste II, Stanislas Leczinski est réélu roi. La Russie, la Saxe, la Bavière et l’Autriche sont opposées à sa nomination et soutiennent Auguste III de Saxe. Le conflit est ouvert. Du côté français avec circonspection et prudence. On envoie à Stanislas, réfugié à Dantzig (1734), un maigre contingent de 1 500 hommes, et l’on occupe la Lorraine, Kehl et Phillipsburg, tandis qu’Espagnols et Sardes prennent Milan et Naples. Les négociations s’ouvrent dès 1735. Au traité de Vienne qui les conclut, Stanislas renonce à la Pologne mais reçoit, à titre viager, la Lorraine et le comté de Bar, qui à sa mort (1766) reviendront à la France. Don Carlos, le fils de Philippe V et d’Elisabeth Farnèse, obtient Naples et la Sicile. Beaucoup de bruit pour rien. A la mort de Fleury en 1743, L. manifeste enfin le désir de prendre en main le pouvoir. C’est l’époque où éclate la première grave crise du régime (1743-1757). Le souverain a alors trente-trois ans. Jusque-là il a cherché dans les divertissements et les fêtes une diversion au décor et à la vie de Versailles qu’il n’aime pas. Il a des qualités (en particulier une grande culture et une vive intelligence), il est séduisant, racé mais également indolent, velléitaire, blasé et ardent au plaisir (ses liaisons et ses maîtresses avaient de quoi défier le catalogue de Don Juan). Il est capable d’amitié ; cependant, sceptique, il se défie de tous, aime à espionner en utilisant son Cabinet noir, grâce auquel il surveille les correspondances. Parfois il a des sursauts d’autorité, qui déconcertent son entourage. Ayant personnalité en qui l’homme étouffe le roi, il se laisse influencer par ses favorites, en particulier la duchesse de Châteauroux et surtout Mme de Pompadour, qui est en grâce à partir de 1745. Celle-ci affiche des goûts très sûrs ; mécène, elle protège les philosophes, les encyclopédistes, les artistes et certains politiques. Elle a l’intelligence d’animer les plaisirs du roi (jusqu’à lui fournir des filles vénales) et règne jusqu’à sa mort, à quarante-deux ans, en 1764. Elle joue aussi un grand rôle politique, notamment lors du renversement des alliances en 1756, où elle appuie Bernis et Choiseul contre la Prusse, ce qui permet la conclusion du malencontreux traité de Versailles signé avec l’impératrice Marie-Thérèse. En fait, à l’époque de L., dilettant et ombrageux tout à la fois, se met en place un absolutisme flottant (suivant la judicieuse expression de H. Méthivier) et un despotisme ministériel qui donnent l’impression d’un vide apparent du trône. Mais le roi lui-même est responsable de la crise gouvernementale : il joue de la rivalité des factions, conduit à l’insu de ses ministres sa propre politique étrangère par l’intermédiaire du « secret du roi », sorte de ministère de la diplomatie sans caractère officiel. L’autorité se dilue et n’est plus respectée. Le deuxième conflit extérieur du règne vient à peine de s’ouvrir quand L. prend en charge l’Etat. C’est la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), où, malgré ses promesses et ses engagements, la France refuse la pragmatique sanction de Charles VI, qui à défaut d’héritier mâle accordait à sa fille Marie-Thérèse le trône d’Autriche. Par routine, Versailles se retrouve aux côtés de la Prusse, de l’Espagne, de la Saxe et de la Bavière contre Vienne, qui a l’appui de l’Angleterre et des Pays-Bas. Malgré de brillantes victoires (conquête de la Bohême par Belle-Isle en 1741, succès de Maurice de Saxe à Fontenoy en 1745), le traité d’Aix-la-Chapelle de 1748 ne donne aucun avantage à la France. A l’intérieur, L. se résout enfin aux réformes. Conseillé par Mme de Pompadour, il soutient la politique de justice fiscale du contrôleur général Machault d’Arnouville, qui crée l’impôt du vingtième sur tous les revenus. Mais certains groupes de privilégiés et le clergé dans sa grande majorité s’y opposent. Les Parlements n’apportent pas leur soutien. Le climat d’ensemble s’alourdit. Les années 1750 sont difficiles pour le pouvoir : c’est la victoire et la diffusion des Lumières ; l’Esprit des lois vient de paraître (1748), précédant de peu le Contrat social (1762) ; le premier tome de l'Encyclopédie sort en 1751, qui diffuse des idéaux de science, de liberté, de progrès, de tolérance et une naïve admiration pour les libertés et les pouvoirs anglais. L’opposition parlementaire profite des querelles religieuses concernant le jansénisme pour déstabiliser le pouvoir central : l’archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, fait exiger des mourants, avant de leur distribuer le sacrement de l’extrême-onction, un billet de confession signé d’un prêtre acceptant la bulle (1752). Les parlementaires protestent, tandis que les privilégiés soutiennent des libelles qui critiquent les dépenses de la cour et l’influence de la Pompadour. Devant un tel assaut de critiques L. revient en arrière : il suspend l’application du vingtième au clergé (1751), fait condamner l'Encyclopédie (1752), sans l’empêcher de paraître, et, après avoir exilé les parlementaires en rébellion, les rappelle en 1753. Mais le prestige du roi s’effiloche. Un signe est particulièrement révélateur de la détérioration du climat politique et social : l’attentat de Damiens contre le roi (5 janv. 1757) ne suscite aucune émotion populaire, alors que sa maladie à Metz en 1744 avait plongé le royaume dans l’affliction. Cet attentat est l’occasion d’un nouveau changement de cap. Le roi renvoie les deux ministres les plus haïs, Machault et d’Argenson, qui avait cumulé les responsabilités des Affaires étrangères, de la Guerre et de la Police. Cependant les esprits ne s’apaisent pas pour autant. En fait le pays est plongé dans la deuxième crise du régime (1757-1774). Choiseul est appelé pour diriger les affaires. Son action gouvernementale dure jusqu’en 1770. Ce sont non seulement douze ans de prospérité économique mais aussi de démission politique. L’orgueil du Parlement (celui de Paris aussi bien que ceux de province) est à son comble, il fait tout céder, jésuites (ils sont expulsés en 1764), réformateurs, ministres et commissaires du roi, tout en se montrant rétrograde dans certains procès de l’époque où il n’hésite pas à pratiquer l’intolérance et le déni de justice (affaires Rochette, Calas, La Barre, Sirven, Lally-Tollendal). Le pouvoir royal se délite. Et Choiseul ne fait rien pour l’affermir : il se désintéresse des affaires intérieures pour ne considérer que les problèmes militaires et diplomatiques. La guerre de Sept Ans (1756-1763) s’était ouverte au lendemain du renversement des alliances, qui avait conduit la France à abandonner Frédéric II de Prusse au profit de l’Autriche. Pendant le conflit, le royaume disperse ses efforts sur le continent contre la Prusse et sur mer contre l’Angleterre. Le résultat final, au traité de Paris (1763), lui est particulièrement désastreux. Le premier Empire colonial français est perdu et l’Angleterre devient la première nation en Europe. L’opinion mécontente s’engage de plus en plus derrière le Parlement. L. décide alors, influencé par la nouvelle favorite Mme du Barry, de renvoyer Choiseul et de mettre en place un gouvernement plus énergique. Le triumvirat ministériel de Maupeou, Terray et d’Aiguillon tente de restaurer l’absolutisme. L’affaire La Chalotais lui en fournit l’occasion : le parlement de Rennes soutient depuis 1763 son procureur général, de Caradeuc de La Chalotais, contre le duc d’Aiguillon, représentant du gouvernement central en Bretagne, à propos de l’enregistrement d’édits fiscaux et de la défense de privilèges. Il est convoqué à Versailles et ses membres sont obligés de démissionner. Celui de Paris vole à son secours. L., en lit de justice, le fustige en vain lors de la célèbre séance dite de la flagellation. Dès lors le monarque se résout à frapper fort. Il approuve Maupeou, qui exile les officiers et forme un Parlement de son choix (le « Parlement Maupeou »). Mais, une fois encore, c’est une mesure pour rien : les parlementaires, appuyés par l’opinion publique, font figure de martyrs, au moment où les dépenses et les désordres du vieux roi exaspèrent et où la passivité de la diplomatie française devant le partage de la Pologne scandalise. Le pouvoir est miné, impuissant et impopulaire. Dans ce moment de profonde déception, L. est frappé par la petite vérole le 29 avril 1774. Le 10 mai il meurt. Son corps est conduit à Saint-Denis sous les invectives du public. Il laissait au dauphin Louis-Auguste, son petit-fils, une situation difficile. La France était déjà engagée dans la crise pré-révolutionnaire, où la monarchie de droit divin allait s’effondrer.

Bibliographie : H. Méthivier, L’Ancien Régime en France, XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, 1981, p. 397-466 ; M. Antoine, Louis XV, 1989.




LOUIS XV LE BIEN-AIMÉ (Versailles, 1710-zJ., 1774). Roi de France (1715-1774). Malgré l'affaiblissement du pouvoir monarchique, le règne de Louis XV fut marqué par un remarquable rayonnement de la culture française et un essor économique favorisé par une bonne conjoncture. Arrière-petit-fils de Louis XIV et fils du duc de Bourgogne, Louis, âgé de 5 ans lors de son avènement, fut élevé par Mme de Ventadour, le maréchal de Villeroi et le futur cardinal de Fleury dont il recevra une excellente instruction, et un intérêt particulier pour les sciences et les techniques qu'il encouragea sous son règne. Après la régence de Philippe d'Orléans, Louis XV, devenu majeur en 1723, laissa le pouvoir au duc de Bourbon (1723-1726) qui, craignant l'accession au pouvoir des Orléans, maria le roi avec Marie Leszczynska, fille du roi détrôné de Pologne, de sept ans son aînée (1725). Après avoir renvoyé le duc de Bourbon, trop impopulaire (1726), Louis XV nomma au gouvernement le cardinal de Fleury qui conserva la direction des affaires jusqu'à sa mort (1743). Cette période fut la plus prospère du règne : Fleury, après l'échec de Law, assainit les finances, pratiqua une politique d'économie et de retour au colbertisme, favorisant ainsi le commerce colonial et la fiscalité. Malgré son pacifisme, le ministre engagea la France dans la guerre de Succession de Pologne (1733-1738) qui devait assurer la Lorraine à la France. A la mort de Fleury, Louis XV annonça son désir de gouverner personnellement et ne prit plus de premier ministre. À l'extérieur, deux grandes guerres, la guerre de Succession d'Autriche (1740-1748) et la guerre de Sept Ans (1756-1763) - très impopulaires - sacrifièrent les intérêts coloniaux de la France sans favoriser ses intérêts européens. À l'intérieur, l'opposition parlementaire fut grave. Rétablis dans leurs pouvoirs sous la Régence, les parlements ne cessèrent de harceler le gouvernement, faisant figure de défenseurs des libertés publiques contre le despotisme alors qu'ils n'étaient que le rempart des privilèges. La guerre de Sept Ans ayant été très coûteuse, Louis XV soutint la politique fiscale de Machault d'Arnouville qui créa l'impôt du vingtième sur tous les revenus (1749), mais dut l'abandonner sous la pression des privilégiés. L'hostilité parlementaire trouva aussi son terrain d'élection dans la question religieuse, défendant le jansénisme et attaquant les jésuites, que Choiseul finit par renvoyer en 1762. Le triumvirat Maupeou-Terray-d'Aiguillon tenta, à partir de 1770, de restaurer l'autorité royale. Les parlements furent renvoyés mais ces mesures autoritaires venaient trop tard et Louis XV devint, à la fin de sa vie, peu aimé. Mme de Pompadour et Mme Du Barry furent ses célèbres favorites. Voir Calas (Affaire), Famine (Pacte de), Orry (Philibert), Servet (Michel).

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