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Louis Guilloux

Né le 15 janvier 1899 à Saint-Brieuc. De famille modeste : son père, cordonnier, militant socialiste, lui montre la voie des luttes populaires. Louis Guilloux fait ses études au lycée de Saint-Brieuc en tant que boursier. Vient à Paris en 1918 où il exerce divers métiers avant d’occuper un poste de lecteur d’anglais au journal L’Intransigeant de 1921 à 1924. Son premier livre, La Maison du peuple, est publié en 1927 et lui vaut la Bourse Blumenthal. 1935 est une année essentielle dans la vie et l'œuvre de Guilloux : il publie son chef-d’œuvre Le sang noir ; il est secrétaire du Premier Congrès des écrivains antifascistes ; il fait un voyage à Moscou en compagnie de Gide, séjour d’où il reviendra déçu et marqué à jamais par les procès politiques qui régnent alors en URSS. D’ailleurs, malgré son admiration pour la Révolution russe, et son engagement de toujours auprès des forces progressistes, Louis Guilloux a toujours refusé toute adhésion à un parti, et notamment au Parti Communiste. De 1935 à 1940, il sera néanmoins responsable du Secours Populaire Français. En 1942, il obtient le Prix Populiste pour Le Pain des rêves, et en 1949 le Prix Théophraste Renaudot pour Le Jeu de patience. 1962 voit la publication de Cripure, pièce qui sera, cinq ans plus tard, montée par Marcel Maréchal au Théâtre du Cothurne de Lyon. En 1967, Louis Guilloux reçoit le Grand Prix National des Lettres pour l’ensemble de son œuvre. Toute l’œuvre de Louis Guilloux se veut un témoignage, témoignage d’une existence - celle de l’auteur — et témoignage sur la vie des humbles, ceux vers lesquels il a toujours porté ses regards. Regards tendres, naïfs, sympathiques, mais toujours aigus, lucides, sans concession... Aucune place chez lui pour le sentimentalisme et même la « tranche de vie » larmoyante propre aux romans populistes. S’il est populiste, c’est au meilleur sens du terme, dans la mesure où il se fait le chroniqueur de l’histoire des gens, des petites gens et qui ne sont par forcément « exemplaires ». Guilloux montre, et ne démontre pas. Son refus du didactisme primaire va de pair avec un style multiforme, naturel et spontané, qui cueille dans son jaillissement désordonné la vie à l’état brut. A cet égard, comme l’ont écrit certains critiques, l’œuvre de Guilloux relève plus de la chronique que du roman. Et l’auteur lui-même s’est souvent expliqué sur son souci de vérité. Par exemple, il déclarait dans un interview à Politique-Hebdo du 25-10-76: « La vraie littérature, ça serait de ne pas mentir, ni par omission ni par choix. On déménage la réalité dans un livre. Il n’y a pas un mot qui soit faux, je veux dire qui soit inventé dans La Maison du peuple. Je n’ai pas d’imagination. » Et à propos de cette évocation de souvenirs d’enfance exaltant la dignité, la fraternité des travailleurs bretons, Albert Camus avait écrit : « J’admire et j’aime l’œuvre de Louis Guilloux, qui ne flatte ni ne méprise le peuple dont il parle et qui lui restitue la seule grandeur qu ’on ne puisse lui arracher, celle de la vérité. » Cette vérité ne réside pas uniquement dans un triomphalisme lénifiant de la pauvreté ; Louis Guilloux sait aussi le prix qu’il faut payer à l’Histoire, dans un monde déchiré par l’angoisse, la violence et le désespoir. Humaniste certes, il n’ignore rien des crises profondes qui ont traversé le siècle. Dans Le Sang Noir, s’inspirant de son ancien professeur Georges Palante pour créer son personnage Cripure, il montre un homme « fini », dépassé. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un pessimisme strictement négatif, puisqu’il dénonce la société bourgeoise, ses tares et ses contradictions. Pourtant, malgré l’espoir d’un homme « nouveau », ce sont les affres de la guerre qui l’emportent. L’action se situe en 1917, au plus fort de la Première Guerre Mondiale. Cripure — surnom donné par ses élèves au prof de philo à cause de son admiration pour la Critique de la Raison pure — homme cultivé, ayant un temps penché pour le socialisme, mais qui reste attaché à ses « privilèges » petits-bourgeois, constitue le parfait représentant de cette fin d’un monde, d’une société sur le point de s’effondrer. Rupture irréversible ou au contraire recherche d’une harmonie entre l’homme et le monde ? L’itinéraire de Louis Guilloux n’a cessé d’évoluer entre ces deux pôles. Dans Les Batailles perdues, au titre bien significatif, on retrouve sous une fresque des années 34-36 le dilemme posé par un bonheur qui semble toujours échapper et la nécessité de continuer le combat, malgré tout. De même, dans le dernier livre paru en 1976, Salido suivi de O. K. Joe, Guilloux reste fasciné par cette période où le monde a basculé vers ce qui pouvait sembler un néant. C’est encore l’univers de la guerre : 1939, la fin de la guerre d’Espagne et l’invasion de la Pologne par les armées allemandes. Un réfugié espagnol, le lieutenant Salido, refuse de se laisser enfermer dans un camp de regroupement. Il s’enfuit à Paris où il espère, en vain, pouvoir rejoindre l’URSS, grâce au Secours Rouge. Mais il est arrêté. Le narrateur, qui n’est autre que l’auteur apparaît à l’instar de son « héros » comme un homme irrémédiablement « blessé », défait, vaincu. Et dans O. K. Joe, où l’on retrouve la ville natale de l’auteur, à la Libération et au milieu des derniers combats, l’on assiste à des condamnations à mort par un tribunal militaire américain, auprès duquel Guilloux a été nommé traducteur. Les condamnés sont toujours des G.I’s Noirs accusés d’avoir violé des paysannes. Mais un jour, on juge un Blanc accusé du meurtre d’un F.F.I. : il est acquitté. L’auteur commente : «Rien n’était donc changé et ne le serait sans doute jamais. » Mais, en dépit de ces échos sombres, Louis Guilloux restera sans doute un écrivain de la fraternité. Cet assemblage assez peu commun rend compte de son originalité. S’étant toujours tenu à l’écart des modes et des milieux littéraires, Guilloux appartient à la grande tradition des écrivains populaires — le moindre des paradoxes n’étant pas qu’il a été précisément méconnu de ce peuple qui lui est cher ... ► Bibliographie choisie
Romans La maison du peuple, 1927, Grasset ; Dossier Confidentiel, 1930, Grasset ; Hyménée, 1932, Grasset ; Angeiina, 1934, Grasset ; Le Sang Noir, 1950, Gallimard, Le Livre de Poche ; Le Pain des rêves, 1942, Gallimard ; Le Jeu de patience, 1949, Gallimard ; Absent de Paris, 1952, Gallimard ; Parpagnacco ou La Conjuration, 1954, Gallimard ; Les Batailles perdues, 1960, Gallimard ; La Confrontation, 1967, Gallimard ; Salido, suivi de O.K. Joe, 1976, Gallimard ; Nouvelles Compagnons, 1931, Grasset ; Histoires de Brigands, 1936, E.S.I. ; Théâtre Cripure, 1962, Gallimard ;


Romancier, né à Saint-Brieuc. Fils d’un cordonnier, il doit à une bourse scolaire de pouvoir faire ses études. Plus tard, devenu romancier, il mêlera toujours une grande part de souvenirs d’enfance à ses récits, depuis La Maison du peuple, 1927, jusqu’à La Confrontation, 1967 ; surtout dans Le Sang noir, 1935, qui narre un épisode des combats de rues dans le cadre d’une ville de province et qu’anime la figure inoubliable de Cripure, inspirée à Guilloux par un de ses professeurs. (En outre ce personnage donnera son nom à une pièce de théâtre représentée en 1967). Mais l’auteur n’exploite en aucune façon la trouée faite par ce livre retentissant ; et ce n’est qu’en 1949, après une longue retraite de quinze années, qu’il donne Le Jeu de patience, immense fresque sociale, ou, plutôt, mosaïque, quant à sa technique du récit romanesque, fragmenté à l’infini. Pourtant, ici encore, le thème traditionnellement paisible de la province, pris en main par le tempétueux Guilloux, accède sans effort à la dignité (et, plus encore, au ton même) de l’épopée.