L'Otage de Paul CLAUDEL, 1911, Folio
Ce drame en trois actes est le premier d'une trilogie où Claudel met en débat le destin du christianisme et le rôle des chrétiens dans l'histoire moderne (cf. Le Pain dur et Le Père humilié). Dans L'Otage, mêlant le lyrisme et la satire, l'auteur interprète librement l'histoire de France entre le Concordat imposé par Bonaparte à Pie VII et la restauration de la monarchie en 1814. Dans l'abbaye de Coufontaine qu'elle a rachetée pour sauver le passé, Sygne de Coufontaine voit arriver son cousin Georges qui lutte pour restaurer le roi. Il a enlevé le Pape que l'empereur détenait comme otage à Fontainebleau pour contraindre Dieu et le mettre de son parti (I,2), mais il le traite à son tour en otage et veut le mettre au service de la royauté. Survient Turelure, l'homme des temps nouveaux, ancien moinillon, le fils de la cuisinière de Coufontaine et d'un braconnier, maintenant baron et préfet de l'Empire. Bouffon et railleur, Turelure met Sygne en demeure de l'épouser si elle veut sauver le Pape (II, 1). L'humble abbé Badilon obtient d'elle ce sacrifice (II, 2). Turelure reparaît plus que jamais triomphant à l'acte III. L'Empire approchant de sa chute, il est prêt à trahir l'empereur au nom de beaux principes, si le roi veut bien relever le nom de Coufontaine au profit du fils que Sygne lui a donné. Georges, qui a d'abord accepté au nom du roi, tire sur Turelure et blesse mortellement Sygne qui a cherché à protéger son mari. L'abbé Badilon, qui l'assiste dans sa mort, la glorifie de ce nouveau sacrifice ; mais Sygne fait non de la tête à tous ses pieux discours, refuse de voir son enfant et refuse même de se recommander à Dieu, elle qui s'est tant soumise. Après avoir ainsi peint chez Sygne l'épuisement de la capacité de sacrifice, Claudel en a critiqué l'exemple dans ses commentaires.