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Lorenzaccio Alfred de MUSSET, 1834, Classiques Hachette

• Lorenzaccio est couramment considéré comme le meilleur drame romantique. Ces cinq actes en prose sont bâtis sur un épisode de l'histoire florentine emprunté au chroniqueur Varchi (1502-1562) : à Florence, en 1537, le duc Alexandre de Médicis, maître de la ville grâce à l'appui des Autrichiens, est assassiné par son cousin Laurent (Lorenzo ou Lorenzaccio) de Médicis qui veut ainsi libérer sa patrie; mais les républicains ne réussissent pas à reprendre le pouvoir qui revient à Côme de Médicis. • Selon l'ambition romantique de donner au drame une couleur historique vraie, Musset a peint avec soin l'atmosphère de Florence, les insolences d'Alexandre et de ses amis, l'opportunisme des marchands, les intrigues de la cour (cardinal Cibo), les murmures du peuple, l'agitation maladroite des républicains (famille Strozzi). Toutefois l'intérêt principal réside dans le caractère de Lorenzo et dans les raisons qui le conduisent à assassiner le duc. Au premier acte, Lorenzo apparaît comme le pourvoyeur et le complice des débauches d'Alexandre, ce qui lui vaut le surnom péjoratif de Lorenzaccio. On comprend bientôt qu'il a adopté ce rôle pour approcher plus aisément le tyran et l'abattre, rêvant d'être un nouveau Brutus ; mais, prisonnier de ce jeu, il a cessé de croire à l'utilité de son projet et pleure la pureté de sa jeunesse (II, 4). Il tuera finalement Alexandre sans autre raison que de justifier sa vie : Songes-tu que ce meurtre, c'est tout ce qui me reste de ma vertu? dit-il à Philippe Strozzi. Si tu honores en moi quelque chose, toi qui me parles, c'est mon meurtre que tu honores peut-être justement parce que tu ne le ferais pas (III, 3, scène capitale). C'est la marche de Lorenzaccio vers cet acte libérateur que la pièce dépeint. Tout en affectant publiquement d'avoir peur d'une épée (I, 4), Lorenzo s'entraîne avec un maître d'armes (III, 1), et, après avoir volé la cotte de mailles que porte toujours Alexandre (II, 6), il assassine celui-ci dans l'appartement où il l'a attiré par la promesse de lui livrer sa tante (IV, 11). L'issue de l'événement vérifie le scepticisme de Lorenzo à l'égard de l'humanité : Philippe Strozzi n'est même plus à Florence, il a fui quand les amis du duc ont empoisonné sa fille Louise (III, 7) ; quant aux républicains, ils sont incapables de tirer parti de la mort d'Alexandre. À Venise où il s'est réfugié, il ne reste à Lorenzo que l'amer plaisir de railler Philippe Strozzi (V, 7), avant d'être tué par les agents de Côme. Musset est passionnément présent dans le personnage de Lorenzo qu'il anime de ses propres angoisses (cf. Poésies nouvelles). Ainsi s'expliquent le lyrisme et la force dramatique du rôle. • Cette pièce très longue, écrite sans souci des servitudes de la scène, a été jouée pour la première fois en 1896 et, depuis, a toujours été reprise avec succès.

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