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L'intervention internationale au Rwanda

L'intervention internationale au Rwanda Se substituant à l'appui traditionnel de la Belgique aux Forces armées rwandaises (FAR), la France s'est engagée au Rwanda d'octobre 1990 à décembre 1993. Jusqu'à son terme, les autorités françaises ont soutenu activement le régime du président Habyarimana (importantes livraisons de matériels militaires, formation d'officiers, entraînement d'unités des FAR et de la Garde présidentielle). Lors de la mise en oeuvre des accords d'Arusha, le FPR (Front patriotique rwandais) a refusé la participation de troupes françaises au contingent de la Minuar (Mission des Nations unies d'assistance au Rwanda). Le 22 juin, le Conseil de sécurité des Nations unies votait la résolution 929, prévoyant la mise en place d'une opération humanitaire multinationale d'assistance aux civils, autorisée à recourir à la force. Sous commandement français, l'opération Turquoise a été conçue pour s'étaler sur une période de deux mois, le temps que l'ONU déploie les 5 500 hommes de la Minuar II, dont l'envoi a été décidé le 17 mai A partir de leurs points d'appui de Goma et Cyangugu au Zaïre, les forces françaises ont pénétré en territoire rwandais le 23 juin et progressivement couvert le quart sud-ouest du pays. Le 5 juillet, après la chute de Kigali et Butare, passées aux mains du FPR, elles y ont établi une "zone humanitaire sûre "où se sont très vite réfugiés des centaines de milliers de civils, accompagnés de quelques milliers de miliciens et militaires accusés de "génocide programmé et systématique "par le rapport de la Commission des droits de l'homme de l'ONU publié le 30 juin, qui a également dénoncé explicitement la responsabilité de plusieurs États étrangers. Pour les autorités françaises, directement visées par ces accusations, cette opération humanitaire armée relevait assurément d'une indignation sincère devant les massacres et prolongeait les premières tentatives de "rachat "moral aux yeux de l'opinion internationale (actions humanitaires engagées dès le mois d'avril). Contestée par l'OUA (Organisation de l'unité africaine) et les responsables de la Minuar I, dénoncée par le FPR, suspectée d'arrière-pensées politiques par la plupart des ONG (organisations non gouvernementales) opérant sur place, l'opération Turquoise s'est rapidement heurtée sur le terrain à des difficultés presque insurmontables. Elle a certes réussi à sauver quelques milliers de vies humaines et, au moins pour un temps, mis le Burundi à l'abri d'une déstabilisation par le déferlement de centaines de milliers de réfugiés mais, après l'effondrement de l'armée rwandaise regroupée au nord-ouest du pays, elle ne pouvait pas éviter le "désastre humanitaire "attendu. Parmi les causes de cette impuissance figurent l'inadéquation des troupes d'élite de combat aux tâches spécifiquement humanitaires, le boycottage - au moins dans un premier temps - larvé ou explicite des structures spécialisées (ONG et organismes des Nations unies) et surtout la disqualification pour toute médiation politico-militaire. Les populations civiles ont été explicitement utilisées pour couvrir la retraite des forces gouvernementales défaites et servir ensuite, à partir des camps de réfugiés, de bases de recrutement pour une possible guérilla de reconquête hutu future. Fondamentalement, l'opération française sous mandat de l'ONU n'a pas été en mesure de surmonter l'improvisation de ses objectifs politiques et la peur des puissances étrangères de s'engager dans une région à hauts risques. En France, si les efforts déployés semblent avoir soulagé la mauvaise conscience de l'opinion publique et obligé les membres réticents du gouvernement et de l'État-Major à se montrer solidaires des "responsables du gâchis", les milieux informés n'étaient pas convaincus. La crise rwandaise est venue une nouvelle fois souligner les handicaps qui pèsent traditionnellement sur la gestion française des affaires africaines: opportunisme, caution à l'affairisme, absence de vision politique à long terme... Sur le plan international, malgré l'absence de solidarité manifeste, aussi bien en Europe qu'en Afrique, la France a cependant recouvré les apparences d'une "grande puissance", "courageuse "et "volontaire "au regard de la "lâche impuissance "de ses principaux partenaires internationaux. En Afrique, elle a également démontré qu'il existait encore à Paris une "politique africaine "et s'est dégagée de son "complexe de Fachoda". Fin juillet, le désastre humanitaire consommé (une épidémie de choléra a fait en quelques jours des milliers de morts parmi le million de réfugiés épuisés et affamés qui a déferlé sur la province du Nord-Kivu au Zaïre), et une nouvelle fois sous la pression des médias, l'aide internationale s'est amplifiée et organisée. Les États-Unis, en particulier, bénéficiant de la nouvelle faveur des autorités du FPR installées à Kigali, ont engagé d'importants moyens humanitaires et politiques (garanties de sécurité permettant le retour des réfugiés, pressions pour le désarmement des forces armées gouvernementales réfugiées au Zaïre...). La gestion internationale de la crise rwandaise aura ainsi cruellement mis à nu l'incapacité de l'OUA et des organisations en charge du "nouvel ordre international "à proposer une force d'intervention ou de médiation alternative aux puissances impériales, toujours disponibles pour protéger leurs intérêts particuliers au nom de la "communauté internationale".

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