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L'existence (cours de philosophie)

Le terme « existence » appartient à un registre plus philosophique, possède une connotation plus métaphysique que le terme « vie ». Le terme Vie engage à étudier des phénomènes biologiques ; le terme Existence nous oriente vers une analyse phénoménologique, disons mieux vers le « fait » de l'existence. Car si quelque chose se donne à nous antérieurement à tout discours scientifique sur la Vie, c'est bien l'existence et son sentiment.

— I — L’existence et la vie.

1 — Certes, Vie est plutôt biologique et Existence plutôt métaphysique ; cependant la limite est moins tranchée. Le biologiste démontre facilement que la vie est « improbable ». La plus importante caractéristique d'un être vivant est sa propriété de multiplication. Sa structure doit se reproduire, mais selon un processus souple. En effet, le virus de la mosaïque du tabac, à la frontière du monde minéral et du monde vivant, est un acide ribonucléique en spirale, auquel se lient des molécules de protéines. L'acide nucléique vital est formé de quatre bases biologiques s'enchaînant selon une séquence de 6 000 bases. La probabilité pour que cette séquence se réalise est égale à 1/10/2 000 (un sur 10 puissance 2 000), ce qui est tout à fait négligeable. De plus la probabilité pour choisir un atome parmi tous les atomes qui se trouvent dans l'univers accessible à nos télescopes est égale à 1/10/100 (un sur 10 puissance 100). Donc, en cinq milliards d'années, la terre n’aurait pas pu produire la mosaïque du tabac. Mais si nous prenons une population de molécules déjà capables de se multiplier, et dans laquelle un modèle de ces molécules se transforme en modèle voisin par mutation, en prenant un ordre de probabilité de mutation de 1 /10/20, 100 mutations suffiront pour obtenir la mosaïque du tabac en un temps compatible avec l'âge de la terre. Nous voyons qu'au niveau biologique, la vie se comporte comme un processus parfois imprévisible, de l'ordre de la statistique, donc souple et aléatoire. On a même parlé à cet égard, d'un anti hasard pour « expliquer » l'apparition de la Vie. Loin d'être le résultat d'un enchaînement aveugle et automatique, la Vie est jaillissement et finalité. En fait, on s'aperçoit que les modèles existentialistes de Heidegger et de Sartre, peuvent faire penser à une analogie de la vie et des processus conscients, l'homme devant être libre, imprévisible et aléatoire, comme l'est effectivement la vie. Temporalité de l'existence. Nous pouvons affirmer que la vie est comparable à l'existence, parce qu'elle n'est pas seulement extériorité, mais processus de mutations internes. Nous verrons l'importance de cette distinction au niveau existentiel. Tout être vivant a besoin, pour vivre, de la perception. Ravaisson : « Il ne lui suffit plus de la puissance aveugle de la nutrition et de la génération : il lui faut un principe qui lui serve de mesure entre les influences qui s'exercent sur lui de tous côtés, qui l'avertisse par des affections de plaisir et de peine, de ce que les choses du dehors peuvent lui causer de bien et de mal... L'animal se meut donc dans la catégorie de la qualité ». Il en résulte que le changement ne sera plus seulement spatial (comme pour une pierre qu'on jette) mais temporel (changement dans la manière d'être, la disposition). Les choses inorganiques ont le principe de leur existence dans l'extérieur, mais l'organisation vivante est une structure constante au milieu des changements : elle introduit le monde en elle, et dès lors elle est un certain être dans le monde. L'existence ne sera alors qu'un approfondissement et une conceptualisation de la Vie comme processus aléatoire et interne.

— II — Le sentiment de l’existence.

La phénoménologie analyse le vécu d'un individu particulier, pris dans un « ici et maintenant » donnés. Si l'on dépouille le vécu de tout contenu, on retrouve l'intuition centrale des philosophies de l'existence au xviiie siècle, c'est à dire des "sensualismes existentiels" de Rousseau, Buffon, Condillac, Jean Wahl (dans « Tableaux de la Philosophie française ») présente ces philosophies comme fondées par un « cogito sensualiste » du type : « je sens, donc je suis » (sentir et être sont une seule et même chose). L'expérience privilégiée de cette philosophie est celle d'un accident qui prive l'être humain de toutes ses possessions (nom, âge, rôle, apparences...), ce qui aussi bien s'exprime dans l'exemple fameux de la statue de Condillac, à laquelle on attribuerait l'odorat, ainsi que dans le récit de l'accident de RousseauRêveries », 2) renversé par un chien, et s'éveillant d'un coma qui l'avait dépouillé de toute conscience exacte du monde et de lui même, ne laissant que le sentiment d'exister. Rousseau l'écrit : « J'aperçus le ciel. .. je ne me sentais encore que par cette sensation. Je naissais dans cet instant à la vie, et il me semblait que je remplissais de ma légère existence tous les objets que j'apercevais... . Je n'avais nulle notion distincte de mon individu... je ne savais ni qui j'étais, ni où j'étais». Il n'y a pas dès lors de distinction nette entre le sujet et l'objet : "le contact de ses mains serait dans son cerveau". L'expérience primordiale de cet état est le sentiment de l'existence, véritable cogito fondateur et apodictique (nécessaire) : « son âme que rien n'agite se livre au seul sentiment de son existence actuelle ». La même formule revient souvent dans la Ve Promenade (Rêverie au bord du lac). Et Jean Wahl peut dire: ...

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