Lévi-Strauss: La prohibition de l'inceste relève de la nature et de la culture
Lévi-Strauss est un ethnologue français de "terrain". Il a vécu plus de 20 ans chez des Indiens d'Amérique du sud (les Bororos, et les Nambikwaras) dans des sociétés dites "primitives", pour étudier leurs langages, mythes, rites, coutumes, moeurs...
- Lévi-Strauss : nature et culture
Lévi-Strauss, dans « Les structures élémentaires de la parenté »: La nature = domaine du biologique, du spontané et de l'universel chez l'homme. La culture = domaine du social, de l’acquis et du relatif chez l'homme. L'homme est à la fois un être biologique et social. — La règle distingue nature et culture Quels seront les critères de la nature et de la culture ? La nature, c’est ce qui est inné et biologique donc universelle La culture, c’est ce qui est acquis, normé. Chez les singes anthropoïdes, les relations sexuelles entre les membres d'un groupe simien sont abandonnées au hasard. — Le passage de la nature à la culture : la prohibition de l'inceste. La prohibition de l'inceste = dans toutes les sociétés sans exception, le lien sexuel avec certains parents est strictement interdit. En sont "dispensés" ceux qui ne sont pas réellement des hommes: les animaux, et ceux qui se considèrent au-dessus des hommes, comme des dieux, les pharaons, empereurs. Cet interdit implique un choix obligatoire du partenaire sexuel, (mari, femme), à l'extérieur de la famille (= exogamie). Lévi-Strauss remarque, qu'au sein d’un groupe, chacun "sait" qui est permis, et qui est interdit, ce qui implique un fonctionnement logique parfait de leur pensée et de leur structure sociale. La prohibition de l’inceste est universelle et semble donc renvoyer à la sphère de la nature. Mais les règles de cette prohibition varient avec les sociétés. Règles variables, la prohibition de l'inceste semble un phénomène culturel. Articulation privilégiée entre la nature et la culture : elle assure le passage de l'une à l'autre.
Après des études de philosophie, Claude Lévi-Strauss s’est consacré à l’ethnologie, discipline dans laquelle il a apporté des contributions importantes. La méthode structuraliste lui permet de décrire les mythes et croyances de cultures extra-européennes, dont il va déduire un certain nombre de conséquences qui éclairent d’un jour nouveau la condition humaine.
Problématique
La prohibition de l'inceste est le seul phénomène social qui relève à la fois de la nature et de la culture, deux ordres pourtant habituellement exclusifs l'un de l'autre. Dans les comportements humains, tout ce qui est spontané et universel relève de la nature tandis que tout ce qui est relatif et particulier et obéit à une norme relève de la culture. La prohibition de l'inceste relève de la culture car elle varie dans ses formes, son champ d'application et dans les sanctions prévues selon les sociétés considérées ; cependant, du fait de son universalité, elle relève également de la nature.
Enjeux
L'auteur ne dit pas que l'inceste est universellement condamné parce qu'il est contre-nature. Si c'était le cas, il n'y aurait jamais d'inceste, de même que le fait de voler comme un oiseau serait pour l'homme contre-nature. Ici, c'est le fait social de la prohibition qui est universel, c'est-à-dire présent dans toutes les sociétés, jusqu'à preuve du contraire.
La prohibition de l'inceste relève de la nature et de la culture
"La distinction entre état de nature et état de société, à défaut d'une signification historique acceptable, présente une valeur logique qui justifie pleinement son utilisation, par la sociologie moderne, comme un instrument de méthode. L'homme est un être biologique en même temps qu'un individu social. Parmi les réponses qu'il fournit aux excitations extérieures ou intérieures, certaines relèvent intégralement de sa nature, d'autres de sa condition. [...] Posons donc que tout ce qui est universel, chez l'homme, relève de l'ordre de la nature et se caractérise par la spontanéité, que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la culture et présente les attributs du relatif et du particulier. Nous nous trouvons alors confrontés avec un fait, ou plutôt un ensemble de faits, qui n'est pas loin, à la lumière des définitions précédentes, d'apparaître comme un scandale : nous voulons dire cet ensemble complexe de croyances, de coutumes, de stipulations et d'institutions que l'on désigne sommairement sous le nom de prohibition de l'inceste. Car la prohibition de l'inceste présente, sans la moindre équivoque, indissolublement réunis, les deux caractères où nous avons reconnu les attributs contradictoires de deux ordres exclusifs : elle constitue une règle, mais une règle qui, seule entre toutes les règles sociales, possède en même temps un caractère d'universalité. Que la prohibition de l'inceste constitue une règle n'a guère besoin d'être démontré ; il suffira de rappeler que l'interdiction du mariage entre proches parents peut avoir un champ d'application variable selon la façon dont chaque groupe définit ce qu'il entend par proche parent ; mais que cette interdiction, sanctionnée par des pénalités sans doute variables, et pouvant aller de l'exécution immédiate des coupables à la réprobation diffuse, parfois seulement à la moquerie, est toujours présente dans n'importe quel groupe social."
- inceste : relations sexuelles ou mariage entre deux membres d'une même famille, d'un même clan.
- universel : présent dans toutes les sociétés observées par les ethnologues, nature : tout ce qui, dans les comportements humains, est déterminé par un facteur biologique transmis génétiquement.
- culture : tous les comportements que l'homme invente, et qui n'obéissent pas à un déterminisme génétique. Les phénomènes culturels sont différents d'un groupe humain à l'autre, sauf la prohibition de l'inceste, selon Lévi-Strauss.