Les Provinciales de Blaise PASCAL, 1656-1657
En janvier 1656 paraît une Lettres écrite à un provincial par un de ses amis «sur le sujet des disputes présentes à la Sorbonne». C'est la première des lettres fictives, d'abord anonymes, puis signées Louis de Montalte, par lesquelles Pascal intervient aux côtés de ses amis jansénistes contre les jésuites, ou molinistes, du nom d'un théologien de la Compagnie de Jésus, Molina, auteur de l'Accord du libre arbitre et de la grâce (1588). Les molinistes font crédit à la volonté humaine et considèrent qu'on peut faire son salut par ses propres forces et rendre efficace la grâce suffisante que Dieu accorde à chacun. Les jansénistes, à la suite de l'évêque d'Ypres Jansénius, auteur d'un traité sur la grâce inspiré de saint Augustin, l'Augustinus (1640), sont au contraire persuadés de la faiblesse de l'homme qui, à leurs yeux, ne peut échapper au péché que par l'intervention permanente de Dieu. En 1653, cinq propositions extraites de l'Augustinus ont été condamnées par le Pape, et la hiérarchie ecclésiastique, s'appuyant sur la faculté de théologie de la Sorbonne, tracasse les jansénistes pour qu'ils renient ces propositions déclarées hérétiques. Pascal intervient au plus fort de la polémique pour répliquer aux adversaires des jansénistes sur le plan théologique (lettres l-IV) et dénoncer leur complaisance en matière de morale : il reproche aux jésuites d'émousser le sens de la responsabilité par la casuistique (c'est-à-dire l'art de distinguer les cas), l'indulgence aux actes au nom de la pureté des intentions, le principe de la dévotion aisée et le système des restrictions mentales aux déclarations -relâchements destinés à accommoder la religion à la faiblesse des hommes et à la morale du monde : point d'honneur et duel, usure, trafic d'influence et corruption des juges, mensonge, parjure (lettres V-X). Ces thèmes sont repris avec vivacité dans les lettres suivantes dont les deux dernières reviennent au problème théologique de la grâce. Le talent de Pascal fait de ces écrits de circonstance des modèles de littérature polémique. Mais surtout, Les Provinciales permettent de comprendre quel ferment de spiritualité profonde et de rigueur morale le jansénisme a été au xviie siècle et au-delà.