Les Mouches-Jean-Paul SARTRE, 1942, Folio
Dans cette tragédie en trois actes, Sartre utilise la légende des Atrides pour proposer une réflexion sur la liberté. Il a choisi le moment où Clytemnestre et Égisthe, quinze ans après avoir assassiné, Agamemnon, vont devoir rendre des comptes à Oreste (cf. Giraudoux, Electre). L'action se déroule à Argos. Oreste, qui arrive d'Athènes sous un nom d'emprunt, avec son précepteur (le Pédagogue), voit tout le monde fuir devant lui. La ville est envahie de mouches. Un étrange barbu, Jupiter, explique aux voyageurs que les nouveaux souverains font régner la peur et le repentir dans l'intérêt de l'ordre public (les mouches symbolisent les remords des gens d'Argos) et qu'il conseillerait à Oreste de quitter la cité s'il le rencontrait (I,1). Le Pédagogue voudrait partir et rappelle à Oreste qu'il a été élevé dans le scepticisme pour être libre de tous les engagements, mais celui-ci est secrètement mélancolique d'être déraciné et rêve d'un acte qui lui donne droit de cité dans Argos (I, 2). Il s'apprête cependant à quitter la ville quand il rencontre sa soeur Électre qui le gagne à sa révolte contre Égisthe (I, 3-5; II, 1er tableau). Jupiter prévient Égisthe du danger: les hommes croient aux dieux et aux rois parce qu'ils ont peur et sont inconscients de leur liberté ; mais Oreste sait qu'il est libre (II, 2e tableau, 5). En effet, celui-ci tue Clytemnestre et Égisthe et crie son bonheur d'avoir conquis sa liberté par cet acte, tandis qu'Électre, après un mouvement de joie, commence à prendre peur des mouches (II, fin). À l'acte III, Jupiter, assisté des Érinyes, déesses du remords, cherche à rétablir son autorité. Electre se soumet, mais Oreste résiste aux efforts de séduction du roi des dieux (III, 2) et, entraînant à sa suite les mouches soumises à sa volonté, quitte Argos ainsi libérée : Je veux être un roi sans terre et sans sujets. Adieu, mes hommes, tentez de vivre : tout est neuf ici, tout est à recommencer. Cette pièce résume les principes essentiels de la morale sartrienne : l'homme ne peut remplir son destin que dans la conscience de sa liberté ; la vraie liberté ne réside pas dans l'indifférence enseignée par l'humanisme sceptique, mais dans l'engagement et dans l'action ; à chacun d'assumer sa liberté.
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