Les Mots de Jean-Paul SARTRE, 1964, Folio
Ce volume est le début de l'autobiographie que Sartre n'a pas achevée. Écrit en 1954 (et retouché plus tard avant publication), il témoigne de l'intention qui en gouvernait le projet : Je voulais montrer comment un homme peut passer de la littérature considérée comme sacrée à une action qui reste néanmoins celle d'un intellectuel. Dans Les Mots, j'explique l'origine de ma folie, de ma névrose. Par ces derniers termes, Sartre qualifie sa volonté initiale de faire de la littérature un absolu (Interview au journal Le Monde). Le récit est organisé en deux parties. Dans la première, Lire, Sartre décrit son enfance parisienne (avant 1914) de garçonnet chétif et laid, idolâtré par sa mère Anne-Marie, précocement veuve, et par ses grands-parents Schweitzer, Karlemamie, qui guettent en lui l'enfant prodige. Il entre dans le jeu et se jette dans un monde imaginaire que nourrissent ses lectures, faute de pouvoir vivre dans le réel et d'avoir part aux jeux des enfants de son âge au jardin du Luxembourg. Dans la seconde, Écrire, il conte son entrée dans l'écriture, à huit ans, à l'instigation de sa mère et de son grand-père, qui, cependant, le pousse vers l'École normale supérieure et le professorat. Son grand-père, pasteur manqué, qui (a) gardé le Divin pour le reverser dans la Culture, lui transmet sa conception de l'écrivain et de l'artiste, qui, étrangers à l'action, sauvent le monde par la méditation du Beau et du Bien. Sales fadaises [...] A cause d'elles j'ai tenu longtemps l'oeuvre d'art pour un événement métaphysique dont la naissance intéressait l'univers. Cette sévérité pour l'idéalisme du clerc est celle de l'écrivain engagé qui, en 1954, est converti à l'action politique. En d'autres pages s'y superpose un évident scepticisme à l'égard de l'engagement de l'écrivain : Longtemps j'ai pris ma plume pour une épée : à présent je connais notre impuissance. N'importe : je fais, je ferai des livres; il en faut; cela sert tout de même. La culture ne sauve rien ni personne, elle ne justifie pas. Mais c'est un produit de l'homme. Ce livre brillant et émouvant éclaire Sartre tout en posant le problème du rôle de l'écrivain et de la littérature.
Liens utiles
- Jean-Paul SARTRE (1905-1980), Les Mots, 1964: Sur les terrasses du Luxembourg
- De nombreux auteurs tels que Voltaire ont pris « leur plume pour une épée » (Jean-Paul Sartre, Les Mots, 1964). Pensez-vous que la littérature soit une bonne arme contre les inégalités ou les abus humains ? Quel(s) genre(s) et quel(s) registre(s) vous semblent-ils le(s) plus efficace(s) dans ce domaine ? Vous appuierez votre réponse sur des exemples précis, tirés de vos lectures personnelles, des textes étudiés en cours et de Candide.
- Jean-Paul Sartre, Les Mots, Gallimard, 1964.
- Mots, les [Jean-Paul Sartre] - Fiche de lecture.
- Jean-Paul Sartre, écrivain et penseur du XXème siècle, affirme la fin de son autobiographie Les mots : « Longtemps j'ai pris ma plume pour une épée : à présent, je connais notre impuissance. » Vous vous interrogerez sur le caractère pessimiste de cette position et vous demanderez si la « plume » d'un écrivain peut être une arme efficace. Votre réflexion prendra appui sur les textes que vous avez étudiés et sur les oeuvres que vous avez lues.