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Les métamorphoses du moi : Mythe de Narcisse

Le Mythe de Narcisse et ses interprétations philosophiques

Source = Ovide (mythographe romain du Ier s. av. J.C.) - Livre 3 des « Métamorphoses ».

https://www.youtube.com/watch?v=tM3oBISPDgY

https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/narcisse-mon-beau-narcisse-14-aux-origines-du-mythe (France Culture)

Fils/fruit du viol de Céphise (Dieu-fleuve) sur la nymphe Liriopé (visage de Nénuphar) Narcisse (l'endormi) était un garçon qu'une exceptionnelle beauté.

Dans d'autres variantes (Pausanias in « Description de la Grèce », IX, 31, 8), Narcisse avait une sœur jumelle adorée. Cette soeur jumelle meurt très jeune et laisse Narcisse dans le désespoir… Il se regarde dans l'eau pour y retrouver alors les traits de sa sœur. Amour incestueux et impossible.

Narcisse fut élevé par les Nymphes qui le cajolèrent et le gâtèrent … peut-être un peu trop ! Le désir qu'il suscitait chez les autres ne le concernait pas. Bel indifférent. Pendant son enfance, sa mère demanda au devin aveugle Tirésias (le premier transsexuel !) s'il vivrait longtemps. Tirésias répondit « qu'il vivrait vieux s'il ne se connaît pas ». (Certains traduisent par « s'il ne se regarde pas ») personne ne comprit à cette époque cette réponse énigmatique, sibylline. Il fut aimé par de nombreux garçons et jeunes filles. Mais, il les repoussa toutes et tous. Inflexible dédain de Narcisse qui ne trouve personne digne de lui, de sa beauté et de sa perfection.

Narcisse est sublime à l'extérieur mais dur et sec à l'intérieur. Totalement égocentrique.

Narcisse offrit un jour une épée à Ameinias (celui qui ne s'arrête jamais) qui, en vain, avait tenté de le séduire. Et Ameinias, désespéré, se tua avec le présent que Narcisse lui avait fait. Au moment de mourir, il fit appel aux dieux pour qu'ils vengent sa mort.

La nymphe Echo conçut également une passion pour lui ; elle avait été punie par Héra, car son bavardage incessant avait averti Zeus de la présence de sa femme, alors qu'il courtisait les nymphes, et la déesse lui avait enlevé le don de la parole, ne lui laissant que la possibilité de répéter la dernière syllabe des mots qu'elle entendait: « ainsi l'avait voulu Junon ; quand la déesse pouvait surprendre les nymphes qui souvent, dans les montagnes, s'abandonnaient aux caresses de son Jupiter, Écho s'appliquait à la retenir par de longs entretiens, pour donner aux nymphes le temps de fuir. La fille de Saturne s'en aperçut : ''cette langue qui m'a trompée, dit-elle, ne te servira plus guère et tu ne feras plus de ta voix qu'un très bref usage''. L'effet confirme la menace; Echo cependant peut encore répéter les derniers sons émis par la voix et rapporter les mots qu'elle a entendus. » (Ovide in « Métamorphoses »). Il était dès lors impossible à Echo de « dire » son amour à Narcisse.

Elle ne put révéler sa passion au beau Narcisse, condamnée qu'elle était à ne pas pouvoir parler la première. Lassé, il l'abandonna en s'exclamant « retire ces mains qui m'enlacent; plutôt mourir que d'être à toi ! ». Echo répond : « Être à toi ! Être à toi ! Être à toi ! ». Echo, morte de chagrin et de honte, s'étiola, maigrit et ne subsista d'elle que sa voix plaintive qui fait écho dans les montagnes : « il ne lui reste que la voix et les os ; sa voix est intacte, ses os ont pris la forme d'un rocher. » (Ovide). Nicolas Poussin, dans « Echo et Narcisse » (1626) la représente déjà décolorée, s'identifiant au rocher dont elle épouse la forme.

Narcisse, coupable d'avoir décliné cruellement l'amour de la nymphe Écho, est puni par Némésis, déesse de la Vengeance divine qui punit l' « hubris », la démesure des humains.

Némésis jeta un sort à Narcisse pour le punir de sa cruelle indifférence: « Qu'il aime donc de même à son tour et de même ne puisse jamais posséder l'objet de son amour! » (Id.). Elle le condamna à aimer jusqu'à la mort sans pouvoir consommer ce qui provoque son amour et son désir. Narcisse a voulu, en refusant son amour à toute autre personne que lui-même, se soustraire à la loi commune à tous les hommes (loi d'Eros). C'est la justice universelle, en somme, qui a opéré par la médiation de la déesse. Dans la mythologie, le châtiment est toujours proportionnel à la faute commise. Le châtiment est symétrique et inverse de la faute, comme le reflet sur l'eau. Narcisse qui refuse l'ouverture sur autrui (hétéroérotisme) est condamné à la clôture sur lui-même (autoérotisme).

Narcisse, revenant un jour de la chasse, passa à côté d'une source limpide du mont Hélicon en Béotie (Grèce) que nul n'avait jamais troublé. Voulant boire, il se pencha, vit sa propre image et tomba en extase devant son propre reflet.

Dans un premier temps, Narcisse ne se reconnaît pas car il ne se connaît pas. Il tombe amoureux d'une image qu'il ne sait pas être la sienne.

Puis, il prend conscience que l'image, c'est lui : « Tu n'es autre que moi-même, je l'ai compris ; je ne suis plus dupe de ma propre image. C'est pour moi que je brûle d'amour. Ce que je désire, je le porte en moi-même. Ma richesse est aussi mon manque. » (ibid., v. 463-464)».

Amoureux de lui-même, fasciné par sa propre image. Mais toucher l'eau sur laquelle il s'est penché pour boire, c'est brouiller l'image de celui qu'il aime, c'est faire disparaître une apparition qu'il veut et qu'il ne peut étreindre. Il se désirait lui-même sans le savoir, c'est en vain qu'il tentait de saisir cette image dans l'eau pour l'enlacer. Fasciné par ce visage, Narcisse ne put plus s'en détacher ; ne parvenant à obtenir l'amour de cet être qu'il ne sait pas être lui-même, il se laissa mourir sur place, ne mangeant ni ne buvant plus (selon d'autres récits, il se noie dans l'eau de la fontaine).

Ses sœurs les Naïades se coupèrent les cheveux en signe de deuil.

Narcisse fut changé en une fleur, qui pousse près des rivières, symbole de la mort prématurée. La fleur même dans laquelle il est métamorphosé désigne ce qui fascine. «  Narkissos  » dérive du mot «  narkè  » qui désigne l'engourdissement. L'huile de narcisse a pour propriété médicinale d'être un narcotique. Et un narcotique est une manière de piège comme le reflet qui hypnotise Narcisse.

On raconte aussi que dans le monde de l'au-delà, l'Hadès, Narcisse continua de chercher l'amour de son reflet dans les eaux du Styx.

Morale du mythe

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