Les métamorphoses du moi : Freud et le narcissisme
Le narcissisme chez Freud :
Avant Freud, Richard von Krafft-Ebing dans « Psychopathia sexualis » (1885) définit le narcissisme comme une perversion dans laquelle le sujet ne peut avoir de jouissance sexuelle qu'en se contemplant lui-même dans un miroir. On trouve une illustration de cette perversion dans le livre (et dans le film) « American Psycho » (1991) de Bret Easton Ellis.
Pour Freud in « Pour introduire le narcissisme », en 1914, narcissisme = nécessaire à la constitution naturelle du « moi » (c'est son abus, son excès, qui serait pathologique).
- Narcissisme primaire et narcissisme secondaire.
- Le « narcissisme primaire » désigne le narcissisme de l'enfant, qui se prend lui-même comme objet d'amour.
Moment normal de la formation de la personnalité. Toute-puissance de l'enfant qui ne distingue pas le Soi du non-Soi. Autosuffisance et Autoérotisme (stade oral, stade du miroir).
En percevant peu à peu la différence entre son Soi et le monde extérieur et en commençant à ressentir une forme d'identité propre, grâce au « stade du miroir », l'enfant investit sa libido sur les objets extérieurs.
Qu'est-ce que le stade du miroir chez Jacques Lacan ?
L'amour de soi (« libido du moi »①) se portera ensuite sur des objets extérieurs (« libido d'objet » ②). Passage de l'auto-érotisme à l'a
mour d'objet.
Parfois, ①domine ② = la personne a un tel amour pour soi qu'elle désinvestit les autres et le monde extérieur. Complexe de supériorité.
Parfois ② domine ①= la personne accorde trop d'amour aux autres et n'a plus la place pour s'aimer soi-même. Complexe
d'infériorité.
- Le « narcissisme secondaire »:
Le narcissisme secondaire est le repli sur le sujet de la libido jusqu'alors investie dans les objets extérieurs.
Le narcissisme peut conduire à une régression pathologique. La libido se retire de ses objets extérieurs pour retourner vers le moi. Causes : déception, perte, deuil, désillusion, etc.
Le monde étant désinvesti par la libido, le malade s'enferme dans un monde imaginaire, où revit le « toute-puissance » de l'enfant.
Le monde tout entier peut être privé de tout lien affectif avec le sujet qui va reporter son amour sur le moi (perversion narcissique, délire des grandeurs, paranoïa, schizophrénie, mythomanie, délire de persécution).
- Qu'est-ce qu'un « pervers narcissique » ?« pervers » = il utilise autrui afin de satisfaire ses désirs. L'autre est un « non-objet ».
- « narcissique » = besoin d'être admiré, adulé, d'être le centre d'intérêt exclusif, se croit spécial, invulnérable, invincible, etc.
- Tableau clinique : Valorisation excessive de soi. Complexe de supériorité.
- Manque d'empathie.
- Mauvaise foi. Autojustification.
- Harcèlement moral, dénigrement, humiliation des autres.
- Manipulation, relation toxique d'emprise.
- Attitude victimaire.
Causes du trouble de perversion narcissique : Parents trop présents qui étouffent l'enfant et donc intolérance à la frustration (« enfant-roi »). Parents qui exigent beaucoup de leur enfant. Absence des parents, négligence parentale, dévalorisation de l'enfant par un parent = faille narcissique. L'enfant alors victime de rejet, d'exclusion va développer une personnalité narcissique en guise de protection, compensation. II) Narcissisme et homosexualité. Freud utilisa le terme de narcissisme pour rendre compte d'un certain choix effectué par les homosexuels (qui se prennent eux-mêmes comme objet sexuel et recherchent ceux qui leur ressemblent). Des doubles d'eux-mêmes. « Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci » (→ cf. Cours sur l'art):
« Chez tous nos homosexuels hommes, nous avons retrouvé, dans la toute première enfance, période oubliée ensuite par le sujet, un très intense attachement érotique à une femme, à la mère généralement, attachement provoqué ou favorisé par la tendresse excessive de la mère elle-même, ensuite renforcé par un effacement du père de la vie de l'enfant. […] L'amour pour la mère ne peut pas suivre le cours du développement conscient ultérieur et tombe sous le coup du refoulement. Le petit garçon refoule son amour pour sa mère, en se mettant lui-même à sa place, en s'identifiant à elle, et il prend alors sa propre personne comme l'idéal à la ressemblance duquel il choisit ses nouveaux objets d'amour. Il est ainsi devenu homosexuel, mieux, il est retourné à l'autoérotisme, les garçons, que le garçon grandissant aime désormais, n'étant que des personnes substituées et des éditions nouvelles de sa propre personne enfantine. Et il les aime à la façon dont sa mère l'aima enfant. Nous disons alors qu'il choisit les objets de ses amours suivant le mode du narcissisme, d'après la légende grecque du jeune Narcisse à qui rien ne plaisait autant que sa propre image reflétée dans l'eau, et qui fut métamorphosé en la belle fleur du même nom. » (Freud)
Choix d'objet narcissique (= semblable à soi). Il fera un choix d'objet narcissique, cad semblable à lui, et tel que sa mère pourrait l'aimer (= un copain à lui). Le fils devenant homosexuel car pour lui coucher avec une femme serait comme coucher avec… sa mère ou lui être infidèle. Le fils homosexuel se comportera avec ses amants comme sa mère s'est comportée avec lui (mère phallique). Il pourra être dominant, jaloux et possessif.
Pour Freud, les homosexuels « se cherchent eux-mêmes comme objet d'amour, en présentant le type de choix d'objet qu'on peut nommer narcissique » comme Narcisse qui refuse Echo qui comme sa mère était une nymphe.
Freud identifie une autre forme d'homosexualité, liée à la sacralisation du père / du phallus, et l'impossibilité d'y renoncer chez l'objet d'amour. Position plus passive, plus « féminine ». L'objet d'amour sera électivement une figure de père, d'homme + âgé ou d'autorité.