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Les échanges (fiche de révision)

Distinguer

Les formes archaïques de l’échange et les formes modernes, qui impliquent monnaie et commerce.

Le don

Caractère supra-économique du don dans les sociétés archaïques : le don comme fait social total (M. Mauss, "Essai sur le don").

La pratique du potlach

Mot emprunté au chinook pour désigner une cérémonie pendant laquelle les clans rivalisent de prodigalité. Il s'agit de dépenser pour manifester son prestige, sa richesse (cf. C. Lévi-Strauss, "Les Structures élémentaires de la parenté").

L'échange matrimonial

L'échange matrimonial (mariage) est l’archétype de l’échange. Il résulte de la prohibition de l'inceste qui accomplit le passage de la nature à la culture.

La valeur

Valeur d’usage : conforme à la destination d’utilité ou d’agrément de l'objet considéré.

Valeur d’échange : l'objet est envisagé dans la mesure où il peut être échangé contre autre chose. La valeur d’échange repose sur le fait que les deux produits échangés ont en commun une certaine entité travail qui a servi à les obtenir.

La monnaie

Rôle de la monnaie comme médiateur universel entre les objets et les hommes.

• La notion d'échange n'a pas seulement un sens économique. Pour bien comprendre l'échange, intégrez-le dans la fonction de communication, acte par lequel nous entrons en relation avec nos semblables (§ 1). • Distinguez bien l'échange dans les sociétés archaïques (le don, § 2, 3 et 4), l'échange matrimonial (essentiellement dans ces mêmes sociétés primitives, § 5) et l'échange au sens strictement économique et moderne du terme (avec monnaie et commerce § 6, 7, 8). • Lisez, en même temps que cette fiche, celle qui est consacrée au langage, phénomène d'information et de communication. Le langage, lui aussi, est une forme d'échange.

I - L'échange, fait de communication

Échanger, c'est donner et. recevoir, céder, moyennant contrepartie, des biens, des personnes ou des signes. La première définition de l'échange est très générale et déborde le cadre strictement économique. Je puis échanger des paroles, tout comme je puis céder des biens. Pour comprendre l'échange, il faut l'intégrer et le saisir dans la «fonction de communication» : l'homme est, en effet, un être qui communique, qui dialogue. La communication avec autrui représente un trait universel de la pensée et de l'existence humaine ; c'est un type de rapport privilégié, permettant la constitution de l'être personnel. Il faut donc comprendre l'échange dans toute sa généralité, à la lumière de la grande circulation qui s'opère dans les sociétés humaines «Il y a dans la communication une vertu créatrice, dont l'homme isolé ressent douloureusement la privation... La grâce de la communication, où l'on donne en recevant, où l'on reçoit en donnant, c'est la découverte du semblable, du prochain... Chacun reconnaît l'autre et reçoit de lui cette même reconnaissance sans laquelle l'existence humaine est impossible. Car, réduit à lui-même, l'homme est beaucoup moins que lui-même.» (G. Gusdorf, "La parole", PUF, 1960)

II - L'échange dans les sociétés archaïques : le don (L'ECHANGE COMME PRESTATION TOTALE)

Dans les sociétés archaïques ou primitives, l'échange se présente essentiellement sous forme de dons réciproques : on ne constate jamais de simples échanges de biens au cours d'un marché passé entre individus. Ce sont les collectivités qui offrent des richesses, des festins, des politesses, des femmes ou des enfants. Cette forme primitive de l'échange a un caractère supra-économique. C'est un «phénomène social total», doué de signification magique et religieuse. Aussi ces prestations et contre-prestations sont-elles rigoureusement réglementées, malgré leur apparence volontaire. Familles et clans doivent faire des dons à l'occasion des naissances, des mariages, des décès, des traités de paix, etc. « Ces prestations et contre-prestations s'engagent sous une forme plutôt volontaire, par des présents, des cadeaux, bien qu'elles soient au fond rigoureusement obligatoires, sous peine de guerre privée ou publique. » (M. Mauss, "Essai sur le don", in "Sociologie et anthropologie", PUF, 1950)

III - Exemple : le potlatch. Donner pour surpasser

L'illustration la plus célèbre de ces prestations totales, de ces dons à signification religieuse et magique, nous est fournie par le potlatch des Indiens de la côte Pacifique d'Amérique du Nord. « Potlatch » veut dire essentiellement nourrir, consommer. Ces tribus, fort riches, vivant dans les îles ou sur la côte, passent leur temps dans une fête perpétuelle, avec banquets, foires et marchés. De quoi s'agit-il dans le potlatch? De surpasser un rival en munificence, de l'écraser sous des obligations auxquelles il ne pourra satisfaire en retour. L'échange se fait sous la forme du don qui écrase le rival. Échanger, c'est donner pour surpasser. « Il y a prestation totale en ce sens que c'est bien tout le clan qui contracte pour tous, pour tout ce qu'il possède et pour tout ce qu'il fait, par l'intermédiaire de son chef. Mais cette prestation revêt, de la part du chef, une allure agonistique très marquée. Elle est essentiellement usuraire et somptuaire, et l'on assiste avant tout à une lutte des nobles pour assurer entre eux une hiérarchie dont, ultérieurement, profite leur clan. » (M. Mauss, op. cité )

IV - Le sens du potlatch : dilapidation et lutte pour le prestige (Prolongement)

Comment comprendre le potlatch, l'échange dans les sociétés primitives? Dans le don, dans la prestation totale, dans le potlatch, l'individu - ou plutôt la collectivité - dilapide des richesses et les brûle ; il les anéantit. En dépensant dans la gloire, en donnant des fêtes, n'est-ce pas le plus grand pouvoir et le plus grand prestige que conquiert le clan? Ici, l'économie n'est pas un processus de thésaurisation et d'épargne, mais de dépense et de générosité. Or, la dilapidation et la destruction des choses (si éloignées de la production et reproduction capitalistes des biens), ne confèrent-elles pas, finalement, le plus grand prestige? «La meilleure preuve du caractère supra-économique de ces échanges est que, dans les potlachs, on n'hésite pas à détruire parfois des valeurs considérables en brisant et en jetant à la mer un « cuivre», et qu'un plus grand prestige résulte de l'anéantissement de la richesse que de sa distribution, pourtant libérale, mais qui suppose toujours un retour. » (C. Lévi-Strauss, "Les Structures élémentaires de la parenté", PUF, 1949)

V - L'échange des femmes

Claude Lévi-Strauss a replacé, à juste titre, les échanges matrimoniaux dans le système global de communication et de don des sociétés archaïques. Dans la hiérarchie des échanges, les femmes constituent, en effet, un bien important. C'est ce que montre l'étude des structures de la parenté. La prohibition de l'inceste est ici tout à fait remarquable, car elle constitue un fait universel. Or elle comporte tout d'abord un aspect négatif puisqu'elle représente une interdiction : tu ne choisiras pas n'importe quelle femme, par exemple telle cousine. Le lien sexuel avec certains parents est rigoureusement interdit et prohibé. Ainsi se régule la cohésion du groupe, à travers un ensemble de règles et d'interdits. Mais l'interdit est aussi une règle d'échange et de circulation, de communication et de don. La stipulation négative de la prohibition a une contrepartie positive, l'échange des femmes. Si l'interdiction défend, en même temps elle ordonne : la prohibition de l'inceste est, en effet, une règle de réciprocité. La femme refusée est, par cela même, offerte à d'autres, prise dans le grand flux de la circulation et du don. C'est par le don des femmes que se fait le passage de la nature à la culture. «Le phénomène fondamental, qui résulte de la prohibition de l'inceste est (le suivant) : c'est qu'à partir du moment où je m'interdis l'usage d'une femme, qui devient ainsi disponible pour un autre homme, il y a, quelque part, un homme qui renonce à une femme qui devient, de ce fait, disponible pour moi. Le contenu de la prohibition n'est pas épuisé dans le fait de la prohibition; celle-ci n'est instaurée que pour garantir et fonder, directement ou indirectement, un échange. » (C. Lévi-Strauss, op. cité) Ainsi, ces règles de mariage sont des règles d'échange : ce sont des «transactions entre hommes, à propos de femmes». Dans les sociétés primitives, les femmes sont données, comme sont offerts et donnés les objets.

VI - Les échanges économiques

Valeur d'usage et valeur d'échange

Les échanges de femmes s'intègrent ainsi dans le système du don réciproque. Bien entendu, cet échange matrimonial - tout comme le potlatch - possède un caractère supra-économique. Donner une femme, faire un don, prend place dans le grand circuit de la générosité générale. On donne (ou l'on gaspille) pour acquérir du pouvoir ou du prestige. Nos sociétés «évoluées» n'ignorent pas ce type d'échange, comme le montre le mécénat moderne, et même quand nous «rendons» un repas, nous fonctionnons de la même façon que les sociétés dites «primitives». Mais nos sociétés connaissent aussi les échanges proprement économiques : ce sont des transactions commerciales s'effectuant soit directement (troc), soit par l'intermédiaire de la monnaie. Ces échanges et transactions supposent la distinction de la valeur d'usage et de la valeur d'échange. Quand je considère seulement l'utilité ou l'agrément d'un produit, j'envisage ainsi sa valeur d'usage. Alors, il ne donne pas lieu à un échange avec un autre produit. Par contre, si l'objet est échangé contre un autre produit, sa valeur d'échange est mise en jeu. Aristote avait bien établi cette distinction dans la Politique. « Chacune des choses que nous possédons a deux usages, dont aucun ne répugne à sa nature, mais, pourtant, l'un est propre et conforme à sa destination, l'autre est détourné à quelque autre fin. Par exemple, l'usage propre d'un soulier est de chausser; on peut aussi le vendre ou l'échanger pour se procurer de l'argent ou du pain, ou quelque autre chose, et cela sans qu'il change de nature; mais tel n'est pas là son usage propre, n'ayant pas été inventé pour le commerce. Il en va de même des autres choses que nous possédons. La nature ne les a point faites pour être échangées; mais les hommes en ayant les uns plus, les autres moins qu'il ne leur faut, ce hasard en a amené l'échange. » (Aristote, "Politique")

VII - Les échanges économiques : troc et monnaie

L'échange en nature est le troc. On échange alors directement un objet contre un autre, sans aucune médiation : par exemple une paire de sabots contre un sac de pommes de terre. Mais l'échange peut se faire aussi par l'intermédiaire de la monnaie. inventée pour les besoins du commerce, et qui, en retour, le modifie profondément en facilitant les échanges. Monnaie et argent sont, en effet, des équivalents abstraits. Aristote, ici encore, a été un remarquable économiste, qui a bien mis en lumière le rôle de la monnaie et de l'argent: «On convint donc de se donner et de recevoir réciproquement en échange quelque autre chose qui, outre sa valeur intrinsèque, eût la commodité d'être plus maniable et d'un transport plus facile, telle que du métal, soit du fer, soit de l'argent, soit tout autre, qu'on détermina d'abord par son volume et par son poids, et qu'ensuite on marqua d'un signe distinctif de sa valeur. » (Aristote, "Politique")

VIII - L'argent, moyen d'échange universel : son pouvoir (ORIGINE ET FONCTION DE L'ARGENT)

L'argent désigne, en définitive, toute monnaie, quelle qu'elle soit, toutes les formes de la monnaie. Notons, avec Marx, qu'il est un équivalent général, un moyen d'échange universel. La marchandise s'échange contre ce moyen d'échange universel. Ce moyen d'échange universel possède, comme l'a montré Marx dans les "Manuscrits de 1844", le plus grand pouvoir, dans la mesure où il est un échangeur universel, un médiateur entre les objets et l'homme. L'argent, lien de tous les liens, est un véritable démiurge: «L'argent en possédant la qualité de tout acheter, en possédant la qualité de s'approprier tous les objets, est donc l'objet comme possession éminente. L'universalité de sa qualité est la toute-puissance de son essence. Il passe donc pour tout-puissant... L'argent est l'entremetteur entre le besoin et l'objet, entre la vie et le moyen de subsistance de l'homme. » (Marx, "Manuscrits de 1844")

Conclusion

Ainsi, nous avons dégagé deux types d'échanges : les échanges des sociétés archaïques, où l'on brûle et dilapide les biens, les échanges proprement économiques de nos sociétés, où il s'agit de thésauriser et d'accumuler, où l'argent est roi parce qu'il possède la qualité de tout acheter. À l'accumulation des sociétés modernes, s'oppose donc profondément la dilapidation des sociétés archaïques.

SUJETS DE BACCALAURÉAT

- La notion d'échange n'a-t-elle de sens qu'économique ? - En quel sens les échanges économiques sont-ils des faits de communication ? - Peut-on tout échanger? - Les relations entre les hommes peuvent-elles toutes être interprétées en terme d'échange? - Comment concevoir les rapports entre les échanges économiques et l'ensemble de la vie sociale ? - Le don peut-il être gratuit, ou n'est-il qu'une forme de l'échange ? - La morale a-t-elle sa place dans les rapports économiques?

L'accumulation des richesses produites par le travail, c'est-à-dire la constitution d'un capital, pose le problème de la circulation de ces richesses qui est essentiellement le problème des échanges.

I. LES FORMES DES ÉCHANGES

- A - La circulation des richesses. Les richesses peuvent changer de main soit librement soit sous l'effet d'une contrainte et leur transmission peut être gratuite ou désintéressée. Ces distinctions amenaient Auguste Comte à définir quatre modes généraux de la circulation des richesses qu'il classait ainsi, en tenant compte de leur dignité et de leur efficacité décroissantes et de l'ordre historique de leur apparition : le don, l'échange, l'héritage, la conquête. Ce dernier mode ne pose guère de problème, personne n'osant soutenir sa légitimité.

- B - Du don à l'échange. Marcel Mauss a bien montré, dans son "Essai sur le don" (1923), que le don était la forme première de l'échange. Les «systèmes de prestation totale» qu'il a décrits chez les Indiens de l'Amérique du nord-ouest, et notamment le « potlach », sont en effet de véritables circuits commerciaux d'où sont absentes les notions modernes d'intérêt et de valeur d'échange : les groupes échangent entre eux des biens très divers (richesses, festins, femmes, enfants, etc. ) mais non sur une base d'égalité, chaque groupe ayant au contraire le souci de donner ou de rendre plus que l'autre, afin d'accroître son prestige.

- C- Le problème de l'héritage. L'héritage, qui est une forme de don (cf. la notion de «dot ») a toujours joué, de son côté, un rôle essentiel dans la circulation et l'accumulation des richesses. Il est clair, sans doute, que la transmission héréditaire des richesses, notamment des instruments de production, est source d'injustices sociales; mais, comme le remarquait Comte, «on ne produit des trésors quelconques qu'afin de les transmettre». Les problèmes économiques, psychologiques et moraux sont ici étroitement mêlés.

II. ÉCHANGES ET SOCIÉTÉ

- A - L'échange et le mariage. Il ressortait déjà des travaux de Mauss que l'échange n'est pas un processus strictement économique, mais qu'il est essentiellement social. C'est ainsi que Lévi-Strauss a montré que le mariage est la forme principale d'un ensemble de phénomènes d'échanges dont est faite la vie sociale. Les différentes règles du mariage « représentent toutes autant de façons d'assurer la circulation des femmes au sein du groupe social » ("Structures élémentaires de la parenté"); la règle de la prohibition de l'inceste, par exemple, exprime «le passage du fait naturel de la consanguinité au fait culturel de l'alliance».

- B - L'échange et la monnaie. L'échange monétaire, qui est l'échange proprement dit. est lui aussi un phénomène social et ne dérive pas du troc. La monnaie, en effet, n'est pas une marchandise : elle est constituée, à l'origine, d'objets qui ont valeur de symboles, qui sont des ornements sans utilité pratique (coquillages, perles, bracelets, etc. ). L'or lui-même «ne sert à rien que de pouvoir obtenir de quoi servir à tout», selon l'expression de Simiand, c'est-à-dire que sa valeur repose sur «une croyance et une foi sociale». En ce sens, toute monnaie est fiduciaire, c'est-à-dire qu'elle repose sur la confiance, qui est un phénomène social.

- C - La loi des marchés. Les sociologues ont beaucoup insisté sur l'institution très répandue de la «paix des marchés», les échanges proprement économiques n'étant possibles que s'ils ont lieu en un endroit où une libre discussion peut s'établir entre vendeurs et acheteurs, libre c'est-à-dire sans menace de force. Aussi peut-on dire avec Alain que «les modèles de la paix, de la justice et du droit sont dans ces heureux échanges, si communs et si peu remarqués, d'où le vendeur et l'acheteur s'en reviennent contents l'un de l'autre».

CONCLUSION La vie sociale est faite d'échanges (échange de biens, échange de politesse, échanges d'idées, etc. ) et ce n'est pas par hasard que, dans les cités antiques, l'agora ou le forum, où se tenaient les marchés, était le centre de la vie publique.

Ça peut servir

Littérature : H. Balzac, Le Père Goriot ; E. Zola, Au bonheur des dames, L’Argent; Maupassant, Les Nouvelles ; Molière, L’Avare.

Peinture : La peinture flamande représentant les activités liées au commerce et à la banque (Le Peseur d'Or, etc.)

Cinéma : J. Rouffio, Le Sucre ; M. L’Herbier, L 'Argent ; L. Comencini, L'argent de la vieille, (1972); C. de Challonges, L'argent des autres (1978); F. Capra, La vie est belle.

Indications de lecture

A. Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations. M. Mauss, Essai sur le don.

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