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Les Chants de Maldoror de LAUTRÉAMONT

Les Chants de Maldoror de LAUTRÉAMONT, 1869, Classiques Hachette.
• Ces chants en prose sont la proclamation agressive et hyperbolique d’une révolte absolue : Ma poésie ne consistera qu’à attaquer, par tous les moyens, l'homme, cette bête, et le Créateur, qui n 'aurait pas dû engendrer une pareille vermine. Blasphèmes et injures à l'adresse de Dieu et de l'homme s'accompagnent de la célébration non dépourvue d'humour de tout ce qui est hors de la mesure humaine, en particulier des formes étranges, violentes et cruelles de la vie animale : le crabe, l’araignée, le pou, le poulpe, l’aigle, le requin occupent une place de choix dans un bestiaire de cent quatre-vingt-cinq animaux décrits avec une complaisance provocante pour le fantastique et le monstrueux.
• Ces longs délires calculés, où se mêlent la grandiloquence et la crudité, comportent une forte part de rhétorique qui rappelle les exercices du romantisme satanique : Naturellement, j’ai un peu exagéré le diapason pour faire du nouveau dans le sens de cette littérature sublime [...] (Lettre). Mais ils offrent aussi une richesse et une puissance dans l’invention verbale qui en font un phénomène littéraire hors série. Passés inaperçus au moment de leur publication, ils ont été célébrés par les surréalistes comme une œuvre maîtresse de la poésie visionnaire (Manifestes du surréalisme).


Lautréamont (1846- 1870)

Les Chants de Maldoror, œuvre exaltée et violemment contestataire d'un poète dont la vie et la mort demeurent énigmatiques, annoncent le surréalisme.

Une vie mystérieuse

La vie d'Isidore Ducasse reste en grande partie enrobée de mystère. Fils d'un instituteur émigré en Amérique latine, il naquit à Montevideo et fit ses études en France, d'abord à Tarbes(1859),puis à Pau (1863), sans que l'on sache s'il s'est présenté au baccalauréat. En 1867, il était à Paris, où parut anonymement, l'année suivante, le Chant premier (de Maldoror). En 1869, Les Chants de Maldoror, par le comte de Lautréamont (pseudonyme adopté par Ducasse), furent imprimés à Bruxelles sans être distribués en France. Les Poésies furent publiées partiellement en 1870, quelques mois avant la mort inexpliquée de Lautréamont, dans une chambre d'hôtel.

Le satanisme

Les écrits de Lautréamont sont restés totalement ignorés jusqu'à ce que les surréalistes les mettent en lumière. Breton voyait dans Les Chants de Maldoror" l'expression d'une révélation totale qui semble excéder les possibilités humaines". L'œuvre comporte six chants, en prose, divisés en plusieurs parties ou strophes de longueur inégale, généralement sans lien apparent. Tantôt narrative, tantôt descriptive, elle fait alterner l'invocation, le délire blasphématoire, la dérision, la parodie, selon une technique comparable au collage. Maldoror, le héros, se confond avec l'auteur; le "je" et le "il" se succèdent continuellement. A la fois homme, dialoguant avec les humains, et esprit démoniaque s'opposant au Tout-Puissant, Maldoror/Lautréamont se fait le chantre du Mal, dans la tradition du romantisme satanique telle qu'elle a été illustrée par des auteurs "frénétiques" tels que Petrus Borel, et dont Les Chants de Maldoror constituent l'ultime éclat et la plus magistrale réussite. L'écriture semble jaillir et couler spontanément : on a comparé le style des Chants à une coulée volcanique; les surréalistes y ont vu une rupture radicale dans la littérature, un recommencement. Les Poèmes, que leur auteur qualifiait de "prosaïques morceaux", sont une suite de fragments en prose, généralement en forme de maximes, où Lautréamont semble renier ses opinions antérieures. Leur interprétation a suscité maintes controverses.

Citation

"J'ai reçu la vie comme une blessure, et j'ai défendu au suicide de guérir la cicatrice. Je veux que le Créateur en contemple, à chaque heure de son éternité, la crevasse béante."
Lautréamont