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Les apports des mathématiques à la pensée

Que l’esprit soit chez lui en mathématiques ne veut pas dire qu’il n’est chez lui que là, ni qu’il est là en repos. Le développement des mathématiques est fait de crises, de remaniements, de problèmes et de solutions inattendus comme peuvent être inattendues les applications scientifiques de spéculations d’abord «gratuites» et déroutantes. La géométrie non-euclidienne de Riemann, qui paraissait si éloignée du «réel», trouva une application imprévue dans la physique de la relativité ; « les Grecs étudièrent l’ellipse deux mille ans avant que Kepler n’en découvrit la première application importante: les lois du mouvement des planètes» (J. Leray, in "Logique et connaissance scientifique", dir. Piaget, Pléiade, p. 465). S’il ignorait la réalité des mathématiques et celle des champs où elles s’exercent avec une fécondité que confirment encore les techniques contemporaines, le philosophe pourrait gravement méconnaître l’intelligence qui s’y manifeste, intelligence qu’il ne faudrait pas réduire par ignorance à des formes peut-être périmées.

C’est en tout cas en ce sens que Bachelard nous invite à réfléchir : « L’arithmétique n’est pas plus que la géométrie une promotion naturelle d’une raison immuable. L’arithmétique n’est pas fondée sur la raison. C’est la doctrine de la raison qui est fondée sur l’arithmétique élémentaire. Avant de savoir compter, je ne savais pas ce qu’était la raison. […] Or, les variations du raisonnement sont maintenant nombreuses dans les sciences géométriques et physiques ; elles sont toutes solidaires d’une dialectique des principes de la raison […], Il faut en accepter la leçon » ("La Philosophie du non", PUF). Cette leçon, c’est que « la doctrine traditionnelle d’une raison absolue et immuable n’est qu’une philosophie. C’est une philosophie périmée » (ibid.).

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