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LEMONNIER Antoine Louis Camille

LEMONNIER Antoine Louis Camille. Écrivain belge d’expression française. Né à Ixelles, faubourg de Bruxelles, le 24 mars 1844, mort à Bruxelles le 13 juin 1913. Il fit des études juridiques, obtint dans une administration un emploi qu’il résilia après trois ans d’exercice, puis se retira à Namur. La vie provinciale et champêtre, interrompue toutefois par de multiples et longs séjours à Bruxelles et Paris, lui permit de conserver ce contact intime avec la nature qui fait le fond même de toute son œuvre. U débuta par la critique d’art, et se révéla dès ses premiers écrits en possession d’un style d’une force et d’une exubérance peu communes, ce qui le désigna à l’opinion comme un des jeunes espoirs de la renaissance littéraire belge, dont avec ses amis E. Demolder, G. Eekhoud, H. Krains et G. Rodenbach, il fut un des meilleurs promoteurs. En 1869, il publia un premier roman, Nos Flamands, série de scènes du terroir, puis, en 1870, Paris-Berlin, un pamphlet pro-français qui eut beaucoup de succès. En 1879 il revint au roman avec Un coin de village, où il affirme ses qualités de fraîcheur et de description de la vie paysanne. Mais, il faut attendre Un mâle , publié d’abord en feuilleton dans la revue Europe qui paraissait à Bruxelles, puis, en 1881, en volume, pour que Lemonnier atteigne le rang de grand romancier. Le livre enthousiasma Flaubert et consacra la gloire de l’auteur. D’autre part, le refus que les juges opposèrent à son admission au prix quinquennal de littérature fut à l’origine d’un banquet offert le 27 mai 1883 à Lemonnier, qui passa dès lors pour le chef de l’école naturaliste en Belgique. Durant une dizaine d’années les œuvres de Lemonnier furent alors dominées par les mêmes préoccupations d’expression des besoins vitaux de l’homme dans la fécondité, la lutte, l’effort et la violence. Le Mort (1882) est un chef-d’œuvre dans la représentation de la terreur qui envahit progressivement la conscience de deux assassins; ce roman fut d’ailleurs adapté pour le théâtre en 1899. Parmi les œuvres de caractère fortement naturaliste, citons encore Sedan (1871), rééditée en 1881 sous le titre Les Charniers ; Les Concubins (1885); L’Hystérique (1885); Happe-chair (1886), nettement influencé par le Germinal de Zola; La Fin des bourgeois (1892). Cependant ce n’était pas sans difficultés que Lemonnier parvenait à s’imposer à l’opinion; en 1888 il fut poursuivi à Paris, et finalement condamné pour un article qu’il avait publié dans le Gil Blas. Par contre, il fut acquitté à Bruxelles lors d’une autre inculpation, ainsi qu’à Bruges où il avait été assigné après la publication de L’Homme en amour (1897). Vers les années 1900, un tournant s’opère dans l’orientation littéraire de Lemonnier. Après avoir publié Les Deux Consciences (1902), qui retracent d’ailleurs le procès de Bruges et où il se dépeint lui-même sous les traits de l’écrivain Wildman, il tentera de trouver dans le retour à la nature un moyen de salut pour la communauté. Il atteint alors à une vision plus détachée et plus lyrique des choses avec Comme va le ruisseau (1903), Le Droit au bonheur (1904). Parallèlement il continue et approfondit son œuvre de critique d’art par ses études sur les peintures de la Pinacothèque de Munich et sur la peinture belge, après avoir publié un remarquable Gustave Courbet et ses œuvres (1870). Lemonnier, qui vint à la littérature alors que les lettres belges manquaient de style, sut, par sa prose magnifique et sonore, par la force de ses idées, par son « tour de main panthéiste » (Drieu La Rochelle), réanimer les sources de la tradition flamande. ♦ « Camille Lemonnier est peut-être, de tous les écrivains vivants, celui qui connaît le mieux la valeur et la vertu secrète des mots, innombrables comme les vagues de la mer... Il est, au royaume du verbe, le berger qui mène le troupeau le plus vaste, le plus divers, le plus docile et le plus magnifique. » Maurice Maeterlinck.