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LEMAIRE DES BELGES Jean

LEMAIRE DES BELGES Jean. Poète et prosateur français. Né en 1473 à Bavai qui s’appelait autrefois Belges. Il fît ses premières études à Valenciennes auprès de Jean Molinet, son parent éloigné, puis, ayant reçu la tonsure, s’inscrivit à l’Université de Paris. Sa dignité de clerc, sa vocation d’écrivain l’obligeaient à rechercher des protecteurs. En 1498, Jean Lemaire a commencé sa carrière, il est clerc des finances dans la maison de Pierre de Beaujeu, duc de Bourbon, et restera au service de celui-ci jusqu’à sa mort survenue en 1503. A l’occasion de cet événement, il donne sa première œuvre d’importance, Le Temple d’Honneur et de Vertu, qui se ressent de l’imitation de son maître, Molinet. L’œuvre était dédiée à Anne de Bretagne, reine de France. Mais c’est auprès de Marguerite d’Autriche, fille de l’empereur Maximilien et duchesse de Savoie que Lemaire se tourna pour solliciter aide et secours. Dès 1504, un nouveau deuil princier, la mort du mari de sa protectrice, Philibert de Savoie, lui dicta une de ses plus longues et plus achevées « déplorations », genre où il excella particulièrement, la Couronne margaritique. La récompense ne tarda pas, il fut nommé « indiciaire » et historiographe de Philippe le Beau, frère de Marguerite. En 1505, c’est encore une mort qui sert de prétexte à une œuvre nouvelle, dédiée à Marguerite d’Autriche, mais cette fois c’est de la perte du perroquet chéri de cette princesse qu’il est question dans les deux Epîtres de l’amant vert. L’année suivante, le poète faisait partie de la suite de la duchesse de Savoie lorsqu’elle se rendit à Rome. En 1507, Lemaire perd à nouveau un de ses protecteurs, Philippe le Beau et c’est une nouvelle déploration, Les Regrets de la Dame infortunée sur le trépas de son très cher frère unique, suivi d’un petit Traité des pompes funèbres antiques et modernes, composés pour les funérailles du prince. A partir de 1507, Lemaire commence une nouvelle carrière, celle d’historien. L’argument de l’œuvre qui marque ses débuts lui fut fourni par un incident à vrai dire assez mince, une bagarre entre artisans du Namurois et gens de guerre du comte de Gueldre dont les Chansons de Namur font un événement épique. A dire vrai, les événements contemporains n’offraient pas à son inspiration un tremplin suffisant et si le protégé de Marguerite de Savoie rédige une consciencieuse Chronique annale qui relate le voyage de sa maîtresse dans les Pays-Bas, s’il prépare, même, semble-t-il, une chronique plus vaste qui eût compris les événements des années 1501 à 1509, il demeure en chemin. Une seconde visite à Rome lui révèle la voie qu’il doit emprunter, car, s’il en ramène un écrit polémique de circonstance, la Légende des Vénitiens, il rapporte surtout le premier livre des Illustrations de Gaule et singularités de Troie , connu d’abord sous le titre, Trois Livres des illustrations de la Gaule Belgique, son œuvre majeure, vaste fresque historique et mythique dont l’influence devait se prolonger fort tard en France et servir à Ronsard lorsqu’il composera la Franciade . L’œuvre, d’ailleurs, immense, ne fut jamais achevée et l’auteur n’alla pas au-delà du règne de Pépin le Bref. Les dédicacés des livres successifs nous renseignent curieusement sur les manœuvres du personnage pour se faire bien voir de la cour de France; c’est ainsi que s’il offre le premier à Marguerite de Savoie, il place sous le nom de Claude de France et de la reine Anne les livres II et III. Puis, pour appuyer la lutte du pouvoir royal contre la papauté, il publie en 1511 un Traité de la différence des schismes et des conciles de l’Eglise et de la prééminence et utilité des conciles de la Sainte Église gallicane, où il donne les conciles comme seuls garants de l’unité de l’Eglise. Enfin, en 1512, Jean Lemaire des Belges touchait au but qu’il s’était proposé d’atteindre. Il quittait le service de la cour de Savoie et devenait historiographe d’Anne, duchesse de Bretagne et reine de France. Une maladie de cette princesse lui donne l’occasion de faire sa cour, il écrit les Couplets de la valitude et de la convalescence de la reine. Puis viennent deux œuvres d’importance, le Traité de la concorde des deux langues, qui annonce dans un cadre médiéval d’allégories les travaux des humanistes de la Renaissance et les Contes d’Atropos et de Cupidon qui, sous une affabulation mythologique assez banale, présentent quelques vues psychologiques qui ne manquent pas de profondeur. On ne sait ni où ni quand est mort Lemaire des Belges. On perd sa trace après 1515. Il semble qu’il soit mort avant son maître Molinet, c'est-à-dire, avant 1525. Il serait fort injuste de mettre Lemaire des Belges au nombre des grands rhétoriqueurs. S’il use et abuse comme eux de procédés poétiques seulement ingénieux, s’il est un poète de cour, souvent d une belle éloquence et d’un grand charme lyrique, sa vraie vocation est celle d’historien et de précurseur de l’humanisme. Il puise à la bonne tradition de l’Antiquité et annonce des œuvres auxquelles lui reste le mérite d’avoir ouvert la voie.


♦ « Il y a du Ronsard dans Lemaire, du chercheur et ouvrier de rythmes inconnus et nouveaux. Aussi les hommes de la Pléiade Vont aimé et le citent avec complaisance. Il est bien l'homme de transition entre le XVe et le XVIe siècle. » É. Faguet.