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L’Éducation sentimentale de Gustave FLAUBERT

L’Éducation sentimentale de Gustave FLAUBERT, 1869, Le Livre de poche.

• Entre 1843 et 1845, Flaubert avait écrit sous ce titre l’histoire de deux amis, Henry et Jules, depuis les rêves de leur adolescence jusqu’aux choix de leur maturité. On reconnaît aisément Flaubert sous les traits de Jules qui, après une déception amoureuse, se réfugie dans l’art comme dans une religion. Ce livre qu’il n’a jamais voulu publier était la transposition d’une expérience douloureuse qui l’a marqué pour la vie : la rencontre à quinze ans, à Trouville, de Mme Élisa Schlésinger.

• Le souvenir de Mme Schlésinger est encore présent dans L’Éducation sentimentale de 1869, mais le canevas du roman est nouveau, et le sujet s’est élargi : Je veux faire l’histoire morale des hommes de ma génération : « sentimentale» serait plus vrai. C’est un livre d’amour, de passion; mais de passion telle qu’elle peut exister maintenant, c'est-à-dire inactive (Lettre du 6 octobre 1864). Le livre est construit autour de la destinée de Frédéric Moreau, un jeune provincial qui arrive de Nogent-sur-Seine à Paris en 1840, pour faire son droit, avec des ambitions mondaines, littéraires et politiques vagues. Roman d’amour, le livre peint la passion dont Frédéric s’enflamme pour Mme Arnoux, femme d'un éditeur d’art hâbleur, jouisseur et prodigue dont il devient l’ami. Arnoux l’initie à la vie légère des boulevards et l’introduit chez sa maîtresse, Rosanette, dite la Maréchale, une lorette qui mène grand train grâce à divers protecteurs. Frédéric en devient le familier, mais la pensée de Mme Arnoux le protège de ce genre d’amours, comme elle l’empêche d’épouser Louise, la fille du père Roque, un riche voisin de Nogent, qui l’aime follement. Sa passion muette pour Mme Arnoux est faite de rêves, d’attente et de soumission, car Frédéric est un faible, et Mme Arnoux est résignée aux déceptions de l’existence. Elle finit cependant par lui avouer son amour et accepter un rendez-vous dont Frédéric espère beaucoup; mais elle n'y vient pas, retenue par son fils, brutalement atteint du croup. Poussé par le dépit, Frédéric se tourne vers Rosanette avec qui il s'affiche publiquement. Il est attiré aussi par la riche Mme Dambreuse dont il fréquente volontiers le salon et dont il finit par devenir l’amant. À la mort de son mari, elle lui propose de l’épouser, mais quand elle veut piétiner le souvenir de Mme Arnoux, Frédéric s’éloigne. Histoire morale d’une génération, le livre met en scène autour de Frédéric un groupe de jeunes gens qui cherchent leur voie dans les dernières années du règne de Louis-Philippe. Les uns aspirent à la chute du régime : Deslauriers, ami de collège de Frédéric, avocat besogneux; Sénécal, qui se prend pour Saint-Just; Dussardier, commis de boutique généreux; Pellerin, peintre médiocre. D’autres ne songent qu’à réussir : Hussonnet, petit journaliste sans scrupules; Martinon, fils de paysans, coureur de dot; ils sont prêts à se rallier à tout pouvoir qui leur fera une place. La Révolution de 1848, puis le coup d’État du 2 décembre mettent en lumière leurs faiblesses de caractère comme celles de toute la société française. L’échec de Frédéric coïncide avec celui de la République. Le seul fait qui marque pour lui les années suivantes semble être la visite que lui rend Mme Arnoux en 1867 pour l’amer plaisir de lui dire : N'importe, nous nous serons bien aimés. Frédéric et Deslauriers constatent eux-mêmes qu’ils ont manqué leur vie : Puis, ils accusèrent le hasard, les circonstances, l’époque où ils étaient nés.

• La parenté morale de Frédéric avec Mme Bovary est évidente, mais autour du héros est dépeint un monde plus touffu et plus complet, ce qui fait de ce roman un remarquable document d'histoire. Par sa technique sobre, qui, en 1869, a déconcerté les lecteurs habitués à Balzac, Flaubert anticipe sur révolution du roman moderne.

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