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L’Écume des jours de Boris VIAN

L’Écume des jours de Boris VIAN, 1947, 10/18.
• C’est une œuvre de fantaisie où l’invention verbale est conduite avec virtuosité au fil d’un canevas romanesque.
• Un jeune homme riche, Colin, pourvu d’un coffre plein de doublezons, d’un appartement moderne et confortable, d’un cuisinier, Nicolas, et d’un pianocktail qui compose des cocktails quand on y joue des airs de jazz, envie son ami Chick qui est pauvre mais aimé de la jolie Alise. Il rencontre à son tour celle qu’il cherchait, Chloé, l’épouse et part en voyage avec elle et ses amis. Chloé prend froid et tombe malade : un nénuphar lui pousse dans le poumon. Malgré les soins qui lui sont prodigués, elle dépérit inexorablement. L’appartement se dégrade et rétrécit. Colin a bientôt épuisé ses doublezons et doit travailler, tout comme Chick qui engloutit tous les siens dans l’achat des manuscrits et des reliques de Jean-Sol Partre (Jean-Paul Sartre). Le malheur se referme sur eux. Chick meurt en tentant de s’opposer à la saisie de ses collections par les huissiers du fisc, tandis qu’Alise assassine Jean-Sol Partre et incendie les librairies. Colin, devenu annonceur public de malheurs, lit un jour le sien sur la liste : il perd Chloé, a grand-peine à payer son enterrement et finira sans doute par aller se noyer. C’est du moins ce que prévoit la souris familière de l’appartement, qui, pour ne pas voir ça, demande au chat de l’aider à mourir.
• Passé inaperçu à sa publication, ce récit a conquis, après la mort de Boris Vian, la faveur d’un large public sensible à la liberté de l’auteur, à ses jeux de mots, à ses inventions, qui confinent souvent au canular, à sa révolte contre la société moderne et contre la mort, à sa façon de mêler le burlesque et l’émotion.



Boris Vian (1920 - 1959)

Romancier, dramaturge, compositeur, chanteur, comédien, l'ingénieur de Centrale Boris Vian fut aussi journaliste, inventeur, ébéniste et peintre. En raison de ses multiples activités, révélatrices de la richesse de sa nature, il ne fut, aux y eux— aveugles — de certains, qu'un aimable touche-à-tout. De nos jours, L'Ecume des Jours (1947), son chef-d'œuvre, est devenu un classique de la littérature.

A Saint-Germain-des-Prés.

Après de brillantes études, Boris Vian passa par l'AFNOR, puis entra à l'office du papier, où l'un de ses projets, d'où devait résulter une économie d'énergie dans la fabrication de la pâte à papier, essuya un refus. Il n'en fallut pas plus pour le détourner à jamais de sa carrière d'ingénieur. Dès lors, la vie de Boris Vian resta liée à l'histoire de Saint-Germain-des-Prés. Mystificateur de génie, il publia plusieurs romans sous le nom de Vernon Sullivan, obscur auteur de polars américains dont il se fit passer pour le traducteur. L'un de ces ouvrages, J'irai cracher sur vos Tombes, obtint un succès extraordinaire et lui valut un procès pour "pornographie". Mais il se consacra aussi à la musique. Critique kJazz-Hot, il joua de la "trompinette" dans l'orchestre de Claude Abadie, au Tabou, qui était alors fréquenté par Camus, Queneau, Tristan Tzara et les "existentialistes" tels que Merleau-Ponty et Sartre.

La littérature.

Mais le "jeune homme à la trompette" (c'est le titre d'un livre de Dorothy Baker qu'il a lui-même traduit) se fatigua vite de cet exercice. Il se tourna alors vers la littérature et, cette fois sous son nom, donna coup sur coup trois romans : Vercoquin et le Plancton (1946), L'Ecume des Jours et Un Automne à Pékin (1947). Il se passionna aussi pour le théâtre : Le Goûter des Généraux (1950), Les Bâtisseurs d'Empire (1951). Rien n'arrêta cet artiste aux multiples talents, qui subjugua ses amis par son incroyable énergie et son rythme de vie démentiel. Mais celui en qui certains de ses contemporains ne voyaient qu'un faiseur d'entourloupes fut un homme dont l'apparente frivolité masquait une terrible certitude : il lui fallait vivre à cent à l'heure, car le temps lui était compté. Il savait que son cœur fragile le lâcherait avant qu'il n'atteigne ses quarante ans. De fait, c'est à trente-neuf ans, le 23 juin 1959, qu'il mourut d'un infarctus du myocarde.

Repères chronologiques

1938 : Sartre, La Nausée; Cocteau, Les Enfants terribles -1944 : Camus, Le Malentendu - 1951 : Malraux, Les Voix du Silence - 1952 : Ionesco, Les Chaises -1953 : Beckett, En attendant Godot.
L'Écume des jours de BORIS VIAN

Ingénieur issu de Centrale, Boris Vian (1920-1959) se fait connaître après la guerre. Il joue du jazz dans les caves, s'engage auprès de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir2 dans les cénacles de Saint-Germain-des-Prés ou règne l'existentialisme, fait scandale avec J'irai cracher sur vos tombes. Trompettiste, chansonnier, poète, romancier, ses dons multiples mettent à l'épreuve une santé fragile. II meurt prématurément.

1946, J'irai cracher sur vos tombes
1947, L'Automne à Pékin.
1950, L'Herbe rouge.
1947, L'Écume des jours.
1953, L'Arrache-Coeur.

« Colin reposa le peigne et, s'armant d'un coupe-ongle, tailla en biseau les coins de ses paupières mates, pour donner du mystère à son regard » (p. 7) : ainsi, par l'irruption du bizarre, nous est présenté ce jeune homme oisif, raffiné, qui est presque toujours de bonne humeur et dort le reste du temps. Il passe ses journées avec son ami Chick, passionné des oeuvres de Jean-Sol Partre. Mais il s'ennuie et voudrait être amoureux. C'est alors qu'il rencontre Chloé. Une petite souris grise à moustaches noires est le témoin de leur idylle, le fétiche qui les accompagnera jusqu'au bout. Les voilà mariés. Un nénuphar pousse dans le poumon droit de Chloé. A mesure qu'elle dépérit, les dimensions de la chambre où elle repose diminuent et la petite souris elle-même reste sans force. Les fleurs que Colin prodigue autour de Chloé lui font du bien, mais elles meurent vite, et Colin doit travailler pour acheter ces remèdes embaumés. Il s'engage dans une serre où poussent des canons de fusils. Alise, l'amie de Chick, tue Jean-Sol Partre d'un coup d'arrache-coeur dans un débit de boissons parce qu'elle ne veut plus que Chick dépense tout son argent en éditions originales de son auteur favori, et elle incendie les librairies. Chick est tué au cours d'une perquisition. Chloé meurt tandis que l'appartement se dégrade de plus en plus et que le plafond rejoint le plancher'. Devant le chagrin de Colin, la petite souris préfère se suicider entre les canines acérées d'un chat.
• L'écume des jours: « A l'endroit où les fleuves se jettent dans la mer, il se forme une barre difficile à franchir et de grands remous écumeux où dansent les épaves. Entre la nuit du dehors et la lumière de la lampe, les souvenirs refluaient de l'obscurité, se heurtaient à la clarté et, tantôt immergés, tantôt apparents, montraient leurs ventres blancs et leurs dos argentés » (p. 87).
• Une œuvre ambiguë : ce roman d'amour passe de l'attente au bonheur parfait, et du désarroi devant le mal à l'épilogue d'un enterrement dérisoire.
L'usine dans laquelle travaille Chick (p. 132), le job que se procure Colin (p. 140), montrent un univers où le travail est l'auxiliaire d'exploitation et de destruction de l'homme.
• Une féerie du langage : mais c'est surtout la langue qui donne à cet univers sa profonde originalité, une langue où l'imagination (le « palpeur sensitif» de viande, p. 9 ; le « pianocktail », p. 12) est servie par l'humour (l'histoire de l'anguille, p. 14).
• L'humour lui-même subit des variations. Tantôt noir (la mort du patineur, p. 20 ; l'accident du fossoyeur, p. 172), tantôt burlesque (la conférence de Jean-Sol Partre, p. 74), il ne recule pas devant le canular et la contrepèterie (« les tirages limités sur tue-mouches ou vergé Saintorix », p. 150 ; « il faut que nous vous passions à tabac de contrebande », et les « tue-fliques », (p. 159).

Cinéma : Charles Belmont, l'Écume des jours (1968).



Contexte
A la fois roman de science-fiction et poème, cette oeuvre originale de Boris Vian, émouvante et pleine de fantaisie, raconte l'une des plus belles histoires d'amour de la littérature. Mais c'est aussi une histoire triste, qui décrit un univers absurde et impitoyable, où la mort frappe sans prévenir des innocents, où il faut gagner sa vie en accomplissant des tâches épuisantes et avilissantes, où la pauvreté engendre l'humiliation et la laideur.

Principaux personnages
- Colin, jeune homme beau et riche ;
- Chloé, sa fiancée ;
- Chick, ami de Colin, grand admirateur de Jean-Sol Partre ;
- Alise, amie de Chick ;
- Nicolas, le cuisinier de Chloé ;
- Jean-Sol Partre (contrepèterie de Jean-Paul Sartre).

Résumé
Colin vit dans un univers luxueux et douillet. Il possède la coquette somme de cent mille doublezons. Il a inventé le "pianocktail", un instrument de musique qui fabrique des cocktails correspondant à l'air que l'on joue. Nicolas, son cuisinier, lui prépare de curieux festins. Mais Colin envie le bonheur de son ami Chick, qui n'a ni fortune, ni pianocktail, ni cuisinier, mais qui aime la jolie Alise et en est aimé. C'est alors que Colin rencontre Chloé. Avec leurs fiançailles, il trouve enfin le bonheur absolu. Il donne le quart de sa fortune à son ami Chick.
Mais, en roulant vers le sud pour leur voyage de noces, Colin et Chloé traversent un paysage minier lugubre. Puis Colin casse accidentellement un carreau et, le matin suivant, Chloé se réveille glacée et malade. Le médecin découvre qu'un nénuphar pousse dans ses poumons. Seul le parfum des fleurs soulage sa toux et lui permet de respirer normalement. Colin se ruine à acheter des brassées de fleurs, qui se fanent dès que Chloé les a respirées. Au fur et à mesure que la fortune de Colin baisse, son appartement rétrécit et s'assombrit. Il est obligé de se séparer de Nicolas et de reprendre un travail. Mais les fusils qu'il doit faire pousser en les couvant présentent tous un défaut : ils se terminent par une fleur d'acier. Engagé comme veilleur de nuit, il échoue encore. Son ami Chick a dépensé tout son argent dans sa passion pour Jean-Sol Partre. Alise, à bout, tue Jean-Sol Partre et met le feu aux librairies de la ville. Chick meurt alors qu'il s'oppose aux huissiers venu saisir ses livres. Colin, qui occupe finalement le poste déprimant d'annonceur de mauvaises nouvelles, voit un jour son nom figurer sur sa liste. Ruiné, il ne peut offrir à Chloé qu'un enterrement sinistre.
 
 
Eléments biographiques :
 
Boris Vian est né le 10 mars 1920 à Ville-d'Avray, près de Paris. Après avoir fait des études au lycée Condorcet et intégré l'école Centrale, il devient ingénieur. Mais atteint d'une maladie incurable du cœur, il multiplie ses activités et se tourne vers diverses expressions artistiques. Ce fut un trompettiste de talent et un passionné de jazz. Il écrivit notamment pour la revue Jazz Hot. Mais il collabora également dans la revue de Jean-Paul Sartre avec qui il se lia d'amitié, en tenant la « chronique du menteur ». Mais Vian se rendit célèbre par sa provocation à travers des chansons comme « Le déserteur » ou des ouvrages comme J'irai cracher sur vos tombes, écrit en 1946. Il eut même à affronter les tribunaux pour ce livre.
Le langage univers et la pataphysique – science des solutions imaginaires – influencèrent beaucoup Boris Vian et L'Ecume des Jours est sans doute l'un de ses romans les plus psychédéliques et les plus marqués de cette influence.
 
Personnages principaux :
 
Colin : Jeune homme riche, généreux envers ses amis. Il se sacrifie pour sa femme Chloé.
 
Chloé : Femme de Colin, elle est atteinte d'une maladie, un nénuphar, qui la tuera. Elle est courageuse et amoureuse Colin.
 
Chick : Ami de Colin, adorateur du philosophe Jean-Sol Partre à en devenir fou. Il aime Alise mais le philosophe prendra sa place dans son cœur.
 
Alise : Amoureuse de Chick, elle devient folle de jalousie lorsqu'elle est délaissée au profit de Jean-Sol Partre qu'elle tue de dépit. Elle soutient Chloé lors de son supplice.
 
Résumé :
 
           Colin, jeune homme riche et célibataire a deux amis : un cuisinier, Nicolas, et un admirateur du philosophe Jean-Sol Partre, Chick. Ce dernier, au cours d'une conférence du philosophe, gagne l'amour d'une jeune fille, Alise, nièce de Nicolas.
           Peu de temps après, Colin rencontre Chloé, sa future femme. Nicolas profite, pendant ce temps, de la vie avec son amie Isis. Colin et Chloé décident de se marier et célèbrent leur union dans la plus grande joie.
           Tout semble indiquer un bonheur durable, mais c'est sans tenir compte du nénuphar qui envahit le poumon droit de Chloé et des murs qui se rapprochent dans la maison de Colin. Simultanément, Chick délaisse Alise au profit de Partre et en vient à ne plus payer ses impôts pour acheter plus de livres de son idole.
           Peu à peu, l'autre poumon de Chloé est envahie par le nénuphar et, pour couvrir les frais médicaux, Colin est obligé de travailler. Mais Chloé ne tarde pas à succomber à sa maladie. Quant à Chick, il meurt sous les balles des policiers venus perquisitionner chez lui pour non paiement des impôts. Alise, elle, décède carbonisée dans l'une des librairies qu'elle a incendiée après avoir tué Partre. Lorsque Chloé décède, son enterrement est bâclé car Colin, ruiné ne peut payer les prêtres et la cérémonie.
 
Opinions personnelles :
 
           La magie à la fois fantastique et intrigante qui se met progressivement en place dans ce livre envoûte le lecteur et peu à peu l'enferme et l'étouffe à l'image des murs de la maisons de Colin qui se rapprochent progressivement ou du nénuphar qui envahit le poumon de Chloé. Mais la force de cet ouvrage, c'est que, loin de se sentir oppressé, le lecteur cherche à poursuivre sa lecture. Il veut aller toujours plus loin, se laisser surprendre par la beauté des airs de jazz, la folie du pianocktail, l'irrépressible amour de Colin et Chloé, de Chick pour Partre et d'Alise pour Chick. Il veut pressurer la substance même des mots de Vian jusqu'à entrer dans cet univers déluré, jusqu'à trouver la solution pataphysique qui permettra d'achever le roman, solution qui précisément renvoie aux oubliettes une fin réaliste possible. Et pourtant, c'est la mort qui survient et qui, le plus réalistement du monde, amène son lot de malheurs et d'incompréhension. C'est la mort qui vient briser tous ces couples, la mort inextricablement enchevêtré à l'amour et à la folie qui prend insensiblement le dessus, la mort enfin qui fait des personnages les avatars mêmes de la souffrance de l'auteur. C'est à travers ces quelques pistes que nous tenterons d'analyser, jamais assez exhaustivement, les multiples réflexions que nous propose cet ouvrage, sans doute l'un des plus beaux et des plus psychédéliques qu'il ait été donné d'écrire au 20ème siècle.
 
           Le jazz tout d'abord est omniprésent dans tout le livre. La passion de l'auteur pour cette musique est ici retranscrite par de multiples procédés, que ce soit l'intérêt éprouvé par les personnages eux-même ou par cet instrument fantastique qu'est le pianocktail. Composer un cocktail sur un air de musique, c'est lier le plaisir auditif au plaisir gustatif. C'est lier la beauté des notes au savant mélange de jus colorés. C'est lier enfin deux esthétiques évanescentes, l'une pour le plaisir de l'esprit, l'autre pour le plaisir du corps. Et ces liens se retrouvent au niveau sémiologique puisque Vian donne précisément à son invention un nom de son cru, un mot-valise, qui ne trahit ni l'une ni l'autre des réalités mais les associent pour en faire un nouvel objet synesthésique et fantastique.
De plus, la simple présence de Chloé rappelle la célèbre musique de Duke Ellington que Vian admirait tout particulièrement. En donnant ce nom au personnage sans doute le plus attachant parce que le plus tragique, l'auteur fait sentir l'étroite proximité qu'entretiennent les personnages à la musique, comme s'ils étaient liés à la vie à la mort. Cependant, entre la musique et l'amour d'une femme, ce dernier semble prévaloir puisque Colin vend son pianocktail pour couvrir les frais médicaux de Chloé. Symboliquement, il y a donc un choix qui est ici fait en faveur de l'amour et, ironie tragique s'il en est, c'est néanmoins la musique qui survit à l'œuvre puisque Chloé décède et est enterrée à la va-vite, alors que le roman, lorsqu'il s'achève est daté du 10 mars 1946 pour son écriture et localisé à Davenport, ville mythique du jazz.
Par ailleurs, la composition même du roman est rythmée comme un morceau de musique. Dans une première partie, les jeunes gens vivent leur vie sans problème apparent, comme pourrait débuter tranquillement un morceau pour immiscer progressivement son auditeur dans un univers particulier. Puis, dans une deuxième partie, le lecteur assiste à l'apogée des couples, leur bonheur amoureux avec notamment le mariage de Colin et Chloé. Dans un morceau de musique, ce serait le moment choisi pour le faste et l'opulence des notes et des airs. Enfin, dans une troisième partie, c'est le moment de la déchéance, la maladie de Chloé et la ruine de Colin, la mort de Chick et d'Alise,… C'est le moment où la musique revient sur elle-même après l'euphorie et cherche à s'endormir pour laisser place au silence.
           
Autre point important de cet ouvrage, leur transparence vis-à-vis de l'auteur. Si nous venons de voir que la passion pour le jazz de Boris Vian est omniprésente, il faut aussi remarquer que son amitié avec Jean-Paul Sartre est exprimée en la personne de Chick. Sa passion pour le philosophe Jean-Sol Partre – trop simple contrepèterie pour ne pas être comique – apparaît évidemment comme une illustration de l'admiration que vouait Vian au philosophe.
Sur un autre plan, la maladie incurable de l'auteur est au centre de cet ouvrage, fantastiquement retranscrit par le nénuphar de Chloé. Donner à la maladie la forme d'une fleur, d'un nénuphar qui plus est, c'est déjà chercher la sublimation de la morbidité pour y trouver la beauté. Et toute l'esthétique de l'œuvre repose sans doute sur ce simple postulat : la mort peut et doit être conjurée. Il ne faut chercher dans la vie que la substance la plus belle, que « l'écume des jours » les plus heureux. Néanmoins, la maladie est de plus en plus étouffante et les médecins sont de plus en plus présent au fil du roman. Cela permet une critique acerbe, suite aux conseils des médecins, critique qui n'est pas sans rappeler Molière à certains égards, par exemple, lorsque le médecin ordonne : « Il ne faut pas qu'elle boive […], dit-il » (p.192). D'autant plus que Vian utilise le terme « Carogne » emprunté au Malade Imaginaire.
 
Mais c'est sans doute l'intrication de l'amour et de la mort qu'il nous faut étudier pour saisir l'une des pistes les plus sensibles de ce roman. En effet, on remarque que jamais l'un ne va sans l'autre. La maladie puis la mort de Chloé sont suivies en permanence par l'amour de Colin qui sacrifie sa fortune pour tenter de sauver celle qu'il aime. Et plus l'amour de Colin pour sa dulcinée est fort, plus sa santé se dégrade, comme s'il y avait un jeu de vases communicants néfastes entre amour et santé. De même, Alise, trop amoureuse de Chick pour le laisser vaquer à sa passion destructrice pour Jean-Sol Partre, finit par tuer le philosophe, par incendier les librairies et par se tuer elle-même dans un incendie qu'elle a provoqué. Quant à Chick, il se fait tuer pour ne pas avoir payer ses impôts, mort stupide s'il en est mais néanmoins passionnelle puisque l'argent des impôts lui servait à acheter des livres de son idole. Enfin, dans cet ouvrage, même la petite souris meurt par amour pour Colin. Refusant de le voir mourir à son tour, elle demande au chat de l'aider à se tuer pour ne pas subir ce désarroi. C'est sans doute là que réside l'un des plus émouvants passages du livre : mourir pour ne pas voir mourir l'autre, décision venant non d'un homme mais d'une souris spectatrice depuis le début.
Ainsi, cet ouvrage est sans doute d'une incroyable complexité tant par les enchevêtrements de thèmes que par le travail sur le langage, mais en même temps, c'est la simplicité esthétique, l'émerveillement pataphysique qui ressort et qui envoûte le lecteur jusqu'à la dernière page.
 

 
 
Sommaire :
1.    Analyse couples de Personnages "L'Ecume des Jours"
2.    Thèmes de "L'Ecume des Jours" : L'Amitié
3.    Thèmes de L'Ecume des Jours : Le Monde du Travail
4.    Thèmes abordés dans L'Ecume des Jours: La Musique
5.    Thèmes de "L'Ecume des Jours" : La Religion
6.    Thèmes de L'Ecume des Jours : La Superficialité

Analyse :

1/ Analyse couples de Personnages "L'Ecume des Jours"


L'Ecume des Jours fait apparaître six personnages principaux qu'on peut aisément regrouper de la manière la plus conformiste : en couples d'amis: Colin et Chloé ; Chick et Alise ; Nicolas et Isis.
Colin

Colin est un jeune garçon insipide et sans caractère bien défini (au moins au début du roman). On saura qu'il est "gentil" ce qui pourrait se traduire sans doute par "niais" car c'est bien sa situation affective devant Chloé. Tout ce qui le détermine (notamment le portrait de la première scène) évoque l'absence de la personnalité forte qu'on s'accorde à reconnaître chez les héros des romans classiques. Son prénom évoque celui qui "fait dodo" (quand il ne sourit pas, il dort !), en quelque sorte, le "petit frère" de l'auteur (la lucidité et l'ironie en moins !). En effet, les analogies avec Vian sont nombreuses (il aime le jazz, l'amour, a un intérêt certain pour la vie facile et le snobisme, il n'aime pas le travail, la hiérarchie, la violence, les ennuis, les difficultés relationnelles, etc.). On peut signaler que le colin est un poisson insipide et blanc, comme notre personnage qu'on rencontre dans l'eau de sa salle de bain. Propre et attentif à sa toilette jusqu'à l'excès, Colin ne ressemble qu'à un stéréotype : celui d'un acteur qui n'est même pas nommé ("celui qui joue le rôle de Slim") dans une comédie musicale de second ordre. En résumé, ce personnage est, dès l'abord ridiculisé par son créateur, incapable d'agir seul (il doit sans cesse avoir recours à des amis, pour séduire, pour manger comme pour mettre sa cravate, etc.), faible, timide, superficiel, velléitaire, assisté, tête en l'air (on ne traverse pas une patinoire sans regarder !), snob (goûts littéraires à la mode, décoration volontairement de mauvais goût). Ce personnage sans épaisseur est reduit à sa plus simple expression physique par un portrait insuffisant et stylisé (taille moyenne, "tête ronde", "oreilles petites", etc.). Son seul signe distinctif (la fossette au menton) est le résultat de son humeur sans consistance et de son sourire permanent.

Colin s'ennuie et se sert de ses amis pour se distraire n'hésitant pas à se montrer généreux s'il en tire un quelconque avantage. Ses activités sont restreintes (dormir, manger, boire), ou superficielles (tourner en rond sur la glace, écouter son cuisinier lui lire une recette). Son esprit est vide comme sa vie au début du roman et il a besion de faire-valoir pour exister. Ses préoccupations affectives tardives sont plus nettement sexuelles qu'amoureuses. En cela, la caricature canine que donne Vian de son personnage chez Isis est révélatrice. Comme la plupart des autres personnages de Vian, Colin nous est présenté sans famille, sans parents, sans biographie, sans origine. Enfin, il est riche, sans aucune notion de la valeur de l'argent, généreux par inadvertance, négligeant les biens matériels tant qu'ils abondent, séduit par tout ce qui brille ou est coloré (jaune et violet de préférence !)

Pourtant, malgré tous ces handicaps, c'est Colin qui sera le personnage principal de ce récit. Ainsi, nous allons assister à la métamorphose par l'amour d'une vie sans intérêt en une destinée tragique. Le personnage va perdre de sa superficialité au travers des épreuves qu'il va endurer et devenir réellement un héros face à l'adversité. Il vaincra ses répugnances les plus tenaces, perdra son insouciance, partagera le sort de Chloé, verra disparaître son monde, ses amis, sa vie. La transfiguration sera complète car le jeune homme souriant de l'incipit deviendra une ombre au rire désespéré.

Colin est riche, snob, niais, souriant, dormeur, superficiel...
Colin aime la patinoire, l'amour, le confort, le jaune et le violet, le jazz...
Colin n'aime pas le travail, la maladie, le mensonge, les fusils, la mort...
Colin deviendra pauvre, naturel, lucide, triste, insomniaque, profond...



Chloé

Chloé incarne la beauté et la féminité. Elle est l'objet de l'amour de Colin. Elle se présente d'ailleurs davantage comme un objet qu'un sujet. Elle porte le nom d'un morceau de Duke Ellington et l'amalgame est fait par colin lui-même : c'est un beau morceau ! Elle est jeune et jolie, insouciante (jusqu'à son mariage !) et sensuelle. Elle ne brille pas par son intelligence (l'argumentation au sujet du travail !), n'aime pas les situations compliquées, elle aime rire. Elle aime l'amour et les attentions de Colin mais semble souffrir du désintérêt de ce dernier qui, dès le mariage contracté, la néglige. L'amour qu'elle porte à Colin apparaît superficiel. Elle rit davantage de Colin qu'elle en est amoureuse. Elle tombe immédiatement malade après son mariage (toux sur le perron de l'église) et seul le geste de lui offrir des fleurs semble apaiser son mal. Elle dépérira comme une fleur sans qu'on puisse la soigner. Elle est la cause de tous les bonheurs et de tous les malheurs de son compagnon. Son sort est pathétique car, en réalité, elle meurt d'ennui. Ce personnage ne présente aucne épaisseur psychologique n'a pas de passé, pas d'avenir, pas de désirs identifiables, sa souffrance même lui échappe.

 

Chloé est jolie, jeune, niaise, souriante, attirante, superficielle...
Chloé aime la patinoire, se promener, l'amour, le confort, la protection, les fleurs, les câlins...
Chloé n'aime pas le travail, les travailleurs, la maladie, les difficultés, l'ennui, le mariage...
Chloé deviendra malade, faible, morte...



Chick

Chick est le meilleur ami de Colin en apparence (un chic type !) mais son comportement avec Colin est celui d'un profiteur méprisant, égoïste et méchant. Sa mort en est une cruelle illustration. Aucune description physique du personnage n'est donnée mais sa psychologie perturbée de monomaniaque collectionneur montre un personnage envieux et frustré (il travaille alors que Colin est rentier !). Il extorque de l'argent à son oncle, à son ami. Il fera le malheur d'Alise et le couple apparaît comme le négatif de celui de Colin et Chloé. Leur mariage n'aura pas lieu et l'égoïsme de Chick répond à l'amour altruiste de Colin pour Chloé. Sa folie pour Partre est d'une totale superficialité (il n'en comprend pas un traitre mot !) et d'une complète déraison.

Chick est jeune, profiteur, menteur, envieux, superficiel...
Chick aime Partre, la patinoire, le confort, l'argent...
Chick n'aime pas le travail, les travailleurs, les impôts, le mariage...
Chick deviendra aigri, fou, mort...



Alise

Alise est une jeune femme sentimentale et aimable. Elle ne sera pas décrite physiquement (pas plus que les autres personnages) mais présente une psychologie plus aboutie car elle est capable d'intérêt pour le bonheur de Colin et la maladie de Chloé. Elle regrettera rapidement de ne pas avoir rencontré Colin à la place de Chick. Elle est la preuve que la vie est mal faite car un couple Colin et Alise est souvent dessiné en contrepoint dans le roman. Son désespoir face à la folie de Chick est total ce qui la conduira au meutre de Partre qu'elle rend responsable de son malheur. C'est un personnage pathétique.

Alise est jeune, joile, aimable, altruiste, intelligente...
Alise aime la patinoire, l'amour, le mariage, l'amitié...
Alise n'aime pas Partre,
Alise deviendra désespérée, meurtrière, abandonnée, morte...



Nicolas

Nicolas est un subalterne qui deviendra un ami de Colin, probablement un des plus fidèles. Il n'appartient pas à la même catégorie sociale que les autres personnages principaux et on ne cesse de le rappeler au début du roman. Cuisinier obséquieux, il se transformera dès qu'il reprendra sa liberté en un être grossier et salace, personnalité qu'il ne faisait donc que dissimuler. Séducteur, volage et arriviste, réputé pour sa virilité (il fait pour cela l'admiration de tous !), il formera un couple équilibré avec Isis malgré les différences sociales qui les caractérisent. Il reste fidèle à Colin et se montre plus fiable que Chick. Il représente l'équilibre et la réussite, l'intelligence, le bon sens (si toutefois il y en a un dans l'Ecume des jours !).

Nicolas est obséquieux puis vulgaire, séducteur, intelligent, qualifié, altruiste, fidèle...
Nicolas aime les filles riches, l'amitié...
Nicolas n'aime pas rien car tout l'indiffère
Nicolas deviendra marié, riche, attentif au sort de Colin...



Isis

Isis est la seule à posséder un patronyme (Ponteauzanne) un famille un père et une mère (absents mais mentionnés) un appartement immense en centre ville une fortune importante. Elle est issue de la haute bourgeoisie et tombe amoureuse de Nicolas pour son côté vulgaire et populaire. Elle est une entremetteuse qui a arrangé la rencontre de Colin et Chloé pour débarrasser Chick de l'intérêt de Colin pour Alise. Son rôle est mineur mais elle imprime une présence sensible en arrière plan et conserve un intérêt sincère pour le malheur de Colin jusqu'à la fin du roman.

Isis est riche, intelligente, capable de compassion...
Isis aime les hommes du peuple, l'amitié...
Isis n'aime pas rien car tout l'indiffère
Isis deviendra mariée, attentive au sort de Colin...



Jean-Sol Partre

Jean-Sol Partre est l'anagramme de Jean-paul Sartre dont Vian était l'ami. C'est un hommage (note de musique dans le prénom !) au grand penseur qui le fait figurer dans le roman, mais un hommage à la Vian : irrespectueux, caricatural et drôle. Partre est un prédicateur obscur et cérémonieux qui manie les foules (intellectuelles, snobes ou qui se prétendent comme telles !) en maître vénéré et impérieux. En fait, il dit n'importe quoi et personne ne le comprend alors que tous se réclament de lui. C'est à peu près la situation au moment de la rédaction de l'Ecume des jours dans l'intelligentia parisienne ! L'exagération, comme toujours dans le roman, rend compte de la réalité avec davantage de finesse qu'une objective description. Source des maux de Chick (drogué au Partre !), puis d'Alise, il accepte volontiers, en philosophe, son propre meurtre.

Partre est philosophe, cabotin, incapable de compassion...
Partre aime les honneurs, rire du malheur des autres...
Partre n'aime pas rien car tout l'indiffère
Partre deviendra mort



L'antiquitaire

L'antiquitaire est un alter ego de Colin, que ce dernier rencontre quand il doit se défaire de son pianocktail. Il est, comme lui, bringueur, buveur, musicien, faible en discussion commerciale, attachant, capable de compassion.

L'antiquitaire est
musicien, gentil, capable de compassion, intelligent, alcoolique...
L'antiquitaire aime
le jazz, rire, boire, ne pas travailler...
L'antiquitaire n'aime pas
la maladie
L'antiquitaire deviendra
une aide temporaire pour Colin



Mange-manche

Mange-manche est davantage un clown qu'un médecin. Son aspect sérieux n'est qu'une apparence (a-t-il avalé un manche à balais ?) car il boit et fait semblant de travailler pour s'adonner à une passion enfantine : celle des maquettes. Tout en lui est donc positif pour Vian (il n'est pas "le premier venu") mais il ne peut enrayer la maladie qui prend source chez Chloé plus profondément.

Mange-manche est clown, cabotin, capable de compassion, intelligent, alcoolique...
Mange-manche aime les maquettes, rire, boire, ne pas travailler...
Mange-manche n'aime pas la maladie
Mange-manche deviendra incapable de soigner chloé.


2/ Thèmes de "L'Ecume des Jours" : L'Amitié

Nous allons parler ici de l'amitié qui lie deux personnages: Colin et Chick. On remarque leur grande amitié dès le début du livre: "toi non plus, tu ne ressembles à rien de connu" (Chick à Colin), "il avait invité à dîner comme tous les lundis soirs, son camarade Chick", ou encore "je vous présente mon ami Chick ".

Chick, n'a qu'une grande passion : Jean-Sol Partre. C'est un auteur très à la mode dans l'histoire de Boris Vian, dont Chick aime posséder tous les livres. Mais son salaire d'ingénieur et l'argent qu'il prend à son oncle ne lui suffisent pas à enrichir sa collection : "Au beau milieu de l'étalage, un exemplaire du Remugle de Partre, relié de maroquin violet (...) - Colin ! appela-t-il, prête-moi un peu d'argent".

Chick profite non seulement de l'hospitalité de Colin, mais n'hésite pas à lui demander de l'argent. Il ne dit pas "Est-ce que tu pourrais me donner de l'argent", mais, "prête-moi un peu d'argent". Colin bien sûr accepte. Colin en plus de ça, a donné 25 000 doublezons à Chick, pour qu'il épouse Alise. Mais Chick s'en servira pour compléter sa collection de livres de Partre. Donc Chick ne profite pas honnêtement de l'argent que Colin lui avait donné : "il ne lui restait plus qu'un doublezon", "il n'avait pas payé ses impôts". Chick en plus de ça, et cela se remarque tout au long du livre, n'a aucun moment à consacrer à Colin, et il ne lui vient pas en aide durant la maladie de Chloé, lorsque Colin a besoin d'argent.

Chick n'est donc qu'une personne très superficielle, qui s'attache qu'à une seule chose: Jean-Sol Partre. C'est ce qui le conduira sa perte d'ailleurs. Il ne donne aucune réciprocité à l'amitié que Colin lui porte.


3/ Thèmes de L'Ecume des Jours : Le Monde du Travail

Un des principaux thèmes de l'écume des jours reste le monde du travail. Bien que peu de chapitres abordent ce sujet, l'idée de Colin sur le monde du travail, son comportement, celui de Chloé vis à vis des travailleurs ne laissent aucun doute. Boris Vian critique la hiérarchie des entreprises, les patrons, le système du monde du travail en général. Les quelques exemples en dessous, nous montrent comment Vian voit le monde du travail. Des personnages complètement caricaturés, bêtes, méchants entre eux.



Colin et le travailleur: Colin se rend à la patinoire et découvre un personnage qui a pour rôle de distribuer les casiers aux clients. Vian rabaisse au maximum la tâche de cet homme, il ne note pas les clients mais il "trace des initiales du client sur un rectangle noirci à cet effet". Vian montre à travers les yeux de Colin le monde des travailleurs. Cet homme à la patinoire est méprisé par Colin, puisque c'est un travailleur. "Un homme à chandail blanc lui ouvrit une cabine, encaissa le pourboire qui lui servirait pour manger, car il avait l'air d'un menteur". Ce que Vian veut dire, c'est que cet homme, "est un menteur" car il va se servir du pourboire pour manger. Il travaille sans salaire, et c'est ses pourboires qui lui servent à manger.


Les personnages secondaires et le travail: Nicolas, le serviteur de Colin, est un homme très respectable, qui abuse de superlatifs pour qualifier Colin, car il travaille pour lui. Il ne montre pas la sa vraie personnalité, l'appât de l'argent le force à changer son comportement pour pouvoir avoir son salaire. Lorsque dans le premier chapitre, lorsqu'il travaille encore pour Colin, il parle de la manière suivante: "Je n'ai pas l'avantage de connaître Monsieur Chick, (...) cela me permettra de situer avec une quasi-certitude l'ordre spatial de ses goûts et dégoûts" ou encore "Une jolie jeune fille, d'ailleurs, si j'ose introduire ce commentaire". Mais sur la fin du livre, lorsque Nicolas ne travaille plus pour Colin, son langage change totalement, il est lui-même, l'argent ne lui fait plus envie et ne le force donc pas à faire des efforts de langage pour en avoir: "C'est dégueulasse de ta part, dit Nicolas. J'ai l'air de foutre le camp comme un rat". Mais Nicolas n'est pas le seul à changer de personnalité lorsqu'il a affaire à l'argent. Les hommes d'Eglise, au mariage de Colin et Chloé, offrent une grande cérémonie, ils sont nombreux, font durer le mariage car ils savent qu'ils vont être payés. Au contraire, à l'enterrement de Chloé, lorsqu'ils savent que Colin est ruiné, ils bâclent la cérémonie, balancent le corps de Chloé, arrivent dans une voiture de pompiers, et repartent aussitôt.


Colin, Chloé, et les travailleurs: Après leur mariage dans la grande église, Colin et Chloé partent en voyage de noces. Leur mariage se faisait dans une grande église, avec beaucoup de jaune (couleur qui porte bonheur à Colin), avec beaucoup de monde, etc. représentait un endroit très gai. Puis, lorsqu'ils prennent la route pour le voyage de noces, Nicolas qui conduit la voiture passe par un chemin sombre, avec des trous dans la route, un paysage très "glauque". Quand tout à coup, Chloé aperçoit une "bête écailleuse près d'un poteau télégraphique". La bête en question se révèle être en fait un travailleur, qui travaille dans l'entretient des lignes à hautes tensions. Chloé dit alors "C'était... c'était laid". Puis, après un virage, la voiture se retrouve à côté des mines de cuivre, là où des centaines d'hommes travaillent. "On ne voyait dans leurs yeux qu'une pitié un peu narquoise". Chloé dit "Ils ne nous aiment pas, allons nous-en d'ici, ils travaillent, mais ce n'est pas une raison. (...) Pourquoi sont-ils si méprisants ?". S'engage alors une grande conversation entre Colin et Chloé sur le monde du travail: "Ce n'est pas tellement bien de travailler", "en général, on trouve ça bien. En fait personne ne le pense, on le fait par habitude", "en tous cas, c'est idiot de faire un travail que des machines pourraient faire". Chloé se lance dans une grande théorie lorsque Colin lui dit qu'il faut quelqu'un pour fabriquer ces machines: "Oh, évidemment, pour faire un oeuf, il faut une poule, mais une fois qu'on a la poule ou peut faire des tas d'œufs. Il vaut donc mieux commencer par la poule". Puis Colin conclut : "Ils sont bêtes. C'est pour ça qu'ils sont d'accord avec ceux qui leur font croire que le travail, c'est ce qu'il y a de mieux. Ca leur évite de réfléchir, et de chercher à progresser et à ne plus travailler". Colin et Chloé n'aiment donc vraiment pas le travail, et pensent que ceux qui travaillent sont simplement "bêtes". Cette ici une inversion, volontaire bien sûr de la part de Boris Vian, puisque normalement, dans les romans, les héros sont les pauvres qui combattent les inégalités et les riches, alors qu'ici, les héros sont les riches... qui méprisent les pauvres.


Colin et son employeur: expliquons d'abord comment Colin en arrive à devoir chercher du travail: Chloé est malade, et seules les fleurs peuvent l'aider à se sentir mieux. Comme Colin n'a plus d'argent parce que Chick lui a tout pris, il doit travailler, pour pouvoir en acheter. Il se rend donc à une offre d'emploi. Ce passage est celui qui critique le plus démonstrativement possible le monde du travail. Colin arrive dans l'entreprise, se trouve devant "Une porte noire ". Dans les bâtiments, les virages sont relevés, ce qui force les gens (les travailleurs) à aller plus vite pour ne pas tomber, et pour garder l'équilibre. Puis, enfin, Colin arrive dans le bureau du directeur. "Il s'assit dans un fauteuil réctif qui se cabra sous son poids, et ne s'arrêta que sur un geste impératif de son maître". Et là commence la critique des chefs d'entreprise, de leurs bêtises, car le directeur sans même dire bonjour à Colin, commence à poser des questions. " Que savez vous faire ?". Il ne sait pas pour quel emploi on demande. Et paraît paranoïaque à l'idée que Colin lui vole sa place. C'est quelqu'un de méprisant, il appelle son sous-directeur en criant au téléphone. Puis le sous-directeur est décrit sous un aspect encore plus pathétique "Un homme miné par l'absorption continuelle de poussières de papier, et dont on devinait les bronchioles remplies, jusqu'à l'orifice de pâte cellulosique reconstituée". C'est un homme détruit par le travail. L'homme a cassé une chaise, et avoue avoir utilisé plusieurs tubes de colle pour essayer de la réparer. Le directeur lui dit alors " Vous les paierez! Je les retiendrai sur vos appointements !". Mais l'homme répond qu'il a lui aussi retenu les tubes de colle sur le salaire de sa secrétaire. Boris Vian se moque ici de la hiérarchie des entreprises, que le directeur commande le sous-directeur, qui commande lui sa secrétaire, qui commande, elle, un stagiaire, etc. En plus de ça, le directeur et le sous-directeur sont décrits comme bêtes, et se disputent pendant un bon moment pour cette histoire de chaise, et finissent par trahir la vérité lorsqu'ils traitent Colin de fainéant : "C'est ça, dit le sous-directeur, (...), vous voulez prendre la place du directeur !". Ce qui explique en fait que le plus fainéant dans une entreprise, c'est le patron, suivit de son sous-directeur, etc. Puis Colin s'en va, dégoûté encore plus du monde du travail.


4/ Thèmes abordés dans L'Ecume des Jours: La Musique

La musique est un thème assez peu présent dans l'écume des jours. Seulement quelques chapitres en parlent. Mais il y a quand même quelques références à des musiciens ou a des titres de chanson de Jazz. On voit donc que même si la musique n'a pas une grosse importance dans l'histoire du livre, elle tient une grande place dans la vie de Colin. En effet, les exemples ci-dessous nous le prouvent.

Chez Colin: Dès le premier chapitre, on trouve certaines références. Par exemple, lorsqu'il sort de la salle de bain, Colin de rend dans "la salle à manger-studio", qui donne vue sur l'avenue Louis Amstrong, célèbre jazzman américain. Puis, Colin dispose sur la table un bocal de formol avec des embryons de poulet, qui miment Le Spectre de la Rose, un ballet de musique du XVIII ème siècle. Ensuite, chez Colin, on trouve un instrument un peu spécial, un pianocktail. C'est un piano, qui, au fur et à mesure des notes que l'on joue, sert des cocktails dans des verres disposés à cet effet. Colin y joue alors ces morceaux favoris, comme Black and Tan Fantasy , et sort ainsi des cocktails, qu'il qualifie lui-même d'ahurissant". "A la fin de l'air, une partie du panneau de devant se rabattit d'un coup sec et une rangée de verres apparut. Deux d'entre eux étaient remplis d'une mixture appétissante." Colin apprend aussi lors d'un cours donné par Nicolas, à jouer le Biglemoi, danse qui se pratique sur des airs de boogie-woogie.

A la patinoire: juste une petite référence. Comme la musique fait parti de la vie des personnages qui entourent Colin, même les robots à la patinoire chantent: "en chantant l'hymne de Molitor, composé en 1709 par Vaillant-Couturier". Il faut savoir que Vaillant-Couturier n'est pas un vrai auteur, mais un rédacteur en chef d'un célèbre magazine, à qui Vian fait faire des petites apparitions ironiques dans ses romans, comme dans En avant la zizique (1958).

La rencontre: C'est la maladresse de Colin qui va séduire Chloé. Les gaffes qu'il fait font que Chloé tombe amoureuse de lui, notamment celle-ci: lorsqu'il la voit, Colin dit: "vous êtes arrangée par Duck Ellington ?" en référence au morceau de musique "Chloé", arrangée par Duck Ellington.

Pendant la maladie: Lorsque Chloé tombe malade, elle demande à un moment à Colin de lui mettre de la musique, ce qu'il fait. On sent alors le renouement d'une complicité entre les deux personnages: "il y avait quelque chose d'éthéré (..), quelque chose d'inexplicable et de parfaitement sensuel. La sensualité à l'état pur, dégagée du corps". Puis Colin embrasse Chloé, chose qu'il fait rarement au cours du livre. Et tout à coup, la pièce dans laquelle ils se trouvent change de forme, et devient sphérique: "Les coins de la chambre se modifiaient et s'arrondissaient sous l'effet de la musique".

En plus: on note quelques petites références "Ils tournaient rue Sidney Bechet" ou : "allo ? La maison Gershwin ?", par exemple, ou encore de nombreux morceaux de musique sont cités tout au long du roman.


5/ Thèmes de "L'Ecume des Jours" : La Religion

Dans sa critique de la société, Boris Vian n'a pas épargné la religion : On retrouve ce thème à travers deux cérémonies, le mariage et l'enterrement.

Dans la première cérémonie, tout va pour le mieux. C'est un mariage astentatoire : L'église est grande, tout est immense et bien organisé.

Mais on remarque que tout fait penser à un spectacle, à une foire : " La Parade avant la noce ", " les 14 enfants de fois executaient un ballet ", " Le religion tenait une grosse caisse, le bedon jouait du fifre et le chuiche scandait le rythme des maracas ".

Cette cérémonie importante qu'est le mariage, perd toute sa solennité : aucun des personnages de ne semble sérieux, les objets et les chants sont inadaptés : Le réligieux est pédophile et les garçons d'honneur sont pédérastes. Dieu a un oeil au beurre noir...

Vian a tourné le mariage a la dérision car, apparement, ce n'est qu'une formalité : Colin et Chloé ne se connaissent pas depuis longtemps et ne s'aiment pas vraiment. Le principal rôle de ce mariage est de monter la richesse de Colin. L'auteur dénonce aussi la richesse de l'Eglise, qui normalement ne doit pas s'interesser à l'argent : " Le chuiche et le bedon, cabriolant dans leurs beaux habits..." " Le chevêche s'assit dans un grand fauteuil de velours. Le bruit des chaises et des tables était très harmonieux" Encore une fois, l'evêque est sur un grand fauteuil de velours et les fidèles sur de vieilles chaises grinçantes. Le nom parodié de " Bedon " évoque les rondeurs des hommes d'Eglise, qui mangent plus qu'ils ne devraient...

La plus part des invités ne sont pas croyants, où du moins pas pratiquants. Pour qu'ils se remémorent les prières, ils doivent passer dans le train fantôme : ainsi, la peur les aide à se rappeller.

Pour l'enterrement, les conditions sont totalement opposées. Colin est ruiné et doit donc avoir un enterrement de pauvre. Ce qui signifie qu'il n'a le droit a aucune marque de respect de la part des religieux : Chloé est transporté dans une boîte par deux hommes qui chantent joyeusement, les religieux ne font qu'une rapide apparition. Ils n'ont pas pris la peine de s'habiller correctement. Ils font ce qu'ils ont a faire, et disparraissent sans adresser la parole aux autres. Cela montre que, selon le prix de la cérémonie, ils mettent plus ou moins de sérieux dans leur...mascarade.

Tout cela prouve que Vian n'est pas un ami de l'Eglise, et même s'il tourne ça en humour dans son roman, le sens est bien plus profond et plus pertinant que ce qu'on pourrait croire a une première lecture.



Dans sa critique de la société, Boris Vian n'a pas épargné la religion : On retrouve ce thème à travers deux cérémonies, le mariage et l'enterrement.

Dans la première cérémonie, tout va pour le mieux. C'est un mariage astentatoire : L'église est grande, tout est immense et bien organisé.

Mais on remarque que tout fait penser à un spectacle, à une foire : " La Parade avant la noce ", " les 14 enfants de fois executaient un ballet ", " Le religion tenait une grosse caisse, le bedon jouait du fifre et le chuiche scandait le rythme des maracas ".

Cette cérémonie importante qu'est le mariage, perd toute sa solennité : aucun des personnages de ne semble sérieux, les objets et les chants sont inadaptés : Le réligieux est pédophile et les garçons d'honneur sont pédérastes. Dieu a un oeil au beurre noir...

Vian a tourné le mariage a la dérision car, apparement, ce n'est qu'une formalité : Colin et Chloé ne se connaissent pas depuis longtemps et ne s'aiment pas vraiment. Le principal rôle de ce mariage est de monter la richesse de Colin. L'auteur dénonce aussi la richesse de l'Eglise, qui normalement ne doit pas s'interesser à l'argent : " Le chuiche et le bedon, cabriolant dans leurs beaux habits..." " Le chevêche s'assit dans un grand fauteuil de velours. Le bruit des chaises et des tables était très harmonieux" Encore une fois, l'evêque est sur un grand fauteuil de velours et les fidèles sur de vieilles chaises grinçantes. Le nom parodié de " Bedon " évoque les rondeurs des hommes d'Eglise, qui mangent plus qu'ils ne devraient...

La plus part des invités ne sont pas croyants, où du moins pas pratiquants. Pour qu'ils se remémorent les prières, ils doivent passer dans le train fantôme : ainsi, la peur les aide à se rappeller.

Pour l'enterrement, les conditions sont totalement opposées. Colin est ruiné et doit donc avoir un enterrement de pauvre. Ce qui signifie qu'il n'a le droit a aucune marque de respect de la part des religieux : Chloé est transporté dans une boîte par deux hommes qui chantent joyeusement, les religieux ne font qu'une rapide apparition. Ils n'ont pas pris la peine de s'habiller correctement. Ils font ce qu'ils ont a faire, et disparraissent sans adresser la parole aux autres. Cela montre que, selon le prix de la cérémonie, ils mettent plus ou moins de sérieux dans leur...mascarade.

Tout cela prouve que Vian n'est pas un ami de l'Eglise, et même s'il tourne ça en humour dans son roman, le sens est bien plus profond et plus pertinant que ce qu'on pourrait croire a une première lecture.


6/ Thèmes de L'Ecume des Jours : La Superficialité

Les six protagonistes de l'Ecume des jours ne sont pas des personnages au caractère très creusé : On pourrait facilement trouver une qualité, et une seule, et un défault, a chaucun des personnages. Et leurs sentiments, leurs émotions ne sont pas très forts, puisque la seule chose quiles interessent, c'est leur image : Vian dénonce la superficialité des personnages tout au long de son roman.

Il commence dès le début en nous décrivant un appartement luxueux, moderne, dans lequel Colin se sent bien. Mais il n'y est pas souvent, jusque quelques fois dans l'histoire, mais il a un bel appartement, et c'est ce qui compte pour lui.

La mode est très critiquée dans le roman : les filles s'habillent toutes pareille.

Mais surtout, il se moque du phénomène "Jean Sol Partre". Chick veut posséder toute la collection de livres, dans toutes les éditions... Il se fait excroquer par des marchands qui lui vendent des objets lui ayant appartenu...Il fait tout son possible pour assister à la conférence de Partre. Mais il ne l'écoute même pas. Chick veut se donner une image de quelqu'un de bien, de quelqu'un " à la mode " en s'interessant à Partre. Comme le phénomène Jean Paul Sartre à l'époque de Vian, et c'est ce qu'il déononce, ces gens qui s'interessent à Parte par pûr snobisme : Le meilleur exemple est la fameuse conférence, où on assiste à un phénomène d'hystérie collective, où les gens tentent de rentrer dans la salle de conférence par tous les moyens, parachutes, faux billets, etc...et surtout, une fois à l'interieur, on se rend compte que les gens sont habillés de la même façon que Partre et sa femme.
 

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